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7 juin 2009 7 07 /06 /juin /2009 09:21

APRÈS LECTURE DE LA PREMIÈRE PARTIE VOUS POUVEZ LIRE LE RÉSUMÉ  qui réfléchit en termes de fonctions du lecteur.





                    •LE LECTEUR DANS JLF

On appelle narrataire extradiégétique, le lecteur que vous êtes. Celui à qui s’adresse par exemple une préface.
J’ai appelé lecteur inscrit, le narrataire intradiégétique (intérieur, intégré au récit)=N I.

[on risque de vous attendre sur la partie fonctions du lecteur de mon cours donc tout en bas : complétez mes notes (infra) par les remarques suivantes ]

    Il faut partir de la situation (fictive évidemment) que suppose le roman, qu’il veut faire admettre: voilà un texte qui prétend rapporter pour commencer un “récit” conté par un narrateur qui se donne pour auteur-témoin rapporteur-du voyage et de la conversation entre J et son maître et dont on apprend qu’il est aussi le copiste (d’un manuscrit qu’il résume parfois) dont il se veut le garant de l’authenticité.
    Ce conteur (qui se défend de faire un conte) s’adresse à un auditeur lecteur et répond à ses questions (dès le début du roman): on a donc sous les yeux à  fois l’  “enregistrement” de la conversation de J et de l’entretien du n et de son interlocuteur (ils causent 89). Les mots d’auteur et lecteur concernent l’écrit mais nous sommes poussés à nous représenter une situation orale et d’ailleurs le lecteur (NI)  a droit aux tirets des dialogues de théâtre. Un conteur envahissant et un auditeur qui est la voix la moins favorisée du livre: elle n’a droit à AUCUN RÉCIT, AUCUN APPORT..narratif même si on lui demande de choisir entre telle ou telle version. Une voix mineure, reléguée.

 Une voix vraiment sans importance?

    • Qui est ce lecteur, auditeur, narrataire? On peut tenter de définir en pointillé sa silhouette par ses interventions comme par les nombreuses répliques de l’auteur (répétons-le : nous sommes dans une fiction mais qui nous demande de construire cette silhouette).
    Contrairement au N  qu’on peut cerner dans sa profession et sa famille le L est mal connu : anonyme, on ne sait ce qu’il fait dans la vie. Il est cultivé puisqu’il connaît bien Molière 90, Goldoni 142 et son dernier succès (le BOURRU etc) et que le N cherche à le piéger en citant Montaigne sans le dire. Il reconnaît Collé 338
    Le N insiste surtout sur sa psychologie : il est curieux, veut tout savoir, passe pour fâcheux et importun à ses yeux 36, à force de toujours poser les mêmes questions 69; il aime par dessus tout les histoires d’amour 244 sous toutes les formes; il est un passionné 70, ce qui n’est pas forcément un défaut chez DD.



    • SON RÔLE apparent :

    (A) un interlocuteur cible :

    Dans une construction parallèle à celle du duo dominant, il est un peu le valet de l’auteur qui se prend pour un maître. D’un maître autoritaire, parfois cassant : un M qui ne ressemble pas à celui de J.

    Il lui faut subir non seulement les aléas du voyage et donc du récit avec ses interruptions, ses digressions, ses récits intercalés mais aussi les interventions de l’ auteur qui y va de ses confidences et anecdotes : il n’échappera pas à Gousse, au poète de Pondichéry. L’auteur amorce, excite le désir du lecteur I, puis feint de ne plus parler de Pondichéry :  le lecteur cède au désir 55 de savoir, tout en se voyant reprocher sa fantaisie 94.

    Il subit incontestablement les humeurs du n . Il est traité tantôt avec arrogance, tantôt avec désinvolture. Le n qui se donne pour auteur le traite d’hypocrite 303 & se montre même grossier mais s’excuse (338 bête).

    Il a droit non seulement aux interruptions, aux demandes de délais mais aux reproches. Veut-il savoir le lieu de la troisième couchée? On lui répond 36: QUE DIABLE CELA VOUS FAIT-IL? Puis on lui livre une allégorie raillée tout de suite après. Croit-il pouvoir avancer qu’Hudson est mort, il se fait rabrouer aussitôt 325. Quand on l’interroge 262 on ne lui laisse pas le temps de répondre.

    Bref il il sert surtout de faire-valoir.


    De plus au plan esthétique il est une sorte de repoussoir utile au narrateur qui peut en le corrigeant avancer ses propres jugements, critères et valeurs. On devine une critique donc des attentes du lecteur.

    Que lui reproche-t-on?

    Il n’aime que les romans d’amour 244 et il est trop amateur de romanesque. Dans ce roman, chacun a son leitmotiv: celui du N est “vous allez croire , lecteur...” et il nous inflige ce qu’on appelle des contrefictions, des récits hypothétiques qui pourraient avoir lieu mais que le N soucieux du vrai (54+57) récuse à chaque fois : dès le début (11) le lecteur (LI ou NI) est pris comme un amateur de fictions ultra-romanesques, ce qui, par opposition, permet au N d’insister sur l’authenticité de son “témoignage”. Fréquemment il lui reproche ses erreurs  ou anticipe sur elles 89. Ses goûts littéraires dépendent trop de la mode, il lit trop Riccoboni et ses procédés de romans sentimentaux 335.
               
    Il est une autre critique plus profonde et qui lie morale et esthétique: notre Narrataire (I) a des valeurs et il refuse au roman certains choses: il ne veut pas du récit cru, réaliste de la chair putréfiée du genou de J 29 ; plus grave: par pudibonderie il se dit choqué par la grivoiserie, la gauloiserie, les obscénités 302 de certains récits : il a droit alors à de longues répliques du N et il se voit forcé de recevoir une grande variation sur le mot de bigre 284 puis un emploi insistant de foutre. Notre lecteur n’est pas matérialiste : il faut le bousculer.
        Et dans la foulée l’initier au relativisme. C’est à lui que s’adresse la méditation sur les changements de valeurs (94/95); c’est surtout à lui que s’adresse la réflexion fondamentale (la dissertation 219) sur le sublime de Pom et les causes de son action noire mais aussi défendable que celles des hommes que personne ne conteste. Il est un détour insistant pour viser le lecteur réel.

 Mais  ce l i

    (B)N’EST-IL QU’UNE CARICATURE, QU’UN FAIRE-VALOIR? C’est aussi UN INTERLOCUTEUR PERSPICACE - voulu comme tel par le romancier.

    Dans l’agon (affrontement) qui l’oppose au N  il n’a pas toujours le dessous. Sans doute par ruse le N prétend qu’il lui emprunte 284. Surtout il est un lecteur auditeur attentif ô combien et il est celui qui nous guide vers une meilleure compréhension de la place du narrateur  :

    *rappel : en quelques occasions il remet ce dernier à sa place

            -p121: il n’y était pas : qu’il cesse de dire je vois, j’entends ...Il nous mène doucement vers l’idée de manuscrit recopié et dit.

            -il critique certains emplois improbables dans la bouche de J comme  hydrophobe 366, engastrimute  et même l’emploi d’une expression qui ne convient pas à une femme vivant à la campagne (la mortelle heure/la grande heure  289).

    Il peut être blessant et il l’est à deux reprises au moins:il laisse entendre que l’auteur n’a pas de génie...55 et surtout quand  il donne une définition critique du texte qui se développe sous nos yeux 303 (rhapsodie) : mais comme toujours il faut se méfier. Tout est fait pour nous pousser, nous lecteur/narrataire  extradiégétique , à considérer que cette rhapsodie n’en est pas une mais au contraire une œuvre vivante et composée.

   
 
   
     Ne ne soyons pas dupes. Le l i est comme le N se donnant pour auteur  un personnage crée de toutes pièces par le romancier. Il nous reste alors à définir vite ses fonctions.

••••••••••

    LES FONCTIONS du LECTEUR (narrataire intradiégétique ou lecteur inscrit dans le roman) : je donne seulement les pistes mais la question tournerait sûrement autour de ces points.

En introduction bien dire que la question du lecteur (narrataire intra- ou extradiégétique) est prise en compte très tôt dans les romans et qu’elle est devenue essentielle au XXème siècle dans la recherche critique; dire aussi qu’avec d’autres mais plus que d’autres, JLF tient une place majeure dans les aventures du narrataire (dont le XX siècle prendra la pleine mesure)


    • un personnage (donnez quelques caractéristiques cf supra) fictif de plus, manoeuvré (comme le N (à vous)) par le romancier  & qui entre

         -dans une composition parallèle à la relation M & V
         -dans une structure dialoguée parfois virulente (précisez) et renforce ainsi la dimension orale (décrivez la situation supposée) du texte fondée sur un rythme fait de ruptures et de digressions.

    • un faire-valoir du N qui lui permet d’avancer ses principes esthétiques (refus (le romanesque) & choix (matérialisme en art qui ne néglige pas le corps, ce qui passe pour grossier) et même moraux (relativisme).
        -un faire-valoir qui ne manque pas parfois de perspicacité (il nous aide à mieux cerner l’ambiguïté du N (cf supra “vous n’y étiez pas” etc)

    • un moyen ludique (proche de la métalepse) qui permet à DD

        -de décevoir l’horizon d’attente du lecteur “commun” qui n’attend pas assez du roman et trop du romanesque. Un détour nécessaire.
        -de montrer la part de désir qui règne dans toute lecture.
        -d’éveiller la conscience critique du lecteur réel (vous) rendu attentif aux techniques et procédés du roman, à ses méthodes d’illusion ; lecteur actif et non automate, lecteur créateur, vous et moi. Non plus un personnage mais une personne devenue elle aussi plus libre, moins déterminée....

cl : en disant que Dd a ouvert une voie qui ne se refermera pas de si tôt : le lecteur mis en scène, en texte a beaucoup retenu les romanciers du XXème (le VOUS de la MODIFICATION chez Butor et surtout ce lecteur de Julio Cortazar qui meurt avec, entre les mains, le récit de la venue de son assassin).

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7 juin 2009 7 07 /06 /juin /2009 06:50
 POURQUOI DIDEROT A-T-IL CHOISI LA FORME DU VOYAGE dans JLF?

   -esthétiquement, il admire DON QUICHOTTE  de Cervantès, qu'il cite dans JLF et il aime la forme du roman picaresque (cf Lazarillo de Tormes);

    -TECHNIQUEMENT et philosophiquement  cette forme présente bien des avantages :

-il permet des aléas, des rencontres, des "hasards"= donc il multiplie les aventures, les personnages

-& surtout les conversations et les sujets de conversation: ce qui lous donne cette (fausse) impression de désordre, d'improvisation, de rhapsodie.

-DD multiplie les hasards alors qu'il a parfaitement construit son roman...

=> ce qui nous donne aussi l'occasion de voir des cas tous originaux (Gousse, Pom, Hudson)

     -ce VOYAGE EST AUSSI UN VOYAGE DANS LA SOCIÉTÉ DE SON TEMPS : à vous = parlez de toutes les catégories sociales rencontrées.

     -ce VOYAGE EST ENCORE UN VOYAGE DANS LE TEMPS : plus nous avançons, plus nous remontons dans le passé de J ( son enfance, le bâillon, les jeunes femmes, son engagement, Fontenoy, Denise..).

    • enfin philosophiquement DD considère que nous ne savons pas où nous allons, sinon à la mort. Le roman nous montre un trajet sans commencement et sans que nous sachions jamais où allaient vraiment J et son maître: ils n'allaient pas voir le fils spécialement car c'est à l'occasion de leur voyage que le M décida d'aller chercher son "fils" en nourrice..


À QUEL GENRE APPARTIENT JLF ?

   -le roman
   -un roman qui mêle beaucoup de genres ( théâtre, conte, fable ( de la gaine et du Coutelet, nouvelle Pom',critique esthétique) mais disons

   -un  roman philosophique, ludique (fondé sur un grand nombre de parodies ( du roman d'aventures( la fin/Mandrin), du roman d'amour, du roman picaresque,du manuscrit retrouvé...) et beaucoup de jeux sur le narrateur, le lecteur..)
  -on a même parlé d'un anti-roman qui déconstruit toute la rhétorique, toutes les techniques de construction romanesque tout en sachant très bien s'en servir lui-même: il refuse le romanesque ( cf les interventions critiques du narrateur), il évite les longs portraits, délaisse la description, déteste la psychologie de type classique, multiplie les intrigues pour casser la continuité du récit.


QUEL EST LE REGISTRE DOMINANT DE JLF ?

C'est avant tout le roma du mélange ; disons que

 1-c'est un roman où règne  le mélange des genres ( fable, conte, la nouvelle, théâtre, critique esthétique) et le mélange des registres (on a du comique (dont beaucoup de satirique), du pathétique (fin de Pom');

2-le dominant est à la fois didactique ( entre nous c'est stupide) car il nous permet de traverser beaucoup de questions philosophiques et esthétiques   et satirique ( y compris des écrivains et de leur art du roman).



POURQUOI LE PASSAGE À L'AUBERGE EST-IL LE PLUS IMPORTANT DU LIVRE?

BIEN SITUER : fin de journée V, toute la journée VI, matinée de VII.

-c'est bien le centre du livre

-un moment où l'on rencontre directement ou non toutes les classes de la société.

-un moment heureux (malgré le bloquage de la pluie et l'angine de J le 7ème jour), riche en plaisirs : le manger abondant, le vin à profusion, partenaire de conversation délicieuse (hôtesse), belle histoire de Pom.L'hôtese, comme par hasard, a connu le Capitaine.

-beaucoup de comique ( quiproquo sur Nicole, le récit de l'hôtesse interrompu par son mari et les ordres qu'elle doit donner; le mari faux autoritaire, J. boudeur etc.)

-développez alors la richesse du récit de Pom': autre cours.
  -intérêt satirique, esthétique, philosophique.
  -bien dire que la nouvelle est une mise en abyme du roman.

-enfin c'est à l'auberge que J prend officiellement le pouvoir (stipulons) et que DD montre le mieux la critique sociale et politique de son roman.


cl : sur la construction du roman : belle transition d'une machiavélique (Pom) à un machiavélique religieux, bien plus dangereux , Hudson.



 

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7 juin 2009 7 07 /06 /juin /2009 05:55
 SURVOL : TOUT EST DIT DANS MON COURS N°1: SIMPLEMENT JE LIMITE L'ÉTUDE AUX DERNIÈRES PAGES DU PASSAGE.

1)PASSAGE COMIQUE :

-verbal:

  => comme toujours J conduit le dialogue à sa guise..
  => évoquez le langage juridique de J qui fait écho au discours de l'hôtesse.(stipulons, décret, hiérarchie des points (1,2)), il fut arrêté : parodie (insistez sur les parodies dans le roman : parodie du roman d'aventure, d'amour, parodie de Montaigne, de Shandy etc.);

  =>le jeu sur les mots chose et titre (mot)
  =>ajoutez le proverbe qui renvoie au titre du roman jJle fataliste et (= mène)  son maître   :

-de situation :le M s'entend à nouveau dire qu'il est berné sans cesse et qu'il doit s'en accommoder.Il dit en deux phrases leurs rapports depuis 10 ans..Surtout il fait d'un abus une Loi..235
Notez qu'ici, dans les répliques J a un net avantage quantitatif : il laisse peu à dire à son M.

-au plan de la théorie philosophique de J: où l'on voit J s'appuyer sur elle pour duper le M qu'il connaît bien : tout est écrit là-haut, écrivons -le en bas...pour être plus sûr..On voit que son fatalisme est un expédient, une ruse..(tout s'est arrangé à notre insu) Impossible de s'opposer aux lois de la volonté de la nature ...moyen de tromper un M bien concliant.
      De quel livre s'agit-il en  bas de 237? Spinoza qu'il n'a pas lu? Le grand livre de la Nature, qui lui permet de dire et faire finalement ce qu'il veut en prétendant obéir à une loi supérieure?

2)IMPORTANCE SYMBOLIQUE:

-au plan philosophique : il est clair que J fait ce qu'il veut en s'appuyant sur son intelligence et sa connaissance de l'autre et en se cachant derrière un fatalisme qui justifie tout..

-au plan social : à vous , facile: éloge des capacités d'un homme du peuple qui a les moyens de dominer un noble;ici même, dans sa jonglerie verbale et,au quotidien, dans tous les faits et gestes du duo.

-conséquence politique : au-delà de J et des 1000 autres, (237) reconnaissons, stipulons les  qualités du peuple et donnons lui la place qui lui revient.

-la solution est pacifique : une prise de pouvoir qui ne crée pas de violence.Une forme d'avertissement poltique. C'est "dur" mais ce pourrait l'être plus.
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6 juin 2009 6 06 /06 /juin /2009 05:11
ENTRAÎNEMENT ANALYTIQUE

    La septième journée : ils vont quitter le Grand-cerf après midi mais il faut attendre que le temps s’améliore encore un peu. Dans le récit de ses amours, J révèle que la femme qu’il aime est Denise et le M comprend alors ce qu’il aurait dû deviner : ils étaient ensemble jadis au château de Desglands. J évoque ensuite tous les maîtres dont il fut le serviteur. Piqué au vif dans son honneur de séducteur et de noble le M lâche une phrase qui va déterminer une longue querelle : comment Denise a-t-elle pu préférer un J ! 229

    Scène théâtrale (à bien retenir) en trois temps :

-1-le ton monte: J refuse dès lors de descendre; verbe et gestes.
-2-l’hôtesse survient, cherche à comprendre et se pose en magistrate pour séparer les adversaires;
-3-rebondissement, avancée : J en profite pour proposer un “contrat” qui prend acte des dix années que lui et son M ont passées ensemble.

Étudions la première partie de la scène.


À VOUS POUR LA PROBLÉMATIQUE.

1)UNE SCÈNE COMIQUE :

de geste : p 231 violence du M

•comique verbal:

    -la répétition de l'ordre : descendez.+ le refrain il est écrit là-haut 230/1
    -le jeu sur le mot J : paysan  et prénom. Insulte dans l'esprit du maître: on ne cesse pas d'être un inférieur quand on est d'extraction paysanne. Fatalité : vous ne serez jamais qu'un J...
    -vivacité des répliques : reprise d'un même mot : un autre 229+ mieux, un peu mieux;

     -émotion, colère du maître qui passe du vous au tu; insulte (maroufle); réplique amusante de J: clou à soufflet.
    -ironie pateline de J qui glisse doucement la vérité de la situation réelle entre eux...:

-il rappelle leur longue familiarité= pair à compagnon; ami
-............ sa liberté de ton: impertinence
    -dureté de J : franc persiflage : il raille l'autorité de son M (bas de 230) et fait comprendre le titre du livre.

comique de situation : le maître a beau vouloir faire preuve d'autorité, plus il insiste plus il en est dépossédé et sa violence prouve son impuissance.

2)UNE SCÈNE SYMBOLIQUE (au plan social et politique):

 a) il s'agit d'obéir et de descendre : J RÉSISTE et reste sur un pied d'égalité . Celui qui symboliquement descend n'est pas celui qu'on croit. Et J ne descendra jamais.

 b) le noble est blessé (Denise à préféré un J), il a un accès d'autoritarisme, il devient méprisant, injurieux, il rabaisse J ; en même J rappelle ce qu'il fait tous les jours : il est le vrai maître objectif , celui qui travaille, commande, il agit dans le concret et il sait que son maître ne peut s'en passer.Commenter le titre qui est repris : J et son maître.Il vient en premier .

 c) extension de la situation : si J est le peuple, il a de la ruse, de la finesse, il est indispensable au noble : comprenons la leçon politique explicite. Le rustre  vaut la noblesse oisive qui vit mécaniquement et n'a de supériorité que de façade et a recours à la violence quand elle s'aperçoit de sa dépendance.

cl: récapitulez (dites d'autres formes de comique dans JLF) et  parlez de la suite de la querelle.Dites bien l'importance historique
(J parent proche de FIGARO)de cette scène même si DD n'a jamais songé à l'abolition de la royauté..





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6 juin 2009 6 06 /06 /juin /2009 04:36
         LE “CONTRAT”, LA “PRISE DE POUVOIR” DE J
                              -22/237-

    La septième journée : ils vont quitter le Grand-cerf après midi mais il faut attendre que le temps s’améliore encore un peu. Dans le récit de ses amours, J révèle que la femme qu’il aime est Denise et le M comprend alors ce qu’il aurait dû deviner : ils étaient ensemble jadis au château de Desglands. J évoque ensuite tous les maîtres dont il fut le serviteur. Piqué au vif dans son honneur de séducteur et de noble le M lâche une phrase qui va déterminer une longue querelle : comment Denise a-t-elle pu préférer un J ! 229

    Scène théâtrale (à bien retenir) en trois temps :
-1-le ton monte: J refuse dès lors de descendre; verbe et gestes.
-2-l’hôtesse survient, cherche à comprendre et se pose en magistrate pour séparer les adversaires;
-3-rebondissement, avancée : J en profite pour proposer un “contrat” qui prend acte des dix années que lui et son M ont passées ensemble.

Une étape est incontestablement franchie. Un contrat qui, comme tout engagement, pourrait ne pas durer longtemps.

    -I-UNE SCÈNE COMIQUE : je vous laisse improviser


-comique de gestes avec la tension physique autour de la question du “descendez / je ne descendrai pas”. Violence du M prenant J à la boutonnière.

- comique verbal  allié au comique de “caractères”:
    -jeu de mots sur le mot jacques et sur un “homme comme un autre”.
    -richesse et vivacité des répliques (faites de reprises systématiques des même mots) avec la perfidie enjouée, l’insolence de J qui a l’avantage et ne cesse de moquer son M en lui rappelant la qualité de son service et leur égalité de fait;
    -énervement du M qui alterne tu et vous ; grossièreté (maroufle) de celui  qui redevient distant et cherche à prouver sa supériorité au moment où elle n’est plus que formelle;
    -finesse de J qui use et abuse (tactiquement) de sa référence au grand Livre  pour vaincre un adversaire qui n’est plus à la hauteur.
            -dans le comique verbal notons aussi les parodies de discours (retenez ce point : nombreuses parodies dans JLF): le magistrat joué par l’hôtesse 233 (vocabulaire: ouï, prononcé etc) et le “notaire”(?) avec J qui précise ce que sera la paire d’ “amis” dorénavant (stipulons).
            -réécriture également parodique et donc en mineur d’un conflit entre LXV et les parlements : après l’éviction de Choiseul en 1770 un triumvirat mené par Maupéou prend quasiment un pouvoir de façon dictatoriale au grand dam des philosophes : descendez serait une allusion directe à l’exil du parlement en 1771. S’y ajoute une affaire connexe, celle du parlement de Bretagne.

-comique de situation : (1) le M se raidit, se fâche, (2) accepte la solution de l’hôtesse et fou de joie se précipite dans les bras de J en reconnaissant sa dépendance réelle vis-à-vis de J, lequel (3) lui propose son “contrat” qui ne fait qu’entériner ce que le M vient de confirmer de lui-même.
    Cette scène n’est pas unique, comme on aurait pu le penser : elle est la centième du genre. Ce qui est nouveau c’est le “contrat stipulé” par J.Lequel prouve une belle intelligence en rebondissant sur l’accord dégagé par l’hôtesse. Voyons en quoi cette scène comique qui prend acte du comique d’un M qui n’a plus qu’un pouvoir de façade,  en quoi donc elle est répétitive mais surtout neuve. 

    -2-UNE SCÈNE HAUTEMENT SYMBOLIQUE  et une page fondamentale

-on a vu l’allusion au contexte politique, 234 haut. On a vu que l’hôtesse devenue magistrate parlait de zone d’obscurité en ce que l’un peut et ce que l’autre doit. C’est cette zone qui va être traitée.
 
- c’est aux plans social & politique  que cette scène comique (en apparence) importe:

        • on a la confirmation de tout ce que le récit avait accumulé dans le détail: J est sur un pied d’égalité, J est le maître de fait : il a la bourse, il commande à manger, il est actif, il rappelle son action à l’auberge à la deuxième couchée, il a séduit Denise; à l’inverse le M est passif, s’ennuie tout le temps (montre, tabac), n’aime qu’entendre J et  se raidit quand il est trop tard, quand il s’est habitué à ne rien faire, à sommeiller, à mener une vie d’automate.
        • alors  une progression apparaît  de façon décisive :

    *partons de la sentence de l’hôtesse dans cette petite comédie symbolique :  de son PRONONCÉ 233. Elle a une position qui respecte l’Ordre admis (on sait que pour elle “un maître est un maître”), le statu quo ante : mais qui est tout de même particulier et original en effet J a des prérogatives (avantage, pouvoir (exclusif) dont peut jouir quelqu'un) qu’il retrouvera dès qu’il sera revenu de la cave. L’hôtesse veut garder en l’état un équilibre entre l’état de droit et l’état de fait : mais on comprend tout de même sa position “réformiste” : quand au fil du temps, on cède un peu de son pouvoir comme l’a fait le M il ne faut pas revenir dessus. J a des prérogatives, fait étrange, il faut les lui conserver après les avoir annulées pendant une minute.

         Élargissons à l’ensemble de la société : alors on comprend mieux l’allusion au conflit avec le parlement :  la royauté et son gouvernement (tenté un temps par le despotisme avec Maupéou) doit accepter de reconnaître les “concessions passagères “ qu’elle a faites au peuple (au sens ici assez étroit - peuple au sens romain de populus et non au sens de plèbe).

    *mais J va plus loin, il va (certes de façon parodique mais sérieuse en même temps) vouloir stipuler, proposer un contrat : il prend acte de la décision de “justice”: on ne revient pas sur ce conflit mais on pourrait prévenir tous les autres conflits (anticipation intelligente (et rusée sans doute) : il veut UN ARRANGEMENT RAISONNABLE... qui correspond à quelque chose qui s’est arrangé à leur insu 236 et dont il a pris conscience.... Il va faire parler la raison et donc analyser les causes en toute lucidité : il sent, il sait 235 d’expérience que le M dépend de lui. Fait incontestable que le M vient d’admettre 234 et qu’il appelle décret VOULU par la nature : qu’est-ce à dire? J raisonne, voit causes et effets en déterministe conscient: le M & lui forment un duo depuis 10 ans alors qu’il  n’a jamais été gardé longtemps (liste d’ “employeurs” avant); donc quelque chose convient au M : J agit et, animal jaseur, parle tout le temps, pour le désennuyer. Le M a trouvé le vice qui lui convient. Il y a accord, convenance entre eux : il appelle besoin ce qui pourrait être intérêt bien compris : pour le M, J est un besoin 236 indispensable et le moyen de satisfaire ce besoin. Les deux y trouvent leur compte. Impossible d’aller contre de toute façon : tout obéit à une logique de la nécessité (comme le prouve le vocabulaire employé par le valet).
        -repartons : de fait, J a l’ascendant, la vitalité, la force; de droit  le M a le titre, l’apparence, l’indulgence (qualité certaine) mais le fait de sa faiblesse transforme tout.. Leur rapport est socialement, formellement à l’avantage du M, il est humainement à l’avantage de J. Le valet après examen demande  à en tirer les conséquences en connaissance de causes - tout le problème du déterminisme. Savoir et libération. Savoir et convenance. S’il avait  vraiment lu Spinoza il parlerait de composition de conatus.

    => Quelle lecture faire alors de ce passage (partie 3 de la querelle) qui n’a l’air de rien et qui va très loin? Va-t-il plus loin que le réformisme de l’hôtesse?

    -on peut voir déjà une ruse de J et une transformation effective fondée sur le fatalisme qu’il utilise avec intelligence (le grand livre lui sert d’alibi dans une stratégie efficace): il y a inégalité sociale entre M & V mais aussi inégalité naturelle en faveur du V. La vitalité de J, sa vivacité intellectuelle l’élèvent de fait.
    - par tradition on cite alors un texte de Hegel consacré à J qui montre (en parallèle à sa célèbre méditation sur M & esclave dans LA PHÉNOMÉNOLGIE DE L’ESPRIT) combien l’esclave/valet a acquis de pouvoir (de savoir-faire, d’intelligence pratique) pour renverser le M : (par anachronisme et téléologie facile) on croit voir venir alors la Révolution française. Il suffira de changer le droit et les faits donneront l’avantage à J, donc au peuple dont tout le monde a besoin. D’ailleurs la phrase sur les mille autres 237 valets donne une portée générale à la situation singulière du duo.
     Il est de tradition de lire alors un rêve d’émancipation du peuple (J= la partie paysanne la plus importante de la France mais on peut aller à tout le 1/3 état) d’autant que le narrateur dès la page suivante,  citant J, va faire l’éloge du peuple et le défendre contre l’accusation de cruauté 238. Des auteurs comme Anatole France qualifieront DD de “socialiste” (pur anachronisme): si le M est le roi et J le peuple on aurait une proposition démocratique : en attendant une prise de pouvoir le valet demande une reconnaissance de fait de son importance .Le rapport de force serait tôt ou tard à son avantage. [C’est sans doute méconnaître le peu d’espoir que DD mettait dans le peuple (au sens de plèbe) mais oublions ce point]. La chute provoquée du maître dans le futur épisode du cheval serait un symbole éloquent. Que le M soit encore heureux de garder le titre.

        Ici on peut proposer une position plus diderotienne : si J est “un philosophe” d’origine populaire, et si d’autres philosophes plus éclairés que lui viennent auprès des rois, on peut aller tranquillement vers un pouvoir plus réel du peuple (dont ils seraient l’expression) en gardant un pouvoir symbolique au roi ou même un temps aux aristocrates que le livre montre en fin de course. Les actifs auraient enfin le pouvoir de droit qu’ils ont déjà de fait au détriment des aristocrates parasites parce qu’improductifs. DD veut un État qui soit aux mains des actifs et de ceux qui peuvent agir sur la nécessité en oeuvrant et pensant les liaisons, les causes.

        Une chose frappe en tout cas dans cette fiction : l’accord se fait sans violence, il est même fait pour abolir la violence. Si chez Hegel on a tôt ou tard une prise de pouvoir imminente fondée sur un rapport de forces, avec  DD nous aurions un accord de deux êtres et de bien d’autres qui se conviennent: puissance de degrés divers, puissances inégales qui conviennent aux deux parties. Tout le problème politique de DD étant de trouver au niveau de l’État un accord d’intérêt général qui ait l’assentiment de tous les intérêts particuliers. Il y a beaucoup réfléchi mais n’a pas livré une oeuvre systématique qui aurait été pour lui ce que le TRAITÉ POLITIQUE est pour Spinoza et  le  CONTRAT SOCIAL  pour Rousseau.

cl : on voit ce qui se cache de complexe sous cette dispute qui semble surtout amusante à première vue. Quelques jours après, coup de théâtre, le maître trahit le valet, trahit son honneur en tuant ST-Ouin  et laisse J se faire accuser à sa place. Si les maître en sont là le pouvoir sera bientôt à prendre. Avec l’aide de philosophe plus instruit que J? Sinon faudra-t-il redouter des troupes dirigées par Mandrin?
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14 février 2009 6 14 /02 /février /2009 09:45
  En quoi JLF est-il un roman philosophique?

dire que le XVIIIème est friand de contes (Voltaire) et de romans philosophiques (La Nouvelle Héloïse de J-J. R)

partir sur


a) c'est tout d'abord un roman :

-avec héros dont une longue analepse nous offre quasiment toute la vie, roman d'aventures ( à vous: auberge 1; corbillard du capitaine,amours du maître), avec rencontres multiples, traversées de nombreux milieux.

-un roman qui s'interroge sur le roman et multiplie les allusions, les citations, les parodies.Ce qui nous amène à la dimension de

b)roman philosophique:

-sans être dogmatique, sans exposer son système, sans toujours faire de J son porte-parole (cf la question du grand rouleau qui serait écrit d'avance; bien dire aussi que le Spinoza du capitaine est curieux et que la pratique de j est peu spinizienne ) DD nous entretient souvent de philosophie matérialiste:

              -question centrale : le hasard, la nécessité, le fatalisme, la liberté , le déterminisme. J & son maître sont les tenants de deux positions.


           -sans cesse question du Bien et du Mal , de leurs influences inattendues : un mal provoque un bien etc..Quels exemples?

              -beaucoup question de la nature ( à la place de Dieu), de l'infinie richesse de la nature humaine (Gousse etc), de la place du corps et de l'âme.

              -J se révèle partisan de l'empirisme contre tout spiritualisme : la raison, les idées ne sont pas innées mais elles se développe par la sensation et l'apprentissage .

=>ensuite vous enchaînez sur la dimension de critique sociale et politique (autre cours).

      

MAIS POUR CONCLURE QU'IL S'AGIT AVANT TOUT D'UN ROMAN QUI APPREND À LIRE LA RÉALITÉ DE SON TEMPS. Roman à la gloire d'une certaine sagesse qui consiste à bien vivre, à développer les capacités de son être. La vraie PHILOSOPHIE DU ROMAN EST DANS LE STYLE, LA GAÎTÉ DES RÉCITS , LES INTERRUPTIONS COMIQUES. DANS UNE CERTAINE LÉGÈRETÉ.

          
 
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14 février 2009 6 14 /02 /février /2009 09:02

                       JLF, roman réaliste?

[“Dans toute l’histoire du roman mondial, JLF est le refus le plus radical de l’illusion réaliste” Milan Kundera (grand auteur tchèque contemporain ayant adopté la nationalité  française et vivant en France)]

Le réalisme est 1-une doctrine esthétique apparue au XIXème siècle (Courbet en peinture, une partie de Balzac, Flaubert) donc postérieure à DD et 2-une tendance lourde de l’Occident qui cherche toujours plus à rendre compte le plus fidèlement compte du réel.

-bien réfléchir à l’épineuse question du réalisme, qui n’est qu’un code parmi d’autres pour se faire oublier comme code: ce que Kundera appelle illusion réaliste. On fait croire à la réalité de ce qu’on rapporte dans un roman  en masquant les moyens (littéraires) de faire croire à cette réalité.



    1/CE QUI PENCHERAIT POUR CETTE HYPOTHÈSE: Dd refléterait une part de la réalité de son temps.



    • le roman s’articule autour d’une longue protestation : le N ne cesse d’intervenir pour dire qu’il n’écrit pas un conte 12, un roman 324 (il retrouve des accents de Dd dans son éloge de Richardson (”Par un roman, on a entendu jusqu'à ce jour un tissu d'événements chimériques et frivoles”) et il montre par ces hypothèses de contrefictions (donnez un exemple comme les 9 hypothèses de l’étape 3 qui sera finalement celle de Conches) ce que pourrait être le roman type qu’il rejette. Au nom du vrai il s’en prend à plusieurs reprises au romanesque. Dès l’incipit il refuse de faire comme dans un roman en répondant aux questions qui facilitent la lecture (où quand, pourquoi  etc) : il ne s’agit pas de reprendre les codes du roman puisque de roman il n’est pas question. ...(en principe).       

    Que lisons-nous alors : un document? Une Histoire au sens grec d’enquête 325? Le texte  donne la sensation de rapporter quelque chose qui a été bel et bien vécu et consciencieusement rapporté, enregistré avec les risques de l’ “authentique”: ainsi les lacunes qui paraissent ici ou là.

        Du vrai , seulement du vrai tel est est le postulat inlassablement répété, pendant de la “scie” de J (”il était écrit là-haut...).



    • il est exact aussi que le roman donne des signes nombreux de la réalité historique et sociale traversée:

-ces contemporains devinaient sans doute des personnages réels sous tel ou tel; d’autres ont bien existé: le poète de Pondichéry était connu des familiers de DD,  Gousse aussi, sous un nom proche, Saint-Florentin etc; tout le monde comprenait l’allusion à la crise de la royauté avec les Parlements sous l’allusion de l’hôtesse; on a reconnu deux prélats sous la figure d’Hudson etc..

-il est indéniable aussi que la société de son temps passe sous nos yeux (vous pouvez vous aider des cours sur la satire et sur la société):on a un bon tableau des moeurs du temps; la vie des paysans, la question des dettes, la question de l’aristocratie déclinante sont largement présentes mais toujours en situation : la réalité paysanne est finement perçue par J, la “réalité” complexe de la noblesse est rendue avec  Pom, Hudson, le récit des amours du M. Celle des monastère est rapportée grâce à l’existence du frère de J. Les injustices du Pouvoir royal, les lettres de cachet sont nettement montrées. Dans une certaine mesure le N a raison : on n’a pas affaire à de l’exotisme, nul ailleurs n’est évoqué ou décrit (12).On a même avec le N une certaine idée de la vie d’un auteur (les visites de “Pondichéry,”(le seul à aller vers l’"exotisme"), l’aide d’un Gousse etc). La réalité française cernée à un moment précis : rien d’autre mais c’est déjà beaucoup.



    • en outre dans le récit d’un voyage la réalité consiste à montrer, non sans vraisemblance, le flux incohérent (en apparence) des événements:

- les haltes, les interruptions, les rencontres de “hasard” (un chirurgien qui veut démontrer et fait tomber sa cavalière 13, une méchante auberge puis une bonne auberge, un hôte dur et doux, un corbillard bien énigmatique, un marquis etc)

&

-les conversations dues à ses rencontres : au détour  d’une route ou d’un dialogue on surprend la vie dans son flux, dans ses aléas, ses surprises. Même si ce vocabulaire ne saurait plaire à J qui ne voit pas de hasard mais une nécessité.



          Dans ce cheminement improvisé et soumis aux impondérables on mesure l’importance du corps, bien plus que dans d’autres romans de l’époque : corps blessé de J (à Fontenoy ou avec le linteau) et du M (le genou quand il tombe de cheval, J enrhumé), corps enivré, corps désirant (Suzon etc) etc. La langue qui dit ce corps doit elle aussi ne pas négliger le corporel, le “grossier” qui ne l’est pas mais choque un Voltaire ( cul de sac ; pisser 222; foutre, bigre etc....) même si le N censure, à la demande du lecteur la description de la  trop sanglante blessure 29.

    Il y a donc bien des traits qui peuvent sembler dire la réalité avec acuité et précision. Notamment de la réalité la plus marginale : on se plaît à rencontrer un Gousse, une Pom qui séduisent par la vérité de leur singularité. Le monde est riche d’anomalies, d’hétéroclites et cette richesse passe bien dans notre roman. Est-ce suffisant pour en faire une oeuvre relevant de façon anticipée de l’esthétique réaliste ? Non, nullement. Dans le même mouvement on voit à l’oeuvre 

   
    II/LE RÉALISME CONTESTÉ (ludiquement) de l’intérieur du roman . Cette prétention réaliste du N est un code, un leurre de plus.



    • les arguments donnés tout d’abord (en I) sont réversibles: certes on a des dates, des repères (Fontenoy, la pièce de Goldoni est de 1771), des anecdotes authentiques (Pondichéry), les contemporains pouvaient reconnaître tel ou tel sous un masque (Hudson)

mais

1-le brouillage des temps est inouï (on a du mal à placer le tremblement de terre de Lisbonne 1755 dans la chronologie de l’oeuvre) et on chercherait en vain des descriptions précises (sinon celle tardive de l'IMPAYABLE chapeau de J ou pire celle de l’emplacement des protagonistes de l’auberge pensant le récit de Pom 180, précisions parfaitement inutiles et voulues comme telles): nous sommes à Conche et alors? Avons-nous la moindre idée visuelle de la bonne auberge? Le réel est à peine un décor : Kundera parle de scène sans décor.

2-donner des éléments qui ont eu lieu réellement, qui sont identifiables par le contemporain n’est-ce pas un très vieux procédé romanesque qui s’appuie sur du (semblant de) “vrai” pour faire passer du fictif?

    • le roman met en scène une prétention à la vérité mais n’échappe pas (volontairement, pour démonstration) au romanesque décrié :

    -il fait dans le romanesque aussi, ô combien :

- il multiplie les hasards (le maître tombe sur le genou au milieu d’une conversation sur la douleur d’un genou blessé; l’hôtesse a connu le capitaine; on retrouve le cheval du maître; le maître est un ami de Desg;le roman commence par le genou de J et finit sur celui de Denise..; J a payé sans coucher ce qui amènera le M a parler des ses amours , lui qui coucha et paya longtemps...; les aventures du militaire (ami du capitaine de J) devenu cloueur sont redoublées par celles de Guerchy : la liste est longue.);

-fait capital : ces hasards viennent s’inscrire savamment dans une composition très serrée ( vous aider du cours sur la composition) malgré l’apparence de rhapsodie. La réalité ne compose pas: l’artiste si. Surtout quand il fait croire au désordre...

-l’évolution du roman au fur et à mesure de son avancée est de la plus haute invraisemblance : nous voilà peu à peu avertis qu’il s’agit d’un  manuscrit qui est en parallèle avec des mémoires; on ne nous livre que des bribes de textes dont l’un est un plagiat (de Sterne) : ces procédés sont comiques et relèvent de la mode des (faux) mémoires parodiés par DD. Pour ne rien dire de la “fin” du roman avec la “rocambolesque” équipée chez  Mandrin et la conclusion très proche de Candide .

            -le  romancier, aussi retors que J, répondrait ici que la vie est romanesque... En même temps il ne se gêne pas pour attirer l’attention sur ses propres invraisemblances : le récit de Pom, ses médiations invraisembables ne sont-elles pas un avertissement (on le tient de l’hôtesse qui le tient de son mari qui le tient d’une servante qui le tient d’un domestique...128)



     En réalité dans le rythme (presto) du roman, dans ses grandes déclarations, on perçoit bien vite une grande part d’humour &  d’ironie. Nous lisons un roman qui réfléchit en acte les moyens de la littérature non pour assommer le le lecteur par une théorie mais pour divertir et avertir.

En fait

    • JLF est un roman saturé de littérature (que de saluts, d’hommages, d’emprunts ! ) et un jeu littéraire des plus sérieux avec comme indice le plus visible le recours fréquent à  la parodie  : dans le roman

-parodie d’éloge funèbre (le maître à J pour le consoler de la perte de son capitaine)

-parodie d’une sentence judiciaire avec l’hôtesse;

-parodie de contrat par J (stipulons);

-parodie en forme d' hommage de Montaigne sur la question de l’obscénité (citations, arguments d’autorité, digressions);

-parodie de Rabelais dans le dityhrambe de la gourde et l’écriture carnavalesque ;

-plagiat parodique et hommage à Sterne (fin)

-le roman lui-même parodie d’autres formes: le conte philosophique, le roman picaresque, le roman d’aventure.



    Dans cette esthétique originale le réalisme est à la fois affiché & démonté. Dans notre roman c’est la littérature qui est en scène, ses pouvoirs, ses séductions, ses moyens : parmi eux est déconstruite la prétention à raconter uniformément le vrai. JLF met en scène et en pièces la rhétorique du vrai (qui va curieusement prendre le pouvoir au XIXème). Ce qui ne signifie pas qu'il ne touche pas juste.

cl :    JLF est un carnaval formel auquel rien ne résiste et surtout pas la notion trop facilement admise de Vrai. Ce qui ne veut pas dire que le vrai en art n’existe pas pour DD : il y faut, répète-t-il souvent, le piquant qui fait le génie de Molière et de Richardson. Qui oserait refuser ce mot à JLF ?
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14 février 2009 6 14 /02 /février /2009 08:02

Je vous propose de découvrir de façon schématique quelques grandes propositions philosophiques d’un matérialiste comme DD, propositions qui éclairent JLF : je m’appuierai seulement sur quelques textes , surtout de la fin de sa carrière dont ÉLEMENTS DE PHYSIOLOGIE (=EP), LE RÊVE DE D’ALEMBERT(=RV).

Voir la photocopie donnée il y a peu (début juin) extraite du RV: sur le flux, le mouvement, l'inconstance..

 


Regardons en premier lieu ce qu’est la Matière et la Nature avant de considérer l’Homme dans cet océan infini.

 


Ayons toujours à l’esprit deux phrases cardinales extraites de JLF et qui nous retiendront plus tard quand il sera question de morale athée .

 


* “la distinction d’un monde physique et d’un monde moral lui semblait vide de sens” 243. Au moment où Spinoza vient le plus nettement dans le livre.

 


* “Ce qui est vrai au moral comme au physique” dit le maître dans le grand débat sur les moustiques etc. Spinoza n’est pas loin non plus.


*************************************

•1• la Matière (la Nature) est Tout, elle ne dépend d’aucun Créateur, d’aucune transcendance : l’univers est totalement immanent. Pas de grand rouleau.. [ sauf à penser avec un immense anachronisme que la structure de la matière et celle de l’ADN écrivent infiniment le Tout...dans une auto-production infiniment développée. Le monde s’écrit alors dans un dépliement, un déploiement imprévisible et nécessaire].


- tout ce qui est, est NÉCESSAIRE ! cf J 357

 


-mouvement, sensibilité, vie sont des propriétés fondamentales de la matière. Matière et mouvement ou plutôt matière EST mouvement : unité fondamentale que DD doit aussi aux matérialistes antiques.

 


- la nature est éternelle, éternellement changeante à des rythmes infiniment complexes. Le Tout demeure quand tout change plus ou moins vite : JLF insistera beaucoup sur le changement, l’inconstance de tout. Au physique comme au moral comme on l’a deviné, puisqu’il n’y a pas de différence.

 


- elle est, en tout point et toute organisation, sensible (il en fait la démonstration dans LE RÊVE partie1), y compris l’apparemment inerte (la pierre). ” Pas un point dans la nature entière qui ne souffre ou ne jouisse” ! (Rv). Clé de la pensée de DD.

 


- elle connaît une infinité d’organisations toutes singulières avec des intermédiaires (minéral, végétal, animal, homme) : “chaque ordre d’êtres a sa mécanique particulière”. Et chaque être a sa composition singulière.

 


- changeante elle est donc en évolution permanente : il parle de l’évolution des animaux dans le RÊVE (et même de possible métamorphose de l’Homme) ; évolution par essais, échecs, sélection. On aurait grand tort mais il est tentant de parler d’anticipation de Darwin. En réalité DD pense surtout à Lucrèce.

 


- évolution certes mais jamais rupture : tout est lié dans la nature, rien ne se fait par saut (c’est une loi générale dit EP).

 


[Mais il sera impossible de tout connaître : le Tout existe mais on ne peut le connaître que par îlots. Et gare aux liaisons fausses, qui s’appelleront magie, superstition etc.]

 


[On appréciera sous cet angle le "décousu" supposé de JLF : décousu qui renvoie au mouvement de tout en tout mais décousu qui disparaît quand on réfléchit à l’implacable composition de l’oeuvre qui, elle, prouve bien que tout est lié...]

 


- la matière n’a pas de causes finales comme de nombreux théologiens en prêtent à Dieu (et comme le pense le M parfois). Elle est cause efficiente, développements et diversifications nécessaires et infinis d’elle-même. Inutile de croire par anthropomorphisme que la Nature veut quelque chose. La Nature ne veut rien, l’homme, on le verra, lui prête une volonté pour croire à sa propre liberté (et à sa volonté) : illusion.

 


- elle est indépendante de la pensée et de l’esprit qui au contraire dépendent d’elle et en sont des parties, des développements. L’Idée n’est pas innée en l’homme, l’idée platonicienne est exclue : elle est le produit d’un cheminement qui commence par le corps. Et finit par lui comme on verra.

 


******************************

 


•2• dans cet univers immense l’Homme (qui n’est qu’un point minuscule et non le centre désigné de la nature comme il le croit ) est le résultat des circonstances de la matière et donc matière et organisation particulière de la matière (au sein sans aucun doute d’une évolution qui n’a pas de sens - au deux sens du mot sens).

 


Prolongeant une déjà longue tradition et un concept offensif de matérialistes de son époque, DD emploie souvent le mot de machine pour décrire le vivant et en particulier l’homme : voyez J dans un grand débat philosophique 359 : “..nous étions deux vraies machines vivantes et pensantes”, " (...) avec un ressort de plus en jeu” (ce que le M croit à tort être la Volonté)). L’homme est un composé d’éléments innombrables, un composé "machinique" unique, singulier (misérable composé de défauts dit le M en parlant de lui 115) : tout est donné en organisation par la structure mais certains éléments évoluent et l’être évolue sans cesse et sans qu’il le sache. Il n’y a pas un Homme de toute éternité. Il est sans doute une forme de passage. En suivant les acquis de la première partie on a compris que l’homme ne doit rien à Dieu, ni à aucune Providence (ce que croit le M avec son conception des moustiques 357 ; ce que finit par croire ce benêt de Garo).

 


- la caractéristique de l’homme n’est pas selon DD son apparence extérieure mais son cerveau (EP1278), le siège de la pensée 1279 ; dans le Rv , Mlle de L’Espinasse compare le cerveau à une araignée qui serait sensible à toutes sensations au bout de ses fils.

 


- cette insistance sur le cerveau dépend d’une mise en cause classique pour un matérialiste : l’âme n’existe pas ou en tout cas pas ne peut être séparée du corps et si elle existe elle n’est qu’un ressort(monisme conséquent). DD pose l’inséparabilité de l’âme et du corps : façon et sans entrer dans le détail, des grandes propositions de Spinoza quand il écrit :”l’âme n’est rien sans le corps ; je défie qu’on explique rien sans le corps”(EP). Ainsi la mémoire est selon DD une qualité corporelle. Le corps dans JLF est de la plus grande importance (cf cours), on saisit mieux pourquoi.

 


- DD avance encore un point capital : “la raison ou instinct de l’homme (autrement dit il pose une égalité entre raison et instinct) est déterminé par son organisation, et par les dispositions, les goûts, les aptitudes que la mère communique à l’enfant (...)”(EP). On conçoit combien la génétique actuelle fascinerait notre auteur. On retiendra aussi que dans JLF la question de la paternité est de plus en plus obsédante au fur et à mesure que le livre avance (Que donnerait un fils de Hudson et Pom ? Que sera le fils du M ? etc...). Tout en chacun de nous dépend de notre ORGANISATION physiologique. Je suis la somme (actuelle, provisoire) de mes déterminations et je suis en ce sens


1- identique à l’espèce (élément décisif pour la morale de DD, élément qui va fonder tout de même une universalité rendant possible la morale athée)

et

2- absolument UNIQUE (ce que disaient déjà les stoïciens). Mon goût a des bases organiques, comme ma mémoire, ma ...morale... ! À suivre ! Mais la raison, souvenons-nous en, est instinct : elle est la nature en nous. Je suis mon corps, mon histoire, mon éducation, mes passions. Je suis en deux sens.

 


-cette organisation suppose une capacité (originale en chacun) de perception, de sensation, d’entendement, de réflexion qui n’est pas libre et dans laquelle tout s’enchaîne (empirisme et sensualisme ont retenu évidemment l’attention de DD comme on a vu avec la question de l’Idée : cf le passage dans JLF p 30/31 qui place la sensation au coeur de son analyse) selon une logique complexe : la pensée est seconde par rapport à la matière et par rapport à la chaîne des réactions du corps....”La marche de l’esprit n’est qu’une série d’expériences”. Le concept d’expérience est ici déterminant (cf JLF 22/23).

 


-en matérialiste conséquent DD est soucieux des organes ; chacun a sa vie particulière, a “son plaisir et sa douleur particulière, sa position, sa construction, sa chair, sa fonction, ses maladies accidentelles, héréditaires, ses dégoûts, ses appétits, ses remèdes, ses sensations, sa volonté, ses mouvements, ses nutrition, ses stimulants, son traitement approprié, sa naissance, son développement” !


DD dénomme même tout organe animal et voit l’homme comme un assemblage d’animaux (point capital) où chacun garde sa fonction particulière et sympathise soit naturellement, soit par habitude avec les autres”. Il ajoute :"Chaque organe d’abord a son caractère particulier, puis son influence sur les autres, et l’influence des autres sur lui”. Interaction permanente. Cette sympathie organique va jouer un grand rôle dans la pensée sociale de DD, étant entendu que pour lui aussi l’homme est un animal social, fait pour vivre en société. Et qu’après beaucoup d’autres, le Corps de la Cité est à penser comme le corps tout court.

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14 février 2009 6 14 /02 /février /2009 06:37




-NE JAMAIS OUBLIER L’ALLÉGORIE DU CHÂTEAU 36/7 ! Allégorie politique s’il en est : des vauriens ont accaparé les beaux appartements en prétendant que le château (la terre, le pays) leur avait été légué en toute propriété ; avec l’aide de coglions (police) leur pouvoir est renforcé et assuré.

Entendons : la noblesse occupe le château donc la France et le pouvoir.




• Cette noblesse apparaît tôt certes avec le capitaine qui est tout de même un personnage à part, un hétéroclite, avec aussi le M mais on le découvre peu à peu et il faut la 8è journée et le récit de ses amours pour bien le cerner en tant que noble ; la noblesse vient tard donc, surtout à l’auberge du Grand-Cerf : on y rencontre une hôtesse qui est déclassée socialement, un marquis et on y entend son histoire avec une grande aristocrate, Pom. On entend ensuite parler à quelques reprises du châtelain Desglands, de deux de ses maîtresses, l’une fortunée et l’autre libertine et probe. Avec l’ami du M, le chevalier ST-Ouin on découvre une autre noblesse, peu honorable. Auparavant il est vrai il a été question d’un ministre, comte de Saint-Florentin, "roi" de la lettre de cachet. Hudson courra voir un ministre pour renforcer son pouvoir 256.


Quelle image en retire-t-on ?


-par essence la noblesse ne travaille pas, elle hérite comme le M à la mort de son père, donc elle vit de ses biens et du travail des autres (intendants, paysans etc). Elle vit pour être servie par des “choses” comme J. Elle a plus ou moins d’argent selon sa place dans la hiérarchie interne de l’aristocratie. Un St-O a peu à voir avec un d’Arcis qui est en même temps très inférieur à Pom.


-ne travaillant pas, elle est oisive et occupe son temps en divertissements :



     -Opéra, promenades : dans l’épisode Pom.

     -le jeu (Desglands, Guerchy, l’ami du Capitaine, des maîtres de J) ;

     -la violence ritualisée sous forme de duels (Capitaine, Desg)


  -le libertinage amoureux, sans aucune justification philosophique. Dév “l’emploi du temps” du marquis une fois qu’il est tombé amoureux de la jeune fille manipulée par Pom.


     -l’écoute des bavardages de J pour le M.



=>le tableau est diversifié mais sans être cruel une idée s’impose : cette noblesse faillit à son idéologie et à ses principes lointains et montre une image dévalorisante qui ne correspond plus à son idéal passé - réel ou mythique peu importe :



• que dire en effet

-de St-Ouin, pur escroc (et délateur pour la police) capable de tout pour duper un ami ?


-de ces nobles qui ont employé J (autre cours) (nobles militaires qui meurent sans héroïsme, comte qui se fait moine par peur de la mort, avocat général devenu fou !, marquise qui fuit avec un amant et dont le cousin se ruine en femmes : la gradation rhétorique de la page qui est une dégradation sociale mène doucement vers l’usurier qui mène au maître de J) ?



• On mesure la décomposition lente de la noblesse en particulier avec le M, l’oisif par excellence, l’automate parfait qui est mené par le bout du nez par J qui ne lui laisse que la forme du pouvoir et non sa réalité (fameuse scène de “contrat”). La noblesse est devenue dépendante : elle a trop besoin d’argent, elle n’a plus d’énergie ou elle la met dans des occupations vides : la seule digne c’est Pom mais elle est doublement victime : en tant que femme, et en tant que femme trompée par un idéal de hauteur qui n’a plus de sens. La chute est, sans jeu de mots, fatale. Rien ne dure. Il ne reste plus que de beaux gestes (marier une jeune femme qui fut vénale comme le fait le marquis) mais en se cachant 3 ans....

le M est un symbole éloquent : il n’est plus qu’automate qui passe son temps entre montre (son temps est vide, cyclique), tabatière (automatisme du corps) et histoire de J. Automatisme physiologique (sa nature le fait tel) et sociologique (il dépend de sa classe, de son éducation etc). Il est l’homme qui s’endort, qui se fait voler, il est la marionnette de J dans l’affaire du cheval (à la fin) et tout le temps. Il n’est actif que par intérêt (il soigne J) bref il n’est que réactif : c’est J qui entraîne sa réflexion (mais il n’est pas toujours aussi bête qu’on le croit, il sait piéger J) à la fin sa vraie “nature” physiologique et de classe resurgit : il tue alors qu’il avait bien dit qu’il se connaissait et qu’il était incapable d’un crime parce qu’il est un homme de bien 65 ! Il réagit en homme blessé sur différents plans : il vient d’être humilié par J (cheval), il a appris le succès de J avec Denise (épouser un Jacques !), il découvre que son fils a eu la visite de l’homme et de la mère qui l’ont ridiculisé 10 ans avant. Il tue : par automatisme de classe, comme le capitaine se bat automatiquement en duel. Mécanique bloquée. Grippée.


La répétition semble bien une des caractéristiques de la noblesse : on répète les amours, les duels, les histoires. On croit exister.



DD pose implicitement mais clairement une question sociale et politique que sera celle de Beaumarchais avec FIGARO : le mérite ne peut-il est revendiqué que par la noblesse de droit alors qu’elle en fait assez peu preuve ou doit-il être reconnu à la noblesse de fait, au peuple, aux gens du peuple (au sens romain sans doute mais avec J, au sens large ) qui ont du talent ?



cl : On l’a compris : DD ne cherche nullement à faire un panorama des classes sociales et en particulier de la noblesse : on devine aussi en arrière-plan des abus de pouvoirs des hommes proches du gouvernement et du roi : Hudson rôde, a l’oreille du ministre, Saint-Florentin abuse des lettres de cachet 130 ; on comprend combien a été important aux yeux de DD l’affaire des parlements que parodie l’hôtesse dans la querelle de J de son maître. On mesure simplement que cette société danse, comme on a dit plus tard, sur un volcan.

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14 février 2009 6 14 /02 /février /2009 06:28
Partir de l'idée que le siècle des Lumières édifie patiemment une œuvre de libération de l'homme qui passe par la critique de ce qui est , de ce qui domine. Dire que sous un roman drôle souvent perce une mise en cause radicale de sa société.

1/LA CRITIQUE LA PLUS VISIBLE : SOCIALE ET POLITIQUE


•A•LA CRITIQUE RELIGIEUSE:


-avoir en tête quelques figures religieuses du roman:

     -le frère de Jacques qui est très mal vu ; son ami frère Ange que les moines veulent rendre fou;

      -les prélats clients de la jeune prostituées p170

       -le vicaire qui hait les Lumières et qui est capable de tout 170

      -le prêtre qui cherche à tirer bénéfice des d'Aisnon 198

      -Hudson que vous devez connaître un peu (relire quelques pages)


-QUELQUES IDÉES À PLACER :

       -DD est capable de célébrer un être profondément croyant comme Le Pelletier qui vit pleinement, sincèrement sa foi: le problème est que les Chrétiens le prennent pour un fou...

        -DD considère l'institution religieuse comme contre-nature.IL EST IMPOSSIBLE À UN HOMME de rester chaste et de vitre longtemps enfermé (DD a écrit LA RELIGIEUSE)

        -ce qui provoque chez les religieux une hypocrisie exceptionnelle et un goût extrême pour la sexualité dév Hudson.Par ailleurs ils sont prêts à tout pour avoir du pouvoir : ambitieux, les meilleurs sont machiavéliques et se vendent au plus utile à leur carrière.Ils passent leur temps en guerres fratricides entre écoles de pensées religieuses : jansénistes, jésuites etc. alors qu'ils prêchent la miséricorde.DD redoute leur proximité avec le pouvoir politique : Hudson va à Versailles p 255.

           -l'épisode de la Pom est terriblement accusateur : on peut apprendre la foi en quelques leçons de comédie....

          => bref les religieux sont fondamentalement immoraux  et nuisibles : DD pense qu'un matérialiste comme lui est moins dangereux que ces descendants de Tartuffe.


•B•CRITIQUE DE LA NOBLESSE

     

-NE JAMAIS OUBLIER L’ALLÉGORIE DU CHÂTEAU 36/7 ! Allégorie politique s’il en est : des vauriens ont accaparé les beaux appartements en prétendant que le château (la terre, le pays) leur avait été légué en toute propriété ; avec l’aide de coglions (police) leur pouvoir est renforcé et assuré.


Entendons : la noblesse occupe le château donc la France et le pouvoir.




• SAVOIR QUELQUES FIGURES =>Cette noblesse apparaît tôt certes avec le capitaine qui est tout de même un personnage à part, un hétéroclite, avec aussi le M mais on le découvre peu à peu et il faut la 8è journée et le récit de ses amours pour bien le cerner en tant que noble ; la noblesse vient tard donc, surtout à l’auberge du Grand-Cerf : on y rencontre une hôtesse qui est déclassée socialement, un marquis et on y entend son histoire avec une grande aristocrate, Pom. On entend ensuite parler à quelques reprises du châtelain Desglands, de deux de ses maîtresses, l’une fortunée et l’autre libertine et probe. Avec l’ami du M, le chevalier ST-Ouin on découvre une autre noblesse, peu honorable. Auparavant il est vrai il a été question d’un ministre, comte de Saint-Florentin, "roi" de la lettre de cachet. Hudson courra voir un ministre pour renforcer son pouvoir 256.


QUELLE IMAGE DE LA NOBLESSE?


   -ne travaillant pas, oisive vouée au jeu, au libertinage, au gaspillage;


   -classe parasite, en plein déclin (cf les maîtres de J p 226) et qui tombe même dans l'scroquerie et la délation à la polic e(Saint Ouin)


   -classe dont le M est le symbole : passif, réactif, marionnette, voué comme toute sa classe à la RÉPÉTITION ( le Capitaine ne cesse de se battre en duel etc).


donc =>au total


•C• CRITIQUE SOCIALE ET POLITIQUE :


     -dire deux mots de la critique du système juridique et de la justice :pensez à p 130 , l'abus des lettres de cachet (on les retrouvera avec Voltaire: symboles de la justice arbitraire)); dire surtout un mot de la p 322 (le limonadier).


     -nous voyons ce qu'il en est du peuple et surtout de la paysannerie ( où? à vous) :la misère règne.On devine que DD est partisan des physiocrates et ce n'est pas un hasard s'il fait naître son héros à la campagne.


       -J fait tout , sait tout, supplée son maître en tout: autrement dit il a du mérite (et le marquis des Arcis est étonné par son intelligence ( les chiens)) et de fait il doit être reconnu socialement et politiquement.Ce qui n'est pas le cas.


        -l'épisode capital est évidemment la querelle à l'auberge : il prend réellement  le pouvoir tout en laissant l'apparence symbolique au Maître.


        -un point capital : dans la querelle que règle l'hôtesse il est fait allusion à une affaire qui ébranla le pouvoir royal sous LOUIS XV (note p 234). Ici nous devons comprendre que DD rappelle que s'il n'est pas du tout contre la Royauté, il est pour un pouvoir équilibré par les Parlements.




2/UN ROMAN DE CRITIQUE PHILOSOPHIQUE :un matérialisme discret mais bien  présent.


        -évidemment DD ne défend pas une thèse qu'il imposerait de force  au lecteur.Il propose ici ou là des angles  de réflexion qui doivent nous mettre sur le chemin de la pensée matérialiste qui lui semble juste.


          -rappel de quelques thèses de DD matérialiste : la Nature est Tout, tout est nécessaire, il n'y a pas de séparation de l'âme et du corps. Il y a parfaitement accord sur l'apprentissage, l'expérience. DD et J sont pour l'empirisme et contre le platonisme : les idées ne sont pas en l'homme à la naissance (de façon donc innée) mais elles se développent au gré des expériences et en fonction de la sensibilité et du cerveau de chacun.


         -bien dire que certains aspects, certaines images ne sont pas exactement fidèles à la pensée de DD :J par exemple prie à tout hasard...224, impensable chez DD le point le plus éclatant de l’écart entre J et son créateur est dans l’image du GRAND ROULEAU :


                 *pour J le grand rouleau a été écrit, une bonne fois pour toutes et il n’y a plus qu’à vivre au jour le jour le développement : en m’agitant, je suis agité par ce qui me PRÉ-cède. Dans sa prière  224/5 J croit qu’il y a un doigt, une main qui ont écrit ce parchemin. Vision anthropomorphique  que Dd ne peut accepter doublée d’une grave erreur : il y aurait un là-haut.

        -pour Dd au contraire le grand rouleau est celui de la matière infinie qui s’auto-développe infiniment et dans ce sens S’écrit EN TOUS POINTS. Aucun dieu créateur ( dans la célèbre phrase de Spinoza (”Deus sive natura”, “Dieu ou la Nature”, il choisit de ne retenir que la Nature comme agent et agi perpétuels).

          *Mais c'est au plan de la morale que DD se sert le plus de J : il a des défauts, il a violé l'amie de son ami mais au total il est gai, généreux et il ne fait pas pire que les moines, les évèques et tous les défenseurs de la morale chrétienne

3/CRITIQUE ARTISTIQUE ET ESTHÉTIQUE.Critique négative mais aussi critique de proposition : son roman est un manifeste en faveur d'un certain type de roman.

-pour des raisons assez peu nobles, il s'en prend à Goldoni p142

-il attaque certains travers du roman et en joue : il déteste les descriptions et s'amuse à nous parler du chapeau de jacques quand le roman est fini ; il prend la peine soudain de décrire la situation des personnages à l'auberge alors que cela n'apporte rien.

-il mène de front une double attaque ( à utiliser avec l'incipit):

        -avec le roman réaliste, il s'en prend au roman romanesque ( développez une ou deux contre-fictions: "je pourrais, cher lecteur etc.) Montrez que la dimension de dialogue improvisé est assez proche du désordre d'un dialogue comme un autre (sauf que DD a tout composé).

         -mais il ne nous ménage pas avec du romanesque : il multiplie les hasards, les invraisemblances et montre souvent que le réalisme est un code comme les autres (voir mon cours sur LE RÉALISME DE JLF in overblog , ici-même).

-il sait à merveille mélanger les genres  et les registres .

        -le lecteur reconnaît des emprunts à des genres nombreux : l’apologue (l’aventure d’Ésope, la mort de Socrate 103, les deux époux et l’anneau cassé 105), la fable (citée, Garo, inventée LA GAINE ET LE Couteau ), le conte (omniprésence d’un narrateur conteur, conte contenant de petits contes intérieurs (le pâtissier, les aventures de Gousse, les aventures amoureuses de J  à la campagne etc + la fin au château qui  ressemble à la fin de CANDIDE, le jardin), le portrait, le théâtre & ses formes (le dialogue de comédie, la comédie, le monologue de tragédie, le drame, le mélodrame) et il doit admettre qu’il y a souvent parodie (la scène du pardon d’Arcis est très excessive, quasi-mélodramatique);

-il n'hésite pas à être cru dans le langage( bigre, foutez) mais surtout

        -SURTOUT  il propose un roman qui aime la parodie,  le jeu littéraire
   
    POSEZ que cet aspect s’inscrit dans un ensemble plus vaste qu’on peut nommer mise en scène des formes du roman et de beaucoup d’autres formes artistiques.

    - on peut parler d’emprunts avec la vérité dans le Vin 339; le N  admet un plagiat avec la réécriture de Sterne, sans oublier p 385 l’allusion aux aventures du COMPÈRE MATTHIEU ; le lecteur averti sait que le début de J doit  beaucoup à Sterne également ( chaque balle a son billet);

   

    -au seul plan du roman, JLF emprunte partiellement, au roman d’aventure (les brigands, le faux cortège, le vol de la montre, le duel entre M & ST-Ouin et surtout à la fin avec Mandrin), au roman d’amour (sans en être un ), au roman picaresque (sans en être un non plus : sans jamais aller jusqu’à la bassesse du héros et surtout sans l’inscrire dans une pensée religieuse : songeons que Lazarillo de Tormes s’appelle Lazare avec une arrière -pensée évangélique... bien loin de DD)).

    -DD emprunte à de nombreux discours qu’il parodie souvent :

-le portrait de Socrate
-l’allégorie qu’il critique mais fait tout de même dans l’épisode du château
-l’oraison funèbre faite par le M;
-le discours empruntant au vocabulaire des maths 40
-le discours jésuitique (casuiste) du méchant prêtre à la d’Aisnon.
-le jugement de l’hôtesse, parodie d’un discours tenu au Parlement de Paris.

FONCTIONS :
    • amuser le lecteur (dimension ludique du roman à laquelle il ne faut pas simplement le réduire évidemment)  et lui apprendre à prendre des distances critiques à l’endroit de certaines formes :
            -divertir le lecteur, en appeler à sa culture .
            -de façon complexe et amusante , les interventions du n   critiquent les facilités des romans romanesques (lui prétend refuser d’inventer) mais imitent AUSSI celles des romans qui prétendent garantir ainsi la vérité...
            -ainsi la dimension orale du début du roman soudain contestée par l’apparition d’un manuscrit est une remise en cause de tous les romans qui s’appuient sur des manuscrits trouvés par hasard...,romans largement à la mode alors.

            -méditer sur l’empire et l’emprise du langage, y compris celui de la fiction : on a vu le pouvoir des mots et de la comédie dans la  manipulation, machiavélisme (Pom’, Hudson). Un tel roman rend attentif à toutes les possibilités de mystification. Dont il est un brillant exemple.  

     • rendre hommage à des auteurs aimés et admirés:
-le débat sur l’obscénité en art aboutit à une devinette sur une citation de Montaigne, penseur du mouvement si important aux yeux de DD.
-la gourde donne lieu à une allusion et une célébration de Rabelais, un maître pour DD.

     •enrichir le roman tout en prétendant le critiquer: rendre attentif à la forme. Libérer le roman et son lecteur.

    -réfléchir sur ce qu’est l’écriture toujours déterminée (fatalement!!!) par d’autres textes  mais lui dans un carnaval joyeux.

        =>    C’est à juste titre qu’on a pu parler de pantomime des discours littéraires au service du genre qui les tolère et les absorbe tous, le roman. En choisissant le roman, DD  choisit le genre le plus libre et qui ne va pas cesser de l’être dans l’Histoire des genres : au point qu’ à partir du XXème on prendra - enfin- conscience de l’originalité de Sterne et de DD.

cl : on vient de voir tous les aspects critiques du roman : insistez sur le fait que cette critique n'est pas facile, gratuite et qu'elle repose sur une pensée matérialiste qui a un souci moral et artistique. Pensez enfin à l'incroyable curiosité
de Dd pour les cas étranges et sa parfaite tolérance : comment oublier Gousse,Pom, Le Pelletier, Hudson pourtant détesté?





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