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24 mai 2009 7 24 /05 /mai /2009 19:14
(n'oubliez pas le rôle de Fontenelle comme  passeur entre les uns et les autres )




Une comparaison entre  le libertin érudit et le philosophe des Lumières fera mieux comprendre la spécificité des Lumières:

       Considérons d’abord ce qui les rapproche:
:
- comme le libertin, le Philosophe n’admet que ce qui ne répugne pas à la raison.

-  la critique des superstitions, des dogmes, un anticléricalisme, qui peut aller jusqu'à la remise en cause de l’existence de Dieu. Mais tous les libertins et tous les philosophes des lumières ne sont pas athées, il s'en faut. à vous..

- le souci de l’étude, la soif d'apprendre des sciences, (Képler, Copernic, Galilée pour l'un, les mêmes mais surtout Newton pour l'autre) la primauté accordée à l’observation, à l'expérience, une ouverture d’esprit, une curiosité pour les publications nouvelles (dév l'incroyable curiosité de DD pour tout)

- le recours à l’ironie (D'assoucy, Cyrano)..



_________________________

      Mais leur contexte historique est bien différent :

     *le libertin sait qu’en son  temps de renforcement de la religion, il doit cacher ses pensées. Le philosophe du XVIIIème siècle a le sentiment de participer à une période exaltante, où finira par triompher la raison sur les forces de l’obscurantisme, même si les horreurs et les injsutices demeurent sous Louis XV et XVI : citez les affaires traitées par Voltaire (Calas, La Barre etc.)


       Et d’un  point de vue social le philosophe se distingue du libertin :

     *les libertins se retrouvent entre eux  (autour de Gassendi se rapprochent Naudé, La Mothe Le Vayer,  Patin , sans doute Cyrano et Molière et dialoguent discrètement ); le philosophe, même s’il doit parfois se cacher, ou quitter la France pour éviter d’être inquiété,  s’exprime publiquement, prend parti dans certaines affaires, se mêle, au nom de ses valeurs, aux activités de la cité. On est très loin d’un Mothe le Vayer qui  dans le secret écrivait des dialogues libres-penseurs et publiait un ouvrage sur l’existence de Dieu.

     *Les libertins éprouvaient souvent du mépris pour le peuple, estimaient qu’eux ne devaient point croire aux dogmes, mais qu’en revanche le peuple devait être maintenu dans cette croyance sans quoi la société serait ingouvernable. Les philosophes du XVIIIème ( pas tous, Voltaire n'aime pas vraiment le "bas "peuple, il s'en méfiait estiment au contraire que chacun doit être éclairé par les Lumières de la raison, et que les hommes sont égaux.


     *Le libertin s’opposait  à l’honnête homme : considérez Don Juan : il vit en marge de la société, acoquiné de son valet Sganarelle,  abandonne une épouse noble, séduit des paysannes, évite la fréquentation de ses pairs ; sa conversation, qui devrait être plaisante pour tout un chacun,  est une suite de provocations. On tenait le libertin pour inférieur au chrétien et  à l’honneête homme. Le philosophe réussit à renverser l’équilibre des forces. Son adversaire fut baptisé péjorativement du nom de dévot. Au XVIIIème siècle, le philosophe est aussi un honnête homme, qui tend et doit tendre (pensez à l’article “philosophe”) à vivre parmi les hommes. Le salon, le Café sont des hauts lieux de culture (le PROCOPE, cher à DD).


    *Le libertin du XVIIème ne se souciait pas de progrès technique, du bonheur en société qui sont au contraire au centre des péoccupations des philosophes. Sa cible est  le dogmatisme religieux et il ne va guère au-delà.

      * sans être des penseurs systématiques comme un Spinoza (Voltaire déteste l'esprit de système), le philosophe des Lumières français est tout de même plus théoricien que le libertin : on ne trouvera nulle part une réflexion économique comme chez le libéral Voltaire ou une pensée politique aussi révolutionnaire que chez Rousseau.


  *au XVIIème siècle, on ne se déclarait pas libertin publiquement : le terme était employé plutôt comme une accusation : dans le Tartuffe de Molière, Orgon reproche à son beau-frère Cléante, homme sage, réfléchi, qui n’entre pas dans  les excès du maître de maison” : Ce discours sent le libertinage (acte I). Au contraire au XVIIIème siècle, à en croire le début de l’article philosophe de Dumarsais, nombreux  sont  ceux  qui se prennent pour des philosophes : PHILOSOPHE, substantif masculin. Il n’y a rien  qui coûte moins à acquérir aujourd’hui que le nom de philosophe ; une vie obscure et retirée, quelques dehors de sagesse, avec un peu de lecture, suffisent pour attirer ce nom à des personnes qui s’en honorent sans le mériter.
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1 mai 2009 5 01 /05 /mai /2009 11:45

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23 avril 2009 4 23 /04 /avril /2009 10:27
Je me contente de m'aligner sur la double feuille photocopiée qui est dans vos classeurs. Mais finalement je m'en distingue beaucoup.

Sur quelle base travaille votre mémoire? L'INGÉNU(1767), CANDIDE(1756) (extrait du nègre de Surinam en devoir, peut-être l'incipit ).


Si on vous demande d'autres titres de V: ZADIG (1747), MICROMÉGAS (1752), JEANNOT ET COLIN 1764, HISTOIRE DE JENNI 1775. Il en fit des dizaines.

 Bien dire , à un moment ou un autre  de l'entretien que V. n'avait pas le sentiment de faire une grande  œuvre avec ce qu'il appelait ses "coïonneries".

Pour cette fiche bien vous rappeler les deux formules morales et philosophiques qui concluent le conte (malheur est bon à quelque chose/malheur n'est bon à rien, cette dernière revenant au narrateur Voltaire qui ne veut pas faire de la souffrance un moyen de salut ).

CONSEIL POUR LA PRÉPARATION DU BAC : avant de lire (ou après) cette fiche , relisez 3 ou 4 chapitres de l'INGÉNU.

Gardez ce que vous voulez de l'intro: en gros =1) légéreté du conte qui permet 2) d'attaquer facilement bien des travers de l'homme et de sa société. Dites bien que PERRAULT (un moderne dans la célèbre QUERELLE  a joué un grand rôle dans la réévaluation littéraire du conte).

Si tous les contes de V. ne vont pas dans ce sens, il y a dans les deux titres les plus connus un des traits majeurs de son art : un naïf découvre le monde et apprend. Ce qui peut être aussi la situation du ...lecteur. Sur le modèle du Persan, se voir autrement.

1)les éléments traditionnels du conte:

-dans CANDIDE, il y avait...la formule attendue à l'ouverture des contes est bien là.

-si l'on est aveugle et surtout sourd à l'ironie de V, le début de Candide nous mène  en un lieu, en principe, idyllique où règnent pouvoir et richesses...Nous sommes dans les comparatifs et les superlatifs. On croirait presque au merveilleux...

-ne parlez que de l'imprécision des décors (que savons-nous de la montagne de l'incipit? duc hâteau en Westphalie dans CANDIDE?), que des invraisemblances de l'aventure (l'ingénu qui est le fils du couple parti 20 ans avant ; la médaille comme par hasard ...; en prison il tombe fatalement sur un janséniste qu'il convertit facilement etc., les ); l'invraisemblance est plus nette dans CANDIDE: le défilé géographique est sidérant (Westphalie, Portugal, Amérique latine, Venise, Turquie), on  traverse même avec le héros le pays d'ELDORADO qui n'exista jamais. Dans l'incipit l'invraisemblance est soulignée par l'IRONIE (71 quartiers de noblesse ).

-dites que nombre de personnages secondaires sont  stéréotypés et inconsistants au plan psychologique (le bailli, l'abbé Saint-Yves, Pangloss dans Candide) et  que le changement de Mlle Saint-Yves et du huron sont très révélateurs d'une transformation du conte influencé sans doute par le roman. Jusqu'alors , V agitait des pantins aux ressorts simples [À l'inverse Jacques et son maître pourtant héros de roman, n'évoluent pas.]


-Le nom peut être fantaisiste dans le conte ( chez Perrault, le marquis de Carabas) : que dire du nom de TOUT-À-TOUS?
Et de Pangloss( qui parle de tout...) et Candide est dit l'esprit le plus simple....


-si vous avez du temps, dites que le schéma classique du conte ( quête du personnage principal, épreuves, adjuvants, opposants) se retrouve parfaitement dans notre INGÉNU.

-le conte s'achève comme chez Perrault ( en vers chez lui ) par une formule qui a une dimension morale et philosophique : "il faut cultiver notre jardin (CANDIDE)" et une sentence double dans L'INGÉNU : Gordon garde comme devise malheur est bon à quelque chose ( ce que dit aussi JLF) tandis que d'honnêtes gens ont pu dire : malheur n'est bon à rien.

Mais quand V parle dans Zadig, de "petits morceaux de philosophie allégorique" il nous éclaire sur ce qu'est dans son esprit le conte à visée philosophique.

2)L'ART DU DÉTOURNEMENT : dans le conte philosophique, le conteur est plus important que ses héros improbables..Il joue du décalage en permanence.

- le conte  philosophique est plus nettement ancré dans la "réalité" que le conte traditionnel (même si la misère paysanne est bien évoquée dans LE PETIT POUCET de Perrault):

        *si dans un conte il y a des rois, chez V. le roi n'est pas anonyme. Sans trop insister, il  fait référence tout de même à une double réalité : celle de l'époque de Louis XIV et la sienne (sous Louis XV). Sans aller jusqu'à parler de réalisme on doit admettre que certains éléments parlent aux lecteurs contemporains de l'auteur. Les mieux informés sur le siècle de Louis XIV savent bien que le Père de la Chaise n'est pas une fiction. Et que l'empire des jésuites est toujours réel malgré les interdictions.

- le conte philosophique pratique bien des détournements littéraires :

      *dans l'incipit de CANDIDE, V. réécrit avec amusement la chute du Paradis terrestre.

       *dans l'incipit de l'INGÉNU, IL SE MOQUE DES RÉCITS DE FONDATION et du merveilleux chrétien en racontant la visite de Saint Dunstan .

       * La simplicité des portraits dans le conte permet aussi la caricature ( le bailli).

        *dans le personnage de Mlle Saint-Yves, V apporte avec le dilemme ( coucher ou non, sauver et se déshonorer) qui la tue finalement une touche qui relève du tragique tandis que sous l'influence de Diderot il insiste beaucoup sur un pathétique jamais lu sous sa plume de conteur. Dans l'ensemble l'INGÉNU relève souvent d'une esthétique de la scène et fait penser au théâtre.

        *avec les conseils du Père Tout-à-tous au chapitre XVI on assiste à un pastiche de la casusitique jésuite. De même que le discours de Pangloss est supposé être une parodie de Leibniz. Le narrateur reprend même des termes philosophiques (raison suffisante) pour décrire l'amour physique que vont se permettre  Cunégonde et Candide.

Le narrateur dans le conte voltairien s'en donne à cœur joie.


3)UNE AMBITION DIDACTIQUE ET CONTESTATAIRE :LE TRIOMPHE DE LA SATIRE ET DE L'IRONIE.

Je vous laisse le plaisir de dire que le conte voltairien a un message à délivrer (horreur);parlez de masque philosophique.

*il a bien une dimension philosophique en ce qu'il amène à réfléchir sans peser, sans ennuyer : Candide s'interroge sur L'OPTIMISME philosophique (d'un Leibniz) devant le Mal dans le monde des hommes, L'INGÉNU pousse le lecteur à méditer sur la destinée, la providence ou l'absence de sens d'une vie. Gordon voit - au début - la Providence partout. V comme dans CANDIDE tente de lier le Mal et les hasards des destinées en montrant plutôt la part que le hommes prennent dans le mal qu'ils se font subir. Difficile de se consoler comme Gordon : certes quelque chose de bon a été dû au malheur pour lui (en prison il a rencontré l'Ingenu) mais Mlle Saint-Yves est morte : son malheur s'il a eu des conséquences positives n'est bon que pour les survivants. On ne saurait l'oublier. En même temps, si le conte montre que le monde cloche, il laisse entendre qu'on peut agir : écraser l'infâme et son emprise (qu'est-ce? Cf cours sur V, prière à Dieu), diminuer l'inhumanité des gouvernants...Faire des contes pour un écrivain, défendre Calas de façon posthume etc.

*le conte philosophique est aussi un procès d'une certaine pratique philosophique, abstraite, systématique, dogmatique ( pensez aux titres de noblesse de Pangloss au ch 1), celle que délaisse l'Ingénu en prison (Descartes) et la promotion d'une raison qui, servie par la fiction, met en pièces toutes les fausses certitudes.

-dans CANDIDE plutôt, on assiste à la contestation de la philosophie systématique et de la métaphysique avec le personnage de Pangloss. Très profondément le conte voltairien s'en prend à l'AUTORITÉ et montre que certains héros s'en passent peu à peu. Libre au lecteur d'en tenir compte...


*la dimension satirique est évidente : à vous . Facile

       -contestation politique : le fonctionnement de Versailles, l'éloignement du Roi par rapport à ses sujets. Injustice de la justice royale : critique des lettres de cachet.

       -grande critique rétrospective contre Louis XIV et sa révocation de l'ÉDIT DE NANTES qui fut inhumaine pour les huguenots et priva l'état français de sujets excellents.

        -[avec le nègre de Surinam(devoir) V. attaque l'économie marchande ( dont il est pourtant un des grans défenseurs) et surtout la part de la religion dans la colonisation....]

       -contestation religieuse:

              -satire des dogmes et du respect religieux qui est plus dû aux coutumes qu'à la lecture biblique : Hercule veut être baptisé tout nu dans une rivière.

              -satire assez douce des jansénistes (Gordon est sympathique alors que V avait une sorte d'horreur fascinée envers Blaise Pascal auquel il tenta de répondre malgré la mort qui les séparait);

               -satire féroce des jésuites qui conduisent à leur profit la politique royale avec un cynisme et un machiavélisme stupéfiants (l'espionnage partout).

       

        -contestation globale de la transmision du savoir : le huron apprend mieux qu'un jeune français parce qu'on ne lui a pas mis dans la tête trop de ces préjugés qui égarent la raison.V. affirme souvent sa foi en l'éducation par les sciences .


* ce qui frappe et que tout le monde retient : l'ironie voltairienne qui lève tous les masques et 
qui s'appuie

      -sur des alliances de mots assez peu compatibles : Saint Dunstan est dit SAINT DE PROFESSION...On ne peut  être sanctifié qu'après sa mort.Tout le paragraphe 1 de l'incipit  dans L'INGÉNU est un chef-d'œuvre de pastiche et d'ironie (d'emblée la notion de miracle est récusée, ce qui sera lourd de conséquences dans tout le conte..Le conte devenant fable de la vérité contre la fable mythique des religions...)

      -sur des sous-entendus plaisants : "le prieur , aimé de ses voisins , après l'avoir été autrefois de ses voisines...".Un prieur qui connut bien des maîtresses...

      -sur les formules du Huron qui emploie souvent la périphrase pour qualifier le pape; la Bastille est elle aussi dénommée ainsi au chapitre IX"le château que fit construire le roi Charles V..." etc.

     -sur les antiphrases : V qualifie la confidente à Versailles de Mlle Saint-Yves de "bonne amie", de "brave personne" alors que c'est elle qui la pousse au pire.

      -sur des éléments de composition : Gordon, le janséniste qui croit comme Pascal que la vie est un cachot se transforme dans un cachot au point de ne plus croire en la doctrine de Port-Royal !!!

         -le sommet de l'ironie étant dans l'utilisation par TOUT-À-TOUS de la pensée de saint Augustin , l'ennemi juré.

[dans l'incipit de Candide tout est fondé sur les explications menées grâce à des causes ou des conséquences : ..car son château avait une porte et des fenêtres...]

L'ironie repose sur une connivence, quitte à blesser le lecteur qui est soudain complice..

*mais la critique est complétée par l'affirmation de valeurs auxquelles le conteur croit :

              -le huron est sympathique mais ce qui interesse V c'est de montrer sa progression, sa transformation culturelle : il n'est pas Rousseau et n'est pas nostalgique d'une civilisation plus ancienne que la sienne.V défend et la notion de civilisation et celle de progrès.

             -le corps, ses plaisirs, ses bonheurs ne sauraient être rabaissés et méprisés comme le veut la tradition chrétienne.

              -le choix du conte est capital : léger et sérieux, il ressemble à une conversation avec le lecteur. Il est un dialogue qui ne demande qu'à être prolongé. Éthique de la discussion, emblème de l'ambition des Lumières ( qui ne manquèrent pas, il est vrai de se battre entre eux..)

cl : le conte philosophique garde du conte un goût pour le rapide (l'accéléré même), le schématique, le peu vraisemblable ; mais sans ennuyer jamais, il suggère au lecteur des éléments critiques et même une vision du monde, certes modeste mais efficace en ce qu'elle est plus accessible  que l'ÉTHIQUE  de Spinoza par exemple....Le conte voltairien a l'élégance de ne pas tout vouloir dire...et de nous laisser penser.


La fantaisie du conte sert l'œuvre indispensable de la Raison, obsession voltairienne.

Questions vicieuses :



CANDIDE  a un sous-titre  (ou de l'optimisme), pas L'INGÉNU : quel sous-titre donneriez-vous à L'INGÉNU ? L'INGÉNU OU de l'éducation : celle de Saint-Yves, de Gordon et de l'ingénu lui-même).


Quelle différence faites-vous entre CANDIDE  et L'INGÉNU?

Le premier détruit tout avec ironie avant de proposer une morale  au dernier chapitre (cultiver notre jardin); le second est l'éloge de la progression d'êtres grâce à la civilisation , la culture, l'éducation: la critique est présente, les malheurs aussi  mais les changements des personnages sont plus importants.




SI ON VOUS DEMANDE QUELS ÉCRIVAINS ONT ÉTÉ LES HÉRITIERS DE VOLTAIRE DANS LE CONTE DITES QU'ANATOLE FRANCE EN FUT UN (avec l'île des Pingouins, par exemple) mais qu'en revanche l'esprit voltairien est nettement critiqué dans le personnage de Homais dans MADAME BOVARY.


QUEL AUTRE GRAND PHILOSOPHE contemporain de Voltaire  publia des contes lui aussi?

DD évidemment :Les deux amis de Bourbonne. Ceci n'est pas un conte. Madame de la Carlière.
Ajoutez que JLF contient des contes dignes d'intérêt : l'amitié du capitaine pour son ami-ennemi ; Madame de la Pommeraye qui prouve p 216 que le maître de Jacques aime les contes .

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13 avril 2009 1 13 /04 /avril /2009 08:30
Fiche rapide : JE SUIS , de loin, LA PHOTOCOPIE REMISE EN DÉBUT AVRIL. LES PARESSEUX SE CONTENTERONT D'ELLE. Les sérieux l'oublieront vite.



∆ cours  long : une fiche de résumé devrait suffire si vous avez retenu mentalement quelques points majeurs. 



∆ abréviation : PL=philosophe des lumières 

 ∆ avoir une idée de leurs adversaires : Palissot et sa comédie Les philosophes , Fréron, la tête de Turc (pardon !Emrecan) de Voltaire,  le petit abbé dans JLF p 170/1; les jésuites, les pouvoirs publics, le pape etc.. On appelle nos philosophes  les CACOUACS (méchants), sorte de peuplade bizarre.

∆ de qui parlons-nous ?Montesquieu Voltaire, (La Mettrie, Helvétius, Maupertuis, D'Alembert), Rousseau, DD, d'Holbach etc..

Une remarque sur l'emploi du mot philosophe en France au 18è siècle : il ne désigne pas  forcément une spécialité, une profession  ( ce qu'est un DD) mais une façon de vivre, de penser: l'évolution de l'Ingénu (il finit guerrier et philosophe intrépide, sans avoir écrit une seule ligne) et la vie de JLF le prouvent bien. . Il y a convergence du mot honnête homme et philosophe : aux bonnes manières de l'honnête homme (Dumarsais en parle) s'ajoute l'esprit critique des Lumières.


 [∆ bien savoir répondre à une question sur l'image de la lumière (flambeau dans Dumarsais: l'opposition ombre/lumière est dans la Bible, dans Platon etc: autrement dit elle est très ancienne la lumière n'est pas religieuse pour nos philosophes, elle est naturelle et accessible à tous; notez que la version anglaise ou allemande (aufkläung)  insiste sur le phénomène d'éclairage et non pas sur toute la lumière qu'ils sont supposés répandre. La virulence de cette image vient des Français .


∆ avoir bien en tête le texte de Kant; AYEZ SUR LA TABLE ,SI VOUS L'AVEZ LU..., AU MOMENT DE L'INTERROGATION , JLF POUR CITER LA PAGE 103 QUE J'AURAI COMMENTÉ UN JOUR, ESPÉRONS-LE : "LE PHILOSOPHE EST ODIEUX À...."




LISEZ L'INTRODUCTION  de la fiche photocopiée: bien dire qu'il y a héritage et nouveauté.

• avoir en tête que le phénomène est européen même si nous avons tendance à n'évoquer que des Français (ou un Suisse...). Anglais et Allemands sont essentiels.

• il n'y a heureusement pas de figure type du philosophe des Lumières et l'union (fragile) autour de l'ENCYCLOPÉDIE  ne doit pas masquer les nettes différences entre les penseurs (la ligne de front se situant entre matérialisme et spiritualisme). On est dans le siècle de grandes polémiques (Voltaire/Rousseau;Voltaire/D'Holbach;Hume/Rousseau etc..). Rousseau a sur le progrès des positions qui sont en rupture par rapport à ses ex-amis. Et de plus, qui dit siècle dit évolution, changements : avec R et DD on voit poindre d'autres formes et d'autres modes de penser ou de sentir : le sentiment jouera un grand rôle après 1750. Un Montesquieu est tout de même fort éloigné par exemple d'un D'Holbach : question de générations.

il est  contrairement à ce que tait DUMARSAIS et ce que suppose maladroitement l'image de lumière (on croit qu'avant c'était la nuit), un héritier:Todorov parle d'époque de synthèse et non d'innovation radicale.

            

       - des grandes avancées scientifiques du 16ème et 17ème:Copernic, Képler, Galilée et surtout Newton et des avancées de l'empirisme* anglais: Locke tient une place fondamentale;

      - des grandes ruptures opérées aussi par les philosophes majeurs du 17ème :Descartes, Leibniz (qui sont aussi à l'époque de grands scientifiques), Hobbes (pour la dimension politique) et Spinoza de façon plus discrète mais fondamentale,



      - des libertins que nous avons vus et dans notre corpus, Fontenelle appartient aux deux moments et fait figure (avec P. Bayle) de passeur.


[entre nous : il n'y a pas,dans ce siècle, en dehors de Rousseau et de l'Écossais Hume ou des Allemands vers la fin du XVIIIème comme Kant, il n'y a pas de penseurs de la taille de Descartes ou Leibniz ou Spinoza.C'est à des philosophes du 17ème ou à des libertins qu'ils doivent beaucoup. ]

•il est un philosophe écrivain ou un écrivain philosophe :


   On trouvera naturellement des exceptions dans le passé mais Descartes n'écrit pas de roman, Spinoza ne touche pas à la poésie, Hobbes n'écrit pas de pièces de théâtre: nos grands "penseurs" sont aussi (et surtout) des écrivains et de grand talent:

- à vous:

  *Montesquieu est capable de livrer un immense traité comme L'ESPRIT DES LOIS  et de rédiger LES LETTRES PERSANES;

   *Voltaire est à la fois ......à vous.

   *Rousseau aussi bien penseur politique que romancier ou autobiographe qui fait franchir au genre un pas majeur. À vous.

   *le plus étonnant étant sans doute DD.: à vous . De plus il est celui qui pratiqua le plus le dialogue mais pas vraiment dans la tradition de Socrate/Platon. Ses amis le surnomme tout de même SOCRATE  et il a rêvé toute sa vie de rédiger une œuvre sur lui.

Retrouvant Aristote, les Lumières ajouteront des domaines à la philosophie : ainsi naît l'esthétique avec Baumgarten en Allemagne mais en France les Salons de DD (commentaires de tableaux exposés) auront une importance considérable. La notion de goût et celle de critique prennent leur essor avec les Lumières.

• un penseur s'affranchissant (tentant de s'affranchir ) de tous les dogmes, les préjugés,

-(1) il aspire à l'autonomie (voir Todorov pour ceux qui l'ont acheté et citer Kant ):

-autonomie de chaque homme qui doit pouvoir penser par lui-même (cesser d'être mineur);

-autonomie de tout peuple qui doit pouvoir décider de son sort : importance du CONTRAT SOCIAL de JJR contre des formes de gouvernement qui ôtent au peuple son droit à décider d'un destin commun.


-(2) il s'en remet à la raison (note1,ici infra) et ne recherche que (3) la vérité.

  Citez Fontenelle et Dumarsais. Insistez sur les précautions qui existent dans les deux textes de ces rationalistes. Refus d'une raison dogmatique chez Dumarsais: quand un philosophe ne sait pas, il se tait et réserve son jugement. Refus de l'autorité chez Fénelon:les savants ont beau avoir de grands titres, ils sont ridicules. Autorité bafouée dans de nombreux contes de V. (CANDIDE). Tout ce qui nous est imposé de l'extérieur, d'autorité et sans adhésion réfléchie est contesté.Voltaire croit en la raison mais croit aussi que la raison ne peut tout.

•chercheur de vérité, il s'intéresse naturellement aux sciences de la nature (DD participe à tous les débats, D'Holbach fait de la minéralogie etc.) mais surtout à l'analyse de l'homme :  l'empirisme* (j'apprends progressivement par les sens, par l'expérience) d'un Locke est  déterminant ( refus de la notion d'idée innée : JLF dit bien que la raison est le produit de l'expérience); au plan psychique, les découvertes de R sur lui-même  sont considérables. cf les Confessions.

un penseur soucieux des autres, un homme social et sociable : bien redire la  phrase tirée de Térence et présente dans Dumarsais: rien de ce qui est humain ne m'est étranger. (il faudrait faire une place à part pour la question de la femme : elles ont une place importante par leurs salons (Mme du Châtelet (amie de Voltaire), Mme du Deffand etc.); un JJR est franchement phallocrate, DD et Laclos écriront des textes qui ne sont pas déshonorants pour les hommes; Condorcet sous la Révolution demandera le droit de vote pour elle : enfin il faut connaître à la même époque OLYMPE DE GOUGES....(fiche mail envoyée en avril))

  -un homme de salon (cf chez D'Holbach), de Café , de rencontres donc: la présence agitée de DD au café Procope est célèbre. À Paris viennent de grands étrangers comme Hume et Sterne que rencontra DD.

  -un voyageur curieux de tout, observateur : admiration de Voltaire pour l'Angleterre, errance fréquente de JJR qui alla en Angleterre; séjour de Voltaire chez Frédéric II de Prusse, DD en Russie chez Catherine II..

  -un homme de "dialogue" : la Correspondance de Voltaire avec l'Europe comme celle de DD contiennent  des milliers de lettres;

  -un penseur attentif aux autres civilisations même si ses connaissances en sont médiocres (mais un DD se tient au courant de tous les témoignages sur les Indiens d'Amériques et combat le 'racisme" d'un Buffon). La technique du Persan ou de l'Ingénu qui consiste à se regarder avec les yeux des autres est exemplaire de ce point de vue. L'ailleurs, l'autre servent souvent à humilier l'Europe et l'Européen. cf DD : SUPPLÉMENT AU VOYAGE DE BOUGAINVILLE.

 [Il y aurait beaucoup à dire (à critiquer)sur ce point:si on vous ennuie sur ce point, ayez en tête ce que j'ai mis ci-dessous dans ce qu'on reproche à certains penseurs des Lumières. En tout cas, Rousseau et DD ont toujours combattu colonialisme et esclavage.]



  -un penseur attentif à penser la société comme un Tout qui a une histoire: c'est ainsi qu'on voit naître avec Voltaire entre autres l'Histoire  "moderne"  (la "science" historique) même si depuis les Grecs et les Romains il y eut des historiens enquêteurs-témoins et même si, vus d'aujourd'hui, leurs travaux ne sont pas à nos yeux franchement historiques. On a pu dire que l'Histoire "moderne" naissait au 18ème.


   -un penseur obsédé par la question de la Justice et surtout du Droit (naturel qu'il ressent dans sa conscience):il touche ainsi l'économie, la société, le rapport entre les hommes. Posant la liberté au centre de tout il vise un droit universel, intemporel, placé au-dessus de toutes les formes soumises à l'Histoire.


  -un penseur qui ne néglige personne dans la société :(si Voltaire, roturier anobli fier de sa particule, déteste le peuple entendu comme populace et n'a aucun espoir pour les paysans...), vous avez lu que JLF défend le peuple et les paysans, que Rousseau dans son deuxième discours et avec le CS se permet d'expliquer rationnellement l'inégalité et met le PEUPLE  au cœur de la politique.

   -un homme soucieux de vulgarisation, de diffusion des connaissances (ENCYCLOPÉDIE-autre fiche envoyée par mail)

&

    -forcément, au rebours de Gousse, soucieux de réfléchir à l'instruction et à l'éducation. Place immense de l'ÉMILE  de JJR. Plus tard Condorcet aura en charge une reflexion sur l'enseignement.

     -un homme le plus souvent ayant foi en un concept qui apparaît lentement : le progrès ( votre fiche (deuxième colonne mais sans exagérer  leurs attentes à tous, y compris celles de Voltaire )) mais attention un JJR va totalement à l'encontre de cette position. Dév.ses deux discours, surtout le premier.

     -un écrivain qui sait heureusement mêler sérieux et fantaisie : le conte philosophique (Voltaire( et DD(deux amis de Bourbonne, Madame de la Carlière)-autre question de synthèse) et le roman philosophique ( DD: JLF)


un homme de combat :voir fiche.

  Il y a une dynamique des Lumières qui  dépasse les autres grands moments de la philosophie.

  Voulant expliquer, faire connaître, diffuser le PL doit beaucoup lutter pour dénoncer ou imposer sa pensée.


    Il prend des coups pour l'audace de ses textes
(Rousseau voit ses livres condamnés, brûlés (ÉMILE & CS).DD fut mis en prison en 1749 pour un de ses essais philosophiques. Même L'ESPRIT DES LOIS  de Montesquieu est condamné par la Sorbonne en 1750..

    De même l'ENCYCLOPÉDIE  connaît la censure de son propre éditeur Le Breton; les réactions du pouvoir politique et religieux mènent à des interdictions fréquentes. Heureusement le directeur de la Librairie, M. de Malesherbes protège du mieux qu'il peut l'entreprise.

     Il prend de tels risques qu'il lui faut publier en Suisse ou en Hollande.

    Mais le symbole du combat c'est évidemment Voltaire.Vous savez, en principe, son rôle dans l'affaire Calas, dites deux mots sur sa défense du chevalier de La Barre, condamné à mort en 1766 à 19 ans pour blasphème (langue, poing et tête coupés,c orps brûlé, privé de sépulture). Pendant l'enquête on trouva un texte de V chez le jeune chevalier.V, énergique malgré ses 72 ans, fit faire une enquête dans la ville et comprit que La Barre avait été accusé à la place des philosophes dont un juge voulait se venger. La Révolution réhabilita la mémoire du chevalier en 1793.La plaidoirie de V a été magistrale. On en trouve un écho dans l'article TORTURE de son DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE.



un combattant au nom de l'universel. Todorov a une formule heureuse :à l'intérieur des frontières d'un pays tous les êtres ont le doit d'être des citoyens égaux (ce qui signifie l'abolition de l'esclavage, reconnaissance des droits des femmes (Laclos, Olympe de Gouges); tous les habitants du globe sont , d'emblée des êtres humains. La conséquence et politique et morale , ce que montrera Kant. On verra apparaître surtout la notion de DROIT UNIVERSEL, relevant d'un doit naturel. Ce qui donnera la déclaration des droits de l'homme et du citoyen (en 1789).

cl : il ne faut pas exagérer le pouvoir des philosophes et leur attribuer la Révolution française. Ils ne touchaient pas exactement le Peuple( l'ENCYCLOPÉDIE  n'était lue que par une élite) mais ils ont contribué à former les esprits : V influença les débuts de la Révolution, Rousseau la phase jacobine. Ils ont posé les conditions d'une réflexion universelle sur le bonheur en société. Nous n'avons conservé que la part individuelle et individualiste de leur pensée.(On peut dire que Voltaire l'a emporté sur Rousseau...]


Bilan : le pl  n'est pas

-seulement philosophe (mais écrivain)

-métaphysicien, théologien de formation car il rejette la notion de philosophie abstraite et systématique ( fixée en un système parfait mais froid et irréaliste: le grand penseur allemand Kant sera lui un immense penseur systématique (ce qui ne l'empêchea pas de dire des énormités sur la hiérarchie des races dans œuvres secondaires).

-seul, confiné dans son cabinet de réflexion (comme le montre Rembrandt) ou sa cellule (comme on imaginait Pascal) mais bien ouvert à toutes les rencontres comme l'étaient les humanistes du 16ème, et prêt à combattre pour ses idées, en prenant des risques.

-au service de la seule pensée mais pour le partage, la diffusion large de cette pensée qui dépasse le seul champ de la philosophie.


 

Que sont devenus les philosophes depuis le XIXème?

 Le plus souvent des professeurs et des universitaires influencés par de grands penseurs étrangers (allemands), de plus en plus spécialistes de philosophie et de rien d'autre. Rarement des contestataires  ou des artistes écrivains (mis à part Nietzsche) sauf au XXème où l'on retrouve un penseur qui a toutes les possibilités  littéraires d'un philosophe à la française : Sartre qui toucha à tous les genres mais ne fut pas vraiment  un homme attentif à la science. Polémiste talentueux, il théorisa la notion d'engagement en la poussant bien plus loin que celle d'un Voltaire. Mais on ne saurait lui trouver beaucoup de ressemblances avec les philosophes des Lumères.


RÉCAPITULATIF : LES VALEURS DES LUMIÈRES

•la connaissance, la raison liguée contre les préjugés, les dogmes, les superstitions; connaissance qui voit naître des sciences comme la psychologie, la sociologie (Montesquieu), l'ethnologie, l'anthropologie(JJR).

•le progrès (sauf JJR); rejet de tout ce qui humilie, réduit l'homme et l'empêche de se libérer.

•la civilisation: le mot apparaît au 18ème. Civilisation qui doit conduire au bonheur terrestre et non céleste.

•tolérance; fraternité (mot que Voltaire utilise volontiers, même s'il est d'origine religieuse)

•humanité de tous, rien de ce qui est humain ne m'est étranger; reconnaissance des différences. Avec un peu d'anachronisme on peut penser à la déclaration (ironique sans doute de Don Juan: va, va je te le donne pour l'amour de l'humanité...). Les croyants nombreux au XVIIIè respectent Dieu mais s'intéressent beaucoup plus à l'Homme qu' ils débarrassent de la notion de péché originel. Le rapport de l'homme à l'homme devient plus intéressant que le rapport de l'homme à Dieu.

  Une seule chose est commune à tous les hommes: leur humanité.C'est ce qui fait qu'il y a un droit de l'homme. L 'homme est enfin SUJET DE DROIT.

  Cette humanité veut se défendre contre les pouvoirs qui la menace : on verra beaucoup de projet de PAIX perpétuelle en Europe. La guerre est l'obsession des Lumières qui en connurent peu par rapport aux siècles suivants.

•liberté , liée à la notion de droit naturel:la liberté est l'expression juridique de la nature de l'homme: elle est un droit naturel.

La liberté étendue à tous les hommes (avancée immense de JJR) entraîne

• l'égalité: tout homme a des droits et comme on n'est pas plus ou moins homme tous les hommes sont égaux.

• esprit critique, à commencer par soi. Admettre le regard d'autrui, d'ailleurs sur soi (d'où l'importance des civilisations lointaines).

•laïcité (à voir avec la question religieuse)






L'ENVERS DES LUMIÈRES. Ce qu'on leur reproche :leur procès est ancien et il a encore aujourd'hui des procureurs (il n' y avait pas pire accusateur des Lumières que le nazisme). La papauté, en particulier Jean-Paul II, ne manquait jamais une occasion de dénoncer leur héritage.Un examen intelligent a été proposé par Régis Debray dans AVEUGLANTES LUMIÈRES chez Gallimard.

   • dans l'"anecdotique"



-on observe que l'apôtre de la tolérance et de la discussion que fut Voltaire a pu être à son tour un fanatique anti-fanatiques et a pu tomber aussi bas dans ses attaques contre Rousseau (lettres anonymes...tout de même...).


-on note qu'un Voltaire est plus que réticent à l'égard du Peuple qu'il veut maintenir sous tutelle : sa détestation de Rousseau vient qu'il a bien deviné que son bien-être bourgeois allait être menacé ainsi.

-le même Voltaire, grand pourfendeur des guerres et des conflits était très fier d'avoir inventé un canon plus mortel que les autres: il tenta de le faire employer par de nombreux pays....

-on s'étonne de voir DD faire confiance à Catherine II de Russie pour réformer son pays. Cet aveuglement volontaire choque nombre de ses amis.

   •plus sérieusement :

-on trouve curieux que Montesquieu, adversaire de l'esclavage des noirs dans un de ses textes ait vécu sans broncher à Bordeaux, ville qui faisait sa fortune sur ce commerce immonde, codifié par le sinistre CODE NOIR.CF http://pagesperso-orange.fr/jacques.morel67/ccfo/crimcol/node51.html.

(CERTAINS ONT PU ACCUSER Voltaire(l'auteur du négre de Surinam!!) D'AVOIR PROSPÉRé DANS LA NAVIGATION DE L'ÉBÈNE.
- les croyants leur reprochent d'avoir divinisé l'homme et de l'avoir mis à jamais dans une situation de liberté dangereuse. Commençait alors l'ére du TOUT EST PERMIS.

       =>c'est oublier que la liberté n'a pas duré et que Bonaparte a liquidé les acquis des Lumières le plus vite possible. Mise au pas de la femme, reprise de l'esclavage aboli tardivement par la Révolution française etc..

-la question de l'universel se pose toujours : on accuse les Lumières d'avoir prétendu atteindre à l'Universel et d'avoir servi ainsi à justifier le colonialisme (le raisonnement étant le suivant : nous sommes supérieurs, nous voulons le Bien des autres, nous allons les forcer à se soumettre à notre Vérité qui est évidemment LA Vérité).

                     => le colon a sans doute repris de tels arguments (et Jules Ferry a eu des propos pro-colonialistes mais dans une situation historique bien différente): c'est oublier tout de même que les philosophes du type des Lumières n'étaient plus là et on ne saura jamais ce qu'ils en auraient pensé  et c'est oublier de se demander aujourd'hui si le relativisme absolu (une sottise au plan logique) qui l'emporte  dans tout l'Occident est préférable.


-la question du progrès qui naît avec certains penseurs des lumières leur est reprochée, en raison des ravages que certains progrès ont occasionné: c'est plutôt le positivisme du XIX qu'il faut attaquer.


∆ si j'ai le temps je vous ferai une note sur philosophes des Lumières et révolution française.



(NOTES


(1)Dans la question de la RAISON qui sera parfois mythifiée, une œuvre du XVIIème domine le siècle des Lumières, celle de Newton:  si Descartes (qu'admire donc Fontenelle) qui passe pour un philosophe de la Raison domine encore en France, peu à peu l'influence du génie anglais sera prépondérante et déterminera les Lumières avec comme vulgarisateurs Voltaire et D'Alembert. MÊME SI LES ÉCOLES NE L'ENSEIGNENT PAS. À commencer par les jésuites...Mais une réforme lente fera promouvoir le modèle newtonien. Heureusement L'ACADÉMIE DES SCIENCES commandée par Fontenelle fera tout pour le diffuser (ce qui prouve son éclectisme puisqu'il fut surtout propagateur du cartésianisme).

 

 

Grâce à Newton (qui est pourtant un fervent croyant) la science s'autonomise, n'a de rendre de compte à personne qu'à elle-même et la raison cesse d'être théologique et métaphysique.

Newton impose à tous un nouvel espace mental quasiment révolutionnaire (qui doit bien sûr aussi  à Copernic, Galilée etc). On pourra écarter toutes les crédulités et en particulier l'occultisme et on voudra étendre à tous les domaines les principes méthodologiques de Newton.

 

Désormais on veut conquérir EXPÉRIMENTALEMENT les lois de la Nature sans en chercher les causes lointaines et divines. Tous les domaines  scientifiques seront atteints même si la notion d'attraction a parfois entraîné bien des sottises.

 

On voudra même fonder une science expérimentale de l'homme (Hume). Un Voltaire par exemple voudra étendre la raison aux domaines des mœurs, de l'histoire, de la politique et même de la religion (d'où son déisme). V veut chercher un homme semblable à lui-même dans toutes le sociétés malgré les coutumes différentes. Comme toutes les Lumières il cherche les lois d'intelligibilité de l'homme, des groupes, des sociétés (des lois (Montesquieu)) et... des horreurs produites par les hommes.

 

 

Un point divisera les philosophes à propos de la Raison : est-elle innée en l'homme et se développe-t-elle avec l'éducation, la recherche (version spiritualiste, la raison serait donnée et d'origine divine), ou bien est-elle acquise avec les expériences et le développement de la pensée qui dépend de la matière (c'est la position de J et de DD et donc de nombreux matérialistes). Sur ce front la bataille sera très violente entre les philosophes.


 



           

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11 avril 2009 6 11 /04 /avril /2009 04:35
( ce cours doit beaucoup à une étude célèbre de Jean Starobinski)

INTRODUCTION

  JJR A DÉJÀ PUBLIÉ DES ŒUVRES MAJEURES : les deux DISCOURS, la NH, ÉMILE, LE CONTRAT SOCIAL : en décembre 61, il se croit condamné à mourir pour un problème d’urètre. En outre les soucis se multiplient à cause de la publication d’Émile. Son éditeur Rey le pousse à rédiger l’histoire de sa vie en vue d’une édition complète de ses œuvres. Il commence alors à raconter sa vie. En 1765 Voltaire révèle que JJ a abandonné ses enfants. R va alors accélérer une rédaction de 12 livres qui s’achèvera en 1769 et qui a commencé en 1764. Mais c’est une œuvre posthume car on ne la publia qu’en 1782 pour les 6 premiers livres et 1789 pour les six derniers. 

Notre extrait appartient au livre III. Moment des voyages, des apprentissages avec des allées et venues autour de Mme de Warrens (maman, disait JJ). L’adolescent n’a pas connu sa mère et a été abandonné par son père.

 Le texte à commenter se situe en 1729 : JJ a donc 17 ans.

LECTURE

[MOUVEMENT DU TEXTE : il sera traité dans l’explication]

ENJEU DE LA LECTURE : voir comment une anecdote  autobiographique  prend une dimension littéraire et politique. QUELLES SONT LES RICHESSES DE CE PETIT ROMAN?


LECTURE ANALYTIQUE : vous en donnez le plan.

                              •**************************************************************************

Partons d’un mot employé par R lui-même:

1/UN PETIT ROMAN


 a) une “aventure” unique de quelques jours, limitée mais parfaitement composée autour d’un premier motif celui de la distance et la tentative de son abolition  :

-un serviteur jeune admire et désire la belle jeune fille de la Maison: il cherche vainement à s'en faire remarquer (12): faisant tout pour être proche, il est encore loin.

-une première fois modestement 12+13+14, puis une autre, le serviteur cesse d'être invisible. Tout le monde le célèbre (=>34): la distance est (presque) abolie.

-las! sa maladresse le condamne=>39;il recrée lui-même la distance.

-c'est en vain qu'il cherchera l'occasion de vaincre une autre fois (fin du texte, hors extrait). La distance s’est aggravée.

_______  b) si c'est un petit roman c'est à la fois un sorte de roman courtois*, sentimental [façon XVIIème siècle, à la manière de Mme de Scudéry, LA CLÉLIE]  & picaresque* [ sans doute venu de Lesage / Gil Blas que JJR cite au livre III]:

  ___ b1-la dimension picaresque (bien savoir expliquer le mot picaresque)

 • deux mondes hétérogènes que tout sépare :

-un garçon étranger à la famille, venu du peuple, modeste serviteur, capable de petites transgressions ;

-un milieu aristocratique du Piémont avec des armes, un château, de nombreux laquais.

-des invités qui deviennent, un temps, un public.


un schéma narratif connu :

-le héros  inférieur socialement cherche à montrer son talent et réussit comme un vrai chevalier deux prouesses qui touchent la Dame.

-il a en la personne du frère un adjuvant qui se transforme en opposant involontaire. Mais auparavant le comte Gouvon lui a permis de s'affirmer publiquement. Citez.

 
-sans rien dire à la Dame il lui a parlé indirectement : une conversation galante a eu lieu.

-le picaro ne garde pas longtemps l'avantage : il retombe vite à son niveau et perd tout son avantage. D'autres "exploits" l'attendent dans le livre III.

_____   b2-la dimension sentimentale : roman de la distance,  le roman est surtout celui de la parole et du regard : avant d’en venir à la parole, l'expression du corps est capitale.

le rôle du regard ( ce qui permet d’abolir les distances) est souverainement mis en scène : une comédie en 5 actes.

-citez quelques mots du lexique : oeil, regard etc.

-les étapes sont structurées par l'évocation des jeux de regards:

   (1) hors de notre extrait on observe que JJ a osé transgressé un tabou : il a regardé le beau corps de la jeune fille.

    (2)  ensuite il cherche à ne pas être confondu avec les laquais et à se faire remarquer :
Citez :
-hâte à la servir
-vis-à-vis ; il cherche dans ses yeux
-il épiait.

=>Échec : il n'existe pas pour elle, L11/12 .Il ne peut exister que si elle le regarde.

   (3) le hasard le favorise : il répond au frère et elle jette un regard sur lui. Brièveté et force du verbe jeter : mais enfin il est vu.

        *au moment de la prouesse :

  -Gouvon 21 surprend une faute du serviteur mais un signe de grandeur du jeune homme (21/22)

  -son triomphe est double : on le regarde, il est le point de convergence de tous et surtout la jeune femme le regarde à nouveau et ordonne du regard que son grand-père salue le héros.

      (4)    la catastrophe :

-elle lève les yeux ;au comble de l’union symbolique (trop intense), il commet sa maladresse;

-le rougissement des yeux de la jeune fille est un aveu et une condamnation.

       (5) l'épilogue: on ne veut plus le voir.

•le rôle de la parole est structurant également: largement indirecte puis trop rudement directe.

           *au départ il ne peut parler et il s'interdit de parler comme les grossiers laquais. Sa solitude est donc double.

           *en deux temps, il prend la parole et c'est par elle qu'il devient un héros :

-il devient l'égal du frère !

-il se hisse au-dessus des nobles avec l'explication de la devise. Sa parole fait taire l’assemblée. Il parle indirectement à la jeune fille : la devise évoque  l'amour et il s'impose en la déchiffrant. Tel qui frappe ne tue pas. Il a parlé sans rien lui dire à Mlle de Breil.L’amour frappe mais ne tue pas..Il lui a parlé d'amour...


             *le grand père le salue et toute la maison fait chorus dans la louange

           *mais au moment où  mots et corps s’associent enfin , la parole le perd : alors que la jeune fille lui parle enfin, il se trouble et le frère le condamne involontairement. 37/38. Il n’est plus maître de lui et des mots.

            *la parole est perdue : on ne s'adresse plus à lui ou on lui fait des reproches...


=>en réalité, on l'a compris il s'agit d'une parodie de roman sentimental et picaresque. L’écrivain R se plaît à écrire son passé dans un cadre littéraire connu dont il joue habilement.

SONDANT SA MÉMOIRE, le romancier déjà célèbre pour sa NH, se plaît donc à composer  avec nostalgie,  humour et auto-ironie un épisode romanesque en miniature sur lequel il ne reviendra plus mais qui pourtant tient un rôle  majeur par

II-SA DIMENSION AUTOBIOGRAPHIQUE ÉMINENTE: il y a bien des aspects de discours dans ce récit romanesque. R ne raconte pas seulement. Il parle de lui, en profondeur, donne des éclairages précieux.

_______  a) la conclusion du récit sert de bilan et de prolepse* :


au plan des amours (assez nombreuses - ici, il est question de  Mme Basile, épouse de commerçant turinois qui employa JJ comme vague secrétaire : il y eut une idylle platonique entre eux et R raconta deux fois la fameuse scène du miroir)) qu'il évoquera ensuite, on peut s'attendre à une convergence : les fins sont malheureuses. Citez quelques maîtresses de JJ (Mme de Warrens (tellement évoquée dans LES CONFESSIONS (il l’appelle maman), puis dans les RÊVERIES DU PROMENEUR SOLITAIRE..), Sophie d’HOUDETOT (qu’il connaissait depuis longtemps mais qui survint un beau jour au cours de la rédaction de la NH en 1757 et l’aima un peu sans jamais quitter son amant Saint-Lambert: les amis philosophes se moquèrent publiquement de cette aventure...Ce fut le grand amour de JJ: ils ne se connurent pas sexuellement.)

[On risque de vous "embêter" avec THÉRÈSE LEVASSEUR , la mère des enfants de R, sa compagne jusqu’à sa mort, ni sa femme, ni sa maîtresse, ni sa servante, ni sa fille, mais  tout cela à la fois...Il lui fut attaché mais n’en fut jamais amoureux.]

•Il donne aussi le portrait archétypal des femmes qu’il préfère : (blondes, douces).

•En outre, quand il évoquera dans la suite des CONFESSIONS, le moment de la rédaction de la NH, il dira que Julie doit un peu à Mlle de Breil...

L’autobiographe dégage  ainsi des logiques de son destin.Un type de femme, un type de fin d'amours...


_______ b) R va plus loin dans un tel texte. Il se découvre à notre analyse avec une réelle profondeur: que dit cette petite scène?

   -il y a chez lui un réel plaisir à servir, des tendances au masochisme et au fétichisme (l’assiette, possibilité de communiquer avec l'aimée  via un objet; ce qu’il ne fera pas avec le gant à la fin);

   -en même temps la transgression est toujours tentante: ainsi le sourire inadmissible de la ligne 21/22;

  -il y a aussi chez celui qu’on fait passer dans toute l'Europe pour un misanthrope et un ermite une volonté tenace d'être reconnu, admiré, d’être le centre de toutes les attentions.

  -enfin il a ce qu'on appelle des "conduites d'échec" : il sabote de lui-même un rapprochement dans une sorte de masochisme qui le remet à sa place..On découvre en lui un désir d'exhibition et de punition...(cf la fessée célèbre dans les CONFESSIONS avec Mlle Lambercier, LIVRE 1.) En outre dans sa vie et dans sa pensée le regard chez R est bien décisif.

[utile?

-si nous extrapolons nous découvrons un schéma ternaire qui aura bien des reformulations dans les CONFESSIONS : R dit souvent dans ces récits :1-on me provoque 2-je réponds 3-bien des malheurs en découlent... C’est ainsi qu’il présentera plus loin dans les CONFESSIONS son entrée dans la carrière littéraire. En allant rendre visite à DD prisonnier à Vincennes, R tombe par hasard sur un article qui parle du sujet de concours de Dijon ; DD l’encourage:R publie alors son premier discours SUR LES SCIENCES ET LES ARTS et toute sa vie en sera bouleversée et traversée de malheurs....Son succès fixe une image de lui qui le suivra toujours.


______  c) enfin ce texte a la plus haute importance au plan de l'analyse politique : quand il rédige ce souvenir, R a déja publié les deux discours et le CS. Nous touchons à la racine d'un sentiment qui prendra donc une forme théorique plus tard.

 En effet quelle scène politique lisons-nous? Une scène qui se fonde sur la présence du mot PLACE  et de  ses dérivés ( L4, puis replace 33).

  Une scène où un manant  cherche à se distinguer des hommes du peuple ( méfiance permanente de JJR à l'égard des laquais 1/2) mais qui donne une incroyable leçon à des aristocrates:

  -il en bat certains et il égale un autre. Précisez les lignes et relisez-les si vous avez le temps.

  -il est capable de dire le sens de la devise  écrite en vieux français avec une humilité insultante finalement pour les aristocrates (citez les modulations (je ne croyais pas 22; ne me paraissait pas dire 24)[férir n’a pas conservé de forme grammaticale sauf dans l’expression sans coup férir] .

  -voilà des aristocrates incapables de connaître leurs racines, du moins les racines de leur voisin ou hôte ; voilà un roturier capable de dire l'origine des devises qui affirment leur pouvoir ; en les égalant ( Gouvon) ou les dominant (les invités), il dit clairement qu'il les vaut bien et que son mérite vaut un meilleur sort.

   Ainsi d’un côté nous avons des aristocrates avec le maître d’hôtel, l’épée au côté (c'est bien une espèce de dérision : preuve que les nobles ne se battent plus) et une devise qui devient opaque avec les siècles ; de l’autre côté un  héros roturier qui agit et s’élève au-dessus des autres qui l’ignorent (citez le polyptote dédaigneuse daigna 28[*Un polyptote est une figure de répétition qui consiste à reprendre un terme en lui faisant subir des variations morphologiques de nombre, de personne, de mode, de voix ou de temps.]). On comprend avec cette anecdote et avec d’autres dans les CONFESSIONS qu’il soit  devenu un écrivain, et un grand penseur politique, théoricien du pouvoir du peuple.

-un dernier point qui relève du psychisme de JJR: on a vu qu’il sabote une situation qui lui était favorable; on note aussi que le “révolutionnaire “JJ a besoin de l’autorisation de Gouvon, de l’ordre ancien pour installer son triomphe: l’émancipation de R n’est jamais brutale et semble excessivement respectueuse.

..

cl : page d’une extrême densité  où le narrateur âgé prend plaisir à se raconter sous une forme nostalgique et ironique ( distanciation imposée par la dimension romanesque), où il trace  le paradigme  de ses amours,  donne un élément de  la genèse de la NH et du CS. Texte où il confie des éléments psychiques sans équivalents avant  lui (sinon Montaigne): avec JJR l'autobiographie a franchi un cap majeur .


Pour questions :

________Grands "autobiographes" avant lui :

*saint Augustin auquel il emprunte le titre, LES CONFESSIONS;

*JÉROME CARDAN  au 16ème qui suivit un ordre thématique : mon enfance, mes maladies, mes amitiés etc..

*Montaigne : mais il ne s'agit pas d'une autobiographie au sens strict.

__________après lui :(je laisse de côté les autobiographies romancées)

*des MÉMOIRES (mélange d'histoire personnelle et d'Histoire tout court): Chateaubriand , MÉMOIRES D'OUTRE-TOMBE

*au 19ème : Michelet, G. Sand etc..

*au 20ème :Gide, Leiris, Sartre, Sarraute etc.


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27 mars 2009 5 27 /03 /mars /2009 08:00
[
Aurai-je le temps de parler de l'influence de la Franc-maçonnerie?NON.


D'autre part j'ai passé sous silence un penseur capital de la fin du siècle, Condorcet ( à bien évoquer comme Réformateur de l'école sous la révolution) et délaissé quelques philosophes plus ou moins matérialistes. Mais on ne vous en demande pas tant....
]





RÉSUMÉ DE CE QUI SUIT : SACHEZ L'ESSENTIEL ET APRÈS IMPROVISEZ AVEC CE QUE VOUS AUREZ LU UNE OU ??? FOIS.

DITES à un moment ou à un autre que le grand combat fut finalement entre spiritualistes (déistes) et matérialistes.

1)UN ACCORD ENTRE TOUS : CONTRE L'AUTORITÉ DES INSTITUTIONS RELIGIEUSES.Facile.Appuyez-vous sur Voltaire et JLF.

2) LE CHOIX DOMINANT AU XVIIIÈ (dans l'élite et chez les penseurs) : le déisme

-façon Voltaire ( ses valeurs: cf la prière à Dieu)

-façon Rousseau : religion de la conscience, instinct divin dit-il.

3)L'OPTION RADICALE :matérialisme, athéisme, fatalisme mais en fait déterminisme ( par la connaissance on peut corriger les causes négatives)

-l'étonnant curé Meslier.

-DD

-D'holbach.

4)UNE QUESTION QUI DEMEURE : POLITIQUE ET RELIGION.

-une société peut-elle vivre sans lien? Pas forcément religieux.Qu'est-ce qui fait nous dans une société ?

-solution de JJR dans le CONTRAT SOCIAL. Avec le risque que manifeta la Révolution jacobine à partir de 1792.

-solution éthocratique façon d'Holbach.

=>En tout cas le legs des Lumières qu'il faut bien comprendre a eu lieu au début du XXème siècle avec la reconnaissance de la laïcité, la version française étant unique, minoritaire et toujours menacée.



  LES LUMIÈRES ET LA QUESTION DE DIEU

Au XVIII ce qu'on appelle l'orthodoxie se désagrège ET ELLE N'A PAS DE DÉFENSEURS DE LA TAILLE DE BOSSUET OU PASCAL. L'expérience religieuse a changé. Profondément et parfois radicalement.


1/UN POINT QUI FAIT PRESQUE L'UNANIMITÉ :le rejet des institutions et des intermédiaires.

  =>avec le souvenir lointain des guerres de religion (fin 16ème siècle), celui des guerres interminables entre doctrines  (protestantisme, jésuitisme, jansénisme), face aux  répressions faites au nom du Pape, des évêques comme des rois de droit divin, inspirées en principe de la vertu de CHARITÉ, deux éléments rassemblent les Lumières::


le refus de la théologie dogmatique :posons que de plus en plus ce ne sont plus les philosophes qui doivent rendre raison aux Théologiens* mais l'inverse. Radicale différence entre un Pascal qui au XVIIème humilie la Raison au nom des Miracles et les Lumières qui usent de Raison contre les miracles qu'ils demandent à examiner de près.



le refus de l'autorité des médiateurs religieux (prêtres, évêques etc):
Les penseurs voient bien l'empire politique de l'Église et c'est ce qui met en action un Voltaire. L'Église prétend dire le juste, le droit. Il n'y a pas pour les Lumières de RAISON d'Église comme on parle de raison d'État. JJR, calviniste d'origine et malgré un passage dans le catholicisme, ne supportra jamais les intermédiares et l'institution d'une Église toute-puissante: il y voit tyrannie des  consciences et perversions des esprits. Il n'y a pas plus grand adversaire des dogmes que R (même s'il respecte les Évangiles).


Plus concrètement JLF dresse un tableau édifiant des moines comme des abbés. Pensez à Hudson et à la corruption de certains curés. Pensez à la RELIGIEUSE  du même DD. Songez aussi à la critique que dresse Polly Baker de la trahison que font les hommes du message religieux : les croyants osent parler à la place de Dieu. En même temps les Lumières regardent de près les sources de la croyance : un Meslier dont nous reparlerons, un Voltaire comme un d'Holbach connaissent parfaitement la Bible et ses contradictions qu'ils se plaisent à moquer auprès de chrétiens qui ne l'ont pas aussi bien lue (le baptème exigé par  l'Ingénu est un exemple amusant). L'anticléricalisme de cette époque est évident. Rappelez la détestation des jésuites chez Voltaire et la dénonciation de leur empire dans l'INGÉNU ( père de la Chaise, TOUT-À-TOUS, le valet Valbled etc...)


En réalité nombreux sont les Lumières qui voient derrière la religion la tentation d'un État théocratique qu'ils accusent de tous les maux.

Au XVIIIè dans l'élite (le peuple n'est pas touché par les Lumières), la religion demeurera mais elle sera plus une expérience individuelle que la preuve d'une obéissance à une autorité. Le Dieu au XVIIIè quand on y croit devient personnel (presque privé) et JJR aura une influence considérable dans ce sens.



2/UN CHOIX RELIGIEUX DOMINANT PARMI LES LUMIÈRES DE L'EUROPE :le déisme que résume à lui seul V (voir cours sur la prière à Dieu+ annexe en bas ): il est un choix et ,en même temps, une  solution moyenne entre orthodoxie et athéisme radical.

  Ce fut le cas de l'Anglais  Locke qui
, défenseur d'un rationalisme religieux crut foi et raison complémentaires. Ce  sera  aussi le choix du jeune DD et de l'Écossais Hume, sceptique qui  va dans le sens de la tolérance.

-le déisme défend la lumière naturelle de la conscience et de la raison contre la lumière
de la Révélation, de Jésus Christ;

-le déiste veut la fin de la folie meurtrière des religions et seule la raison leur semble un garde-fou.

-il s'attaque aux superstitions, aux falsifications des textes sacrés, aux miracles, aux enthousisates délirants: toute église constituée est pour lui une  mystification.

-le déiste considère que le besoin de Dieu est humain, éternel, universel et que les religions l'ont dénaturé partout.

-il prône l'idée d'un dieu des hommes. Un dieu, une idée de Dieu qui rapproche au lieu de diviser.

( dans une certaine tendance, le déiste peut prêcher pour une tolérance envers les religions en souhaitant  qu'elles se multiplient le plus possible).

[∆ attention! ENTRE NOUS! V, toujours contradictoire, souvent courageux peut parfois comme dans le nègre de Surinam critiquer le lien religion/économie/colonialisme mais  souvent hypocrite, peut à la fois attaquer les institutions religieuses et en créer une petite église dans son château de Ferney : la religion sert à calmer les pauvres, pense ce cynique...]

un penseur à part comme toujours : JJR. Le déiste (qui se dit chrétien) sans doute qui aura été le moins entendu mais aussi le plus représentatif du siècle .

Dans un texte fameux, inscrit dans ÉMILE (CONDAMNÉ DANS SA VILLE PAR LES PASTEURS CALVINISTES!) et appelé LA PROFESSION DE FOI  DU VICAIRE SAVOYARD, on voit que le Dieu de R est un Dieu qui parle à la conscience, qui est sensible EN TOUT ET QU'ON NE SAURAIT ACCUSER DU MAL. LA CONSCIENCE conçoit un ordre dans le monde, une harmonie, un désir de bonté, une SUPRÊME INTELLIGENCE, ce ne peut être que l'effet d'un dieu incompréhensible MAIS dont on doit reconnaître la Volonté  bonne inscrite dans toute LA NATURE  et la capacité de Providence (grande querelle avec V sur le désastre de Lisbonne). Pour JJR, de toute façon le monde a été fait pour l'homme : on devine sa détestation de la position  de DD qui conçoit l'homme (une machine) et le monde comme transitoires...

Son  dieu est  fondamentalement moral et le Mal dans le monde R a tendance à le rapporter aux hommes, à leur société plus qu'à Dieu, évidemment..Retenez que V. qui ne pardonnait rien à R dit un jour qu'il lui pardonnait tout pour avoir écrit le VICAIRE SAVOYARD...

On voit qu'il y a presque autant de déistes que de déismes mais dans l'ensemble le siècle DOMINÉ par le déisme est  surtout agité par un combat millénaire qui prend une forme nouvelle : le grand clivage est comme toujours entre spiritualistes et matérialistes et au XVIIIè nous voyons apparaître un mouvement plus radical :

III-L'ATHÉISME MILITANT (j'ai laissé de côté La Mettrie, Helvétius, Morelly)


un cas sidérant, trop peu connu : celui du curé J.Meslier (né en 1664 et mort en 1729), qui exerça son sacerdoce dans les Ardennes mais en même temps rédigea un brûlôt incroyable contre la religion, Dieu et fonda presque une politique matérialiste. Allez voir Wiki, lisez en diagonale son TESTAMENT, mais attention ce n'est pas un libertin au sens strict et sachez que Voltaire qui le publia trahit complètement sa pensée....Je colle ici le plan de son ouvrage :


*le testament de Meslier se divise en huit parties, dont chacune vise à prouver la vanité et la fausseté des religions, en voici le plan :

  1. Elles ne sont que des inventions humaines.
  2. La foi, croyance aveugle, est un principe d’erreurs, d’illusions et d’impostures.
  3. Fausseté des « prétendues visions et révélations divines ».
  4. « Vanité et fausseté des prétendues prophéties de l’Ancien Testament ».
  5. Erreurs de la doctrine et de la morale de la religion chrétienne.
  6. La religion chrétienne autorise les abus et la tyrannie des grands.
  7. Fausseté de la « prétendue existence des dieux ».
  8. Fausseté de l’idée de la spiritualité et de l’immortalité de l’âme.


Sans exagérer on doit bien admettre que ce texte écrit dans la solitude et avec peu de livres dans sa bibliothèque est le germe de tout l'athéisme du 18ème : on le lut, on le pilla souvent, sns rien dire. On le détourna comme Voltaire.


plus connus deux écrivains se dégagent comme matérialistes et athées:

  *DD : dites que son expression la plus audacieuse est dans son dialogue LE RÊVE DE D'ALEMBERT. Dites que vous avez lu avec moi la LETTRE À LANDOIS (dans vos archives).


>>>>>les patients iront lire l'interminable cours mis sur le site du lycée (intermède matérialiste 1); l'essentiel est dans le passage suivant : pressés,rendez-vous plus bas


•1• la Matière (la Nature) est Tout, elle ne dépend d’aucun Créateur, d’aucune transcendance : l’univers est totalement immanent. Pas de grand rouleau.. [ sauf à penser avec un immense anachronisme que la structure de la matière et celle de l’ADN écrivent infiniment le Tout…dans une auto-production infiniment développée. Le monde s’écrit alors dans un dépliement, un déploiement imprévisible et nécessaire].

- tout ce qui est, est NÉCESSAIRE ! cf J 357

-mouvement, sensibilité, vie sont des propriétés fondamentales de la matière. Matière et mouvement ou plutôt matière EST mouvement : unité fondamentale que DD doit aussi aux matérialistes antiques.

- la nature est éternelle, éternellement changeante à des rythmes infiniment complexes. Le Tout demeure quand tout change plus ou moins vite : JLF insistera beaucoup sur le changement, l’inconstance de tout(où? À vous). Au physique comme au moral comme on l’a deviné, puisqu’il n’y a pas de différence.

 

- elle est, en tout point et toute organisation, sensible (il en fait la démonstration dans LE RÊVE partie1), y compris l’apparemment inerte (la pierre). ” Pas un point dans la nature entière qui ne souffre ou ne jouisse” ! (Rv). Clef de la pensée de DD.

- elle connaît une infinité d’organisations toutes singulières avec des intermédiaires (minéral, végétal, animal, homme) : “chaque ordre d’êtres a sa mécanique particulière”. Et chaque être a sa composition singulière.

- changeante, elle est donc en évolution permanente : il parle de l’évolution des animaux dans le RÊVE (et même de possible métamorphose de l’Homme) ; évolution par essais, échecs, sélection. On aurait grand tort mais il est tentant de parler d’anticipation de Darwin. En réalité DD pense surtout à Lucrèce.

- évolution certes mais jamais rupture : tout est lié dans la nature, rien ne se fait par saut (c’est une loi générale dit EP).

[Mais il sera impossible de tout connaître : le Tout existe mais on ne peut le connaître que par îlots. Et gare aux liaisons fausses, qui s’appelleront magie, superstition etc.]


- la matière n’a pas de causes finales comme de nombreux théologiens en prêtent à Dieu (et comme le pense le M parfois). Elle est cause efficiente, développements et diversifications nécessaires et infinis d’elle-même. Inutile de croire par anthropomorphisme que la Nature veut quelque chose. La Nature ne veut rien, l’homme, on le verra, lui prête une volonté pour croire à sa propre liberté (et à sa volonté) : illusion.

- elle est indépendante de la pensée et de l’esprit qui au contraire dépendent d’elle et en sont des parties, des développements. L’Idée n’est pas innée en l’homme, l’idée platonicienne est exclue : elle est le produit d’un cheminement qui commence par le corps. Et finit par lui comme on verra.




 >>>>>les pressés s'appuieront sur JLF et simplement certaines images (ayez votre livre quand vous avez un texte de la séquence PHILOSOPHE);

-MATÉRIALISME : Dans la nature tout se tient et tout s'enchaîne implacablement selon un système  infiniment complexe mais mécanique.

-la gourmette p 10;
-le parchemin: dès p 9 le capitaine disait; p 16; le grand rouleau p 24;
-ATHÉISME : passage capital p 134 en haut "LE CIEL QUI VEUT...il n'en sait peut-être rien lui-même". Thèse de Spinoza reprise fidèlement : Dieu ne peut avoir de Volonté ( ce serait le limiter) ; ce que Dd traduit ainsi : la matière commande tout dans son auto-développement infini. TOUTE CETTE HISTOIRE DE PARCHEMIN EST UNE IMAGE VOLONTAIREMENT FAUSSE : il n'y a pas de là-haut pour un matérialiste. La nature écrit le livre du monde (ce que confirmeront Darwin et les théoriciens de l'évolution). Personne ne tient la plume sinon la nature inscrite dans le Temps.

 
(dites bien aussi que J est contradictoire: il lui arrive de prier..):

  • moins connu mai encore plus offensif le baron D'Holbach, allemand d'originé , élevé par son oncle dont il hérite la grande richesse. Études solides en Hollande. Travailleur acharné : il lit tout et écrit beaucoup même sur la verrerie, la minéralogie. Il publie ses textes philosophiques sous pseudonyme. Son salon très fréquenté (Diderot, Raynal, Becaria, Sterne, Hume etc.) sera un lieu d'agitation des idées : on y fait des exposés, on y débat. On parle de coterie holbachique.

Son œuvre connaît trois temps :

  étape 1)une attaque virulente contre le christianisme (avec LE CHRISTIANISME DÉVOILÉ 1761 et sa THÉOLOGIE PORTATIVE 1767 ou encore LA CONTAGION SACRÉE en 68; D'H à ce stade lit de façon précise les ouvrages de la Bible et comme Voltaire mais pour un but autre , les contradictions des livre sacrés. En rationaliste il démolit tout, Dieu, Jésus, les mystères...Il montre ce qui pousse les hommes à croire : la peur de la mort, l'absence de réponse aux grandes questions philosophiques; il affirme le rôle poltique de la religion établie : elle sert les pouvoirs forts en interdisant la réflexion et en encourageant la soumission, la docilité du peuple. Elle entretient la culpabilté et donc  l'ascétisme, la négation du corps et du plaisir.

Plus grave à ses yeux : un monde avec Dieu c'est le manichéisme assuré donc l'intolérance, le fanatisme, la violence la guerre.I l complète à sa façon les critiques des déistes - qu'il va dépasser.

   étape  2) l'élaboration du matérialisme athée avec son grand Œuvre LE SYSTÈME DE LA NATURE 1770 auquel répondra Voltaire lui-même en proposant Dieu comme réponse .

Il n'y a rien en dehors de la nature. Tout est matière et D'H reprenant Spinoza à la lumière des travaux scientifiques de son temps montre que tout tend à perséverer dans son être dans un mouvement infini des formes ; il attache une grande importance au cerveau et refute après d'autres les idées innées.Vous voyez la proximité avec DD.

    étape   3) une réflexion sur une société eudémoniste* et utilitariste. Avec de longs livres LE SYSTÈME SOCIAL  de 1773 et un assez bref L'ÉTHOCRATIE ou le gouvernement fondé sur la morale 1776.

Ses livres vout tous dans le même sens : l'homme est fait pour le bonheur, le plaisir, la jouissance. Mais quelle société peut permettre une telle possibilité jamais rencontrée dans l'Histoire?

Il va tenter de montrer qu'une société mécanique ( d'H est fataliste ) soumise au désir de se conserver et au  plaisir  de chacun peut  vivre  sans sombrer dans la paresse et la débauche (vieille question depuis Bayle : des athées peuvent-ils être vertueux?). Comment? Avec l'aide de la raison (il est alors déterministe) elle aura comme moyen de correction  l'éducation, les contraintes, les lois. On le verra ainsi féroce partisan de la peine de mort.

Chez un penseur considéré comme radical et /ou fou par ses adversaires on constate qu'il conserve dans ses théories le Roi , que, par tolérance , il garde les prêtres qu'il veut marier mais interdirait les moines et moinesses, jugés inutiles car improductifs.I l était pour la reconnaissance du divorce.

Déistes ou athées ont tous essayé de résoudre un point qui reste essentiel aujourd'hui mais sous d'autres formes.

IV-POUVOIR & RELIGION : pouvoir sans religion?Religion au pouvoir(théocratie?)Religion du pouvoir, religion civile?

Voilà la question  que les Lumières ont légué à la démocratie : les solutions variant avec les auteurs.

Quelle société voulons-nous? La voulons-nous  avec ou sans Dieu?

•Vous voyez la solution américaine : le président jure sur la Bible, "God bless America", et en même temps des centaines de croyance pullulent en presque harmonie. Une société puritaine, spiritualiste et "matérialiste"(pas au sens philosophique).

•On ne sait ce qu'aurait choisi les déistes : sans doute un pouvoir lui aussi déiste sans contrôle papiste ou épiscopal.

•le plus profond penseur sur cette question (comme sur les autres) est JJR : il a ajouté tardivement le dernier chapitre de son CONTRAT SOCIAL, le chapitre VIII, de LA RELIGION CIVILE où il propose une solution qui ne soit pas une théocratie ni une République divisée entre les devoirs envers l'État et les devoirs envers la religion (admirateur de l'Évangile, il considère toutefois que le christianisme forme trop les hommes à la passivité , à l'attente de l'autre Monde pour les voir se battre pour leur Patrie): il veut une religion civile, qui fixe les devoirs et droits du citoyen.Le Souverain pourra expulser celui qui ne respecte pas cette profession de foi civile : non pas comme impie mais insociable ..."comme incapable d'aimer sincèrement les lois, la justice, et d'immoler au besoin sa vie à son devoir". Les dogmes civils de R étant l'existence de Dieu puissant, intelligent, bienfaisant, prévoyant et pourvoyant, la vie à venir, le bonheur des justes , le châtiment des méchants, la sainteté du Contrat social et des Lois.

=>on connaît hélas ce qu'en fit la Révolution française avec son culte de l'ÊTRE SUPRêME et ses cérémonies ridicules débouchant sur ce R redoutait, l'intolérance. Condorcet fut celui qui comprit le tour dangereux de cette force contraigante de la religion civile sous les jacobins.

  Il reste que R avec Dieu (mais on peut penser le tout civil  sans lui) a pointé le plus délicat des problèmes pour une société : comment unir, comment faire un Tout qui ne soit pas agrégat d'individus égoïstes? Qu'est-ce qui peut faire lien civil?

• la question était aussi celle des athées : DD voulait absolument prouver que l'athéisme ne donnait pas une société anarchiste, vouée à la débauche mais qu'il y  avait une morale naturelle dont la liberté favoriserait le retour. D'Holbach l'a appelée ÉTHOCRATIE (pouvoir soumis à la morale) et tout en prônant liberté, plaisirs, voluptés, sans dicter l'égalité absolue, il veut un régime assez fort
(ON Y DÉCOUVRE  QU'IL N'EST PAS HOSTILE À LA PEINE DE MORT) soucieux du bonheur de tous .

••••EN TOUT CAS NOUS SOMMES LES HÉRITIERS D'UN CONCEPT QUI A PU DÉLIMITER UN DES GRANDS ACQUIS DES LUMIÈRES, celui si contesté encore de LAÏCITÉ.

Vous savez que dans les régimes dominés par une religion, la tentation est grande pour cette religion de dominer âme et corps, vie spirituelle et vie matérielle(cf Todorov p 58/59).Luther et le protestantisme ont commencé à créer une rupture.
Les Lumières, chacun à sa façon, ont préparé le terrain de la loi qui sépara sous la  IIIème République la séparation de l'église et de l'État.

La laïcité à la française défend (en principe) donc la liberté de conscience, la liberté de culte mais aussi la liberté d'incroyance et la liberté d'autonomie de l'État par rapport à n'importe quel culte.

cl: on voit que l'annonce de la MORT DE DIEU par Nietzsche avait été bien préparée...




ANNEXE : si on vous ennuie sur V et la PRIÈRE À DIEU FAITES ALLUSION À CE GRAND TEXTE DE VOLTAIRE.




SERMON DES CINQUANTE:




Cinquante personnes instruites, pieuses, et raisonnables, s’assemblent depuis un an tous les dimanches dans une ville peuplée et commerçante: elles font des prières, après lesquelles un membre de la société prononce un discours; ensuite on dîne, et après le repas on fait une collecte pour les pauvres. Chacun préside à son tour; c’est au président à faire la prière et à prononcer le sermon. Voici une de ces prières et un de ces sermons. 

Si les semences de ces paroles tombent dans une bonne terre, on ne doute pas qu’elles ne fructifient. 

Prière

Dieu de tous les globes et de tous les êtres, la seule prière qui puisse vous convenir est la soumission: car que demander à celui qui a tout ordonné, tout prévu, tout enchaîné, depuis l’origine des choses? Si pourtant il est permis de représenter ses besoins à un père, conservez dans nos coeurs cette soumission même, conservez-y votre religion pure; écartez de nous toute superstition: si l’on peut vous insulter par des sacrifices indignes, abolissez ces infâmes mystères; si l’on peut déshonorer la Divinité par des fables absurdes, périssent ces fables à jamais; si les jours du prince et du magistrat ne sont point comptés de toute éternité, prolongez la durée de leurs jours; conservez la pureté de nos moeurs, l’amitié que nos frères se portent, la bienveillance qu’ils ont pour tous les hommes, leur obéissance pour les lois, et leur sagesse dans la conduite privée; qu’ils vivent et qu’ils meurent en n’adorant qu’un seul Dieu, rémunérateur du bien, vengeur du mal, un Dieu qui n’a pu naître ni mourir, ni avoir des associés, mais qui a dans ce monde trop d’enfants rebelles. 

SERMON

Mes frères, la religion est la voix secrète de Dieu, qui parle à tous les hommes; elle doit tous les réunir, et non les diviser: donc toute religion qui n’appartient qu’à un peuple est fausse. La nôtre est dans son principe celle de l’univers entier, car nous adorons un Être suprême comme toutes les nations l’adorent, nous pratiquons la justice que toutes les nations enseignent, et nous rejetons tous ces mensonges que les peuples se reprochent les uns aux autres. Ainsi, d’accord avec eux dans le principe qui les concilie, nous différons d’eux dans les choses où ils se combattent. 

Il est impossible que le point dans lequel tous les hommes de tous les temps se réunissent ne soit l’unique centre de la vérité, et que les points dans lesquels ils diffèrent tous ne soient les étendards du mensonge. La religion doit être conforme à la morale, et universelle comme elle: ainsi toute religion dont les dogmes offensent la morale est certainement fausse. C’est sous ce double aspect de perversité et de fausseté que nous examinerons dans ce discours les livres des Hébreux et de ceux qui leur ont succédé. Voyons d’abord si ces livres sont conformes à la morale, ensuite nous verrons s’ils peuvent avoir quelque ombre de vraisemblance. Les deux premiers points seront pour l’Ancien Testament, et le troisième pour le Nouveau. 


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26 mars 2009 4 26 /03 /mars /2009 05:00
                             Le philosophe
SITUATION

     Nous allons lire un extrait de l’Encyclopédie, vaste entreprise du XVIIIème siècle qui s’inscrit dans un engouement général pour les dictionnaires. L’âge des Lumières a été l’ère des dictionnaires. Leur croissance  à partir de 1750 est spectaculaire. Leur nombre est même si grand  qu’il faudrait un dictionnaire pour les recenser. pour ne donner qu’un exemple, entre 1745 et 1760 , il se publie 30 dictionnaires portatifs différents.

      Cet article a longtemps été attribué à Diderot, mais on l’a rendu à son véritable auteur, Dumarsais, qui s’est occupé des articles de grammaire dans l’Encyclopédie. Dumarsais lui-même ne fait  que reprendre un court traité anonyme intitulé Le philosophe, publié en 1743 avec quatre autres textes dans un recueil au titre évocateur de Nouvelles libertés de penser. Cette page a  connu au moins huit rééditions au XVIIIème siècle sous des formes plus ou moins modifiées et dans des contextes différents. Une de ces versions très tronquée, constitue l’article «Philosophe» de l’Encyclopédie.

Les intentions polémiques sont claires : il convient de définir avec rectitude le véritable esprit philosophique moderne, alors que l’on abuse de cette qualification et que les adversaires daubent à l’envi et font flèche de tout bois contre l’honnêteté morale et intellectuelle des rédacteurs du «grand œuvre». L’article «Philosophe» peut être considéré comme une réplique à la comédie de Palissot* Les philosophes qui ont présenté une  vue caricaturale et fausse des Encyclopédistes.

LECTURE

MOUVEMENT DU TEXTE : deux parties.1) Les qualités du philosophe & 2) ses vertus sociales : le § de transition étant situé aux lignes 19/21.



ENJEU DE LECTURE:voir ce qui fait l'originalité de la définition du philosophe.


LECTURE ANALYTIQUE  dont le plan sera


I- Un  article d’encyclopédie surprenant mais très didactique finalement:

[1- surprenant par sa longueur et 2- par son contenu;

3- article profondément didactique;

4-un modèle d’épidictique.]

II-QU’EST DONC LE PHILOSOPHE SELON DUMARSAIS ?

  [1-un être de raison

 2-un être profondément sociable

 3- un texte qui offre tout de même une vision plus polémique qu’il n’y semble.]
]


I- Un article d’encyclopédie quelque peu surprenant mais ptofondément didactique.

1-  étonnant par sa longueur et son contenu:

- très long par rapport à d’autres (et encore, il ne s’agit ici que d’un bref extrait : il en manque  le début et la fin, sans compter une partie intermédiaire)

  -sans qu’il y ait d'étymologie, d’historique (rappelez  qu’on commence souvent par les penseurs dits pré-socratiques comme Parménide, Empédocle, Démocrite), d’exemple précis: on ne relève aucun nom, ni de l’antiquité (pas même Socrate ou Platon), ni des périodes antérieures, ni du présent : il n’est guère informatif : qu’apprend-on en effet ? Peu de choses sur le fond.

- étonnant par sa présentation: long & morcelé en brefs paragraphes

2- par rapport à nos attentes modernes (nous souhaitons un compte rendu objectif de la situation d’une pratique ou d’un savoir à un moment donné) nous sommes surpris  encore :


sous une apparente objectivité (absence de marques de la personne, emploi du verbe être, présent qui semble de vérité générale), le but de l’article est plus prescriptif qu’informatif : il dit ce qui doit être plutôt que ce qui est et ou a été. Il semble décrire un philosophe unique qui aurait toujours existé, alors qu’il définit le philosophe du XVIIIème siècle, tel que le perçoivent les encyclopédistes.

3- un texte poutant éminemment  didactique:

         En effet  le texte se caractérise par sa volonté d’apprendre, de répandre au plus grand nombre un savoir accessible : “aux autres hommes” 1+9

Comment y parvient-il?

- avec  des  images ponctuelles et simples : celle de l’horloge (4), celle du marcheur précédé de son flambeau (11/12),  celle de la vérité maîtresse (13),[ ou l’analogie littéraire tout de même rare avec  Chrémes (36)], ou la comparaison avec la divinité (raison= grâce 7). Comme ces images sont parfois audacieuses et piquantes pour l’esprit, paradoxales comme celle de l’horloge qui se remonte d’elle-même, à la  fois objet et sujet, l’auteur  les accompagne de la précaution oratoire pour ainsi dire (l.4).

- d’où les répétitions insistantes de mots importants :  le mot philosophe (13 fois, 12 au singulier tout d’abord qui  est scandé sans cesse tout au long du texte) ; les mots raison, esprit, probité;

- les antithèses démonstratives : à relever (les hommes /le philosophe  avec le parallélisme de la ligne 8, l’antithèse philosophe/mauvais philosophe ), l’opposition ténèbre /flambeau);

[-il réunit § très séparés et  mots de liaison: les mots de liaison très marqués qui expriment la conséquence :donc ( l. 19), ainsi(l.4, 24, 27) ou l’opposition (au lieu que, au contraire 2, mais 20)

 Mais ces mots  sont  peu nombreux ; l’auteur leur préfère l’asyndète (absence de mots de liaisons là où on en attendrait) qui crée un style coupé,  dépouillé.

 => d’où la progression : il fait plus, il porte plus loin et la transition qui ménage une progression : l. 20]


 
4- enfin ce  
ce texte est éminemment épidictique ou laudatif : le texte tourne à la célébration du  philosophe :


- les termes valorisants : il est le seul à réfléchir, à maîtriser ses passions 9, à se défier de l’imagination  13;

[ déjà vu
    - les comparaisons très accentuées  avec
les autres hommes
la plupart des grands 32
les philosophes ordinaires ]

-L’emploi du singulier pour désigner le philosophe  à lui seul le distingue des autres, ramenés au lot commun et trivial par le pluriel. Lui seul se distingue quand les autres se ressemblent
          
- les expressions sans ambiguïté : c’est une grande perfection du philosophe 17;

- l’impossibilité qu'a le philosophe de se tromper : § 3

[- le style est au service de l’éloge : gradation dans l’accumulation (l.15-16-17 et 38-39), &  prétérition finale : il serait inutile de remarquer 39 mais l’auteur de l’article le fait remarquer tout de même.]

Même une phrase commençant comme l’énoncé d’un défaut («Le philosophe est jaloux») finit par un renversement plaisant en éloge : «jaloux de tout ce qui s’appelle honneur et probité.»

Il convient alors de répondre à une question qui occupera la fin de notre étude :



II- Qu’est-ce alors qu’un philosophe, selon Dumarsais ? 


 1- Une vision attendue après Descartes, Spinoza etc : nous sommes loin des limites imposées par Pascal* à la Raison. C'est la confiance du 18ème, héritée des grands penseurs et travaux du 17è.


a- un homme dirigé par la seule raison et voué à la connaissance  : on retrouve Fontenelle.


- rappelez  vite fait quelques occurrences du mot raison : L 7+25 etc


 - Dumarsais reprend l’ancienne dichotomie entre raison et passion qu’on trouvait déjà chez les moralistes (l 9) et chez les grands prédécesseurs (Descartes (LES PASSIONS DE L'ÂME), Spinoza). Il évite les pièges que dénonçait Pascal (l'emprise de l'imagination et des sens);


         - il est son premier objet d’étude : sa faculté s’exerce d’abord sur lui-même : c’est l’objet du premier paragraphe.

        - il réfléchit  (l.10): il a un usage clairvoyant de l'esprit:

       - il cherche la vérité mais retient son jugement au moment opportun 18: dans sa capacité de doute provisoired il faut voir la sagesse  de celui qui sait reconnaître ses limites. 


       -il tend à la justesse 19. L’image de l’horloge (4) signifie constance, rigueur, précision.

         -un verbe s’impose deux fois : il démêle, il met de l’ordre en tout par le jugement.



    b- l’homme  voué à la connaissance : nous sommes dans la raison en action.

 


-il observe:19


- et  surtout  il est celui qui remonte aux causes des phénomènes et l'on retrouve DD:  causes lignes 1+2+3

 

-JLF dirait qu’il échappe et permet d’échapper au déterminisme. À vous. Chez Dum' il s'agit au début du philosophe qui se pense, se connaît et élimine (l5/6) ce qui le détournerait de la vérité . Mais ce souci vaudra aussi pour la connaissance des mécanismes de la société. Nous touchons au point suivant.


2- une vision encore plus  représentative des Lumières.Un être profondément social,  ne se contentant pas de la théorie seulement (le mot esprit de la transition) mais de la pratique et de son inscription et de son rôle dans la société. Prouvons-le.


a- il est un être volontaire:(répétition du verbe vouloir 28). Si la raison dirige le philosophe, il n’est soumis qu’à elle. Tout le reste est choisi, déterminé par lui. Sa recherche suppose une éthique de vie = il cherche à éviter les objets qui ne sont pas convenables au “savant” qu’il est  : relever 5-6-7. Il élimine toute source de trouble.  Il se maîtrise (au plan des sentiments et des affections), là encore avec la raison pour être en adéquation avec son état (6/7) de philosophe. Il cherche avant tout son bien-être (5)et sa conformité avec  l’espace social. Mais en ne pensant pas qu’à lui. En effet, et c'est le grand souci de la deuxième partie de l'article, 


  b- il travaille à acquérir les qualités sociales (l.25-26) : là encore en obéissant à la raison. Il y a une nécessaire application sociale de la raison. La raison préside aussi au rassemblement des hommes.


-l’homme étant destiné pour son agrément (bien-être 24) et son intérêt (besoins, nécessités 23) à la société, il est naturel que le philosophe fréquente les autres hommes et partant cherche à leur être  agréable. Cette idée se retrouve dans les textes de Diderot.


  La terminologie qu’emploie l’écrivain appelle la comparaison traditionnelle avec l’honnête homme * (voir fiche)d u XVIIème siècle. Comme son devancier, le philosophe doit plaire (l.29), convenir mais il doit aussi se rendre utile 31 à ses semblables ; ce n’est plus un oisif élégant, mais un homme d’action.


Le philosophe sera donc avant tout un animal social (affirmation qui peut sembler banale (la formule est d'Aristote) mais suppose un postulat qui règle vite, en passant un débat profond avec d'autres penseurs comme Rousseau): à supposer que les penchants naturels ne le portent pas à cette attitude, la nécessité et l’intérêt (l.23/4) mais plus encore la raison (l.25) l’engageront sur la pente de la solidarité humaine. Il reste tout de même que la dimension mondaine demeure quelque peu mais loin des cours (il y a bien sûr des exceptions (V. chez Frédéric II de Prusse, DD chez Catherine II de Russie)): les lieux (le salon encore avec des femmes de grand talent, le Café), les pratiques (certes l'article, la thèse etc mais aussi  la conversation) sont des points de rencontre importants. Dans tous les cas le philosophe n'aura pas la morgue des Grands 32.


 Les termes essentiels employés ici, les qualités sociables, impliquent un changement  considérable : le mot “société” désigne désormais la totalité du genre humain et non plus (au sens du XVIIème siècle), l’élite des gens du monde. Comment dans cette perspective demeurer à l’écart de ses semblables, à l’exemple du personnage cité , Chrémès. Cette citation de Térence est célèbre : Ménédème, le Bourreau de soi-même, s’impose une vie rude pour se punir d’avoir chassé son fils ; son voisin Chrémès prend  intérêt à son sort et fait cette  émouvante déclaration. Citez la traduction française et traduisez la par

 Rien d'humain ne m'est étranger donc éloigné,  indifférent. Tout ce qui advient à l'autre me concerne, me touche. Pas de différence entre le haut et le bas, le noble et le roturier, le proche et le lointain. Je me soucie de l'autre comme le personnage de Térence est touché par son voisin. [Le philosophe des Lumières retrouve des aspects de l'Humanisme*.] . Dans la fiction l'avis et le regard de l'autre seront pris en compte (Persan /Montesquieu ou Ingénu / Voltaire). On comprend mieux que l'anthropologie  & l'éthnologie commencent à se dessiner : les Lumières vont s'intéresser aux autres, lointains, méprisés, considérés à tort comme inférieurs (Vous aurai-je donné le texte de Levi - Strauss sur J-J?).


  [L’écart est certain avec d’autres écoles de pensées ou d'autres images de philosophes: on parlait, sans péjoration, de secte stoïcienne ou épicurienne. Pour les épicuriens, il s’agissait de se tenir un peu à l’écart de la société. Ce qui ne peut être le choix des Lumières qui ont aussi une prévention à l'égard du penseur reclus (Pascal, peut-être Spinoza) qui pense trop et de façon trop idéaliste parce que trop systématique.]

L'ouverture à la société est donc  exemplaire :  le philosophe n’est pas ce misanthrope qui fuit le monde : Dumarsais utilise beaucoup l’hyperbole repoussante (monstre*, abîmes, fond d’une forêt, homme de mépris féroce) et attaque sans doute ici implicitement Rousseau que ses anciens amis peignaient sous les traits d’un  fou sauvage, fuyant la société des siens (stéréotype provenant d’une incompréhension de la théorie de l’homme naturel chez J-J.).


 

  Si elle n'est pas soulignée, une idée se dégage encore :celle de l’émancipation des classes sociales. Le philosophe appartient à un corps social (et non plus à un ordre) ce qui fait de lui un véritable citoyen. Travaillant à la libération de l’homme social. Connaissance des mécanismes.Vous retrouvez DD.

On comprend dans ces conditions l'importance d'une morale sociale (honneur, probité, sens du devoir 41). 


c- Point significatif qu'il faut relever :  ce philosophe n’est pas ennemi d’un raisonnable profit ni du plaisir  : deux termes assez forts sont employés : jouir, plaisir, même s’ils le sont dans un contexte tout matériel ou social  : il s’agit de la jouissance de biens. En tout cas le mot bien-être est répété (5+24): ainsi il  récuse  la vision traditionnelle du philosophe ennemi des richesses et des plaisirs.La question du bonheur personnel et social est à l'ordre du jour.


    Cette insistance sur la dimension matérielle, pratique qui répugnait aux  auteurs du XVIIème siècle est désormais de bon goût. Sans aller jusqu'à rejoindre le MONDAIN  de Voltaire car il est tout de même question de sage économe des biens...


  [ [=>Nous sommes tout de même aux antipodes des philosophes grecs cyniques comme Diogène et du courant érémitique des pères de l’Eglise (ou de l'ascétisme d'un Pascal), et de la réprobation du luxe rousseauiste.]


3- Une vision plus polémique qu’il n’y semble :

  •rejet de la transcendance

- la raison a supplanté la foi : Dumarsais répudie la pensée et la morale chrétiennes :


    -l’analogie entre le chrétien et le philosophe marquée par le chiasmes (raison - grâce, grâce - raison 7/8),

           -la répétition de l’expression à l’égard de  puis du verbe déterminer, doit se lire en fait comme une opposition nette :  grâce et raison s’opposent :  la première ( a grâce) est extérieure à l’homme, aléatoire, incertaine, indéfinissable : la deuxième (raison) est propre à l’homme, toujours disponible, universelle : le véritable universel n’est plus Dieu mais la raison. Le principe d’action  n’est plus transcendant, mais immanent*.


   Du reste, l’association très étroite entre la raison et les qualités morales (probité, lumières de l’esprit) implique l’idée selon laquelle le respect de la morale, l’exercice de la vertu ne dépendent pas de la religion : on retrouve là le thème de l’athée vertueux qui figurait déjà chez Bayle et qui hante DD.

- De même,  ce n’est plus Dieu qui est adoré, mais  la nouvelle divinité est la société civile 40: toutefois  ce n’est pas une divinité au sens traditionnel : l’individu en est partie prenante  un membre  (42) et, d’une certaine façon, doit, sinon la créer, du moins l’amener par son comportement, sa vertu à une  forme de perfection.

[Enfin c’est une vision encore provocatrice de l’homme (héritage détourné de Descartes) qui est proposée par deux fois, une vision mécaniste de l'homme que contestait les dignitaires de l'Église, avec l’image de l’horloge et  les derniers mots du  texte (mécanique).]

CL:

Récapitulons : le philosophe étudie, mais s’étudie d’abord lui-même pour choisir les objets qui lui conviennent  et pour  se déterminer dans l’action. Quand il n’est pas l’objet de sa propre étude, il travaille à acquérir les qualités sociales :  l’objet qui intéresse au prime abord le philosophe est donc moral et social.  Et l’étude qu’il fait sur lui-même lui permet de devenir un citoyen  plus  probe.  Le philosophe n’est pas quelqu’un qui cherche des vérités rares, inaccessibles au commun des mortels,  qui écrit des livres sur le sens  de l’univers ; il n’est plus un philosophe  qui construit un système métaphysique, mais seulement, un observateur scrupuleux de soi, un animal social. Il est avant tout un homme d’observation et  d’expérience qui  cherche une mise en œuvre immédiate et pratique de  la philosophie. Modeste dans ses ambitions,  le philosophe est cependant sûr de lui dans leur réalisation :  il est présenté comme un modèle infaillible, celui par qui ou par l’exemple de qui le progrès moral et social ne peut manquer d’advenir. Il est le moyen de parvenir à réaliser l’utopie et non seulement de la penser.

  L’enthousiasme de Dumarsais pour l’homme du XVIIIème siècle, le philosophe, l’entraîne à  une admiration univoque. L’article s’achève plus loin sur ce souhait qui hante tot le 18ème  : “ Entez (greffez) un souverain  sur un philosophe d’une telle trempe, et vous aurez un parfait souverain.”Voltaire crut jouer un rôle auprès de Frédéric II de Prusse, Diderot auprès de Catherine II de Russie : les rois philosophes déçoivent toujours les philosophes qui se veulent conseiller des rois...

[Mais le portrait qu’il dresse du philosophe a ses limites :

-  c’est un individu trop soucieux de conformité  morale, qui se restreint dans le cercle de ce qui lui est convenable;

-  sa raison qui le commande, et qui l’incline à la prudence, à l’impartialité, à une forme de restriction aussi contraignante permanente.

- sa philanthropie trouve aussi ses limites dans la haute idée qu’il se fait de lui-même, qui l’oppose aux autres hommes après l’avoir incité à s’en rapprocher.]


 


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21 mars 2009 6 21 /03 /mars /2009 07:20
Voltaire, Traité sur la tolérance, antépénultième chapitre, le XXIII.
 

SITUATION:

        -biographique : vous avez vos éditions de L’INGÉNU. Dites deux mots de cette vie si riche et surtout rappelez quelques-une de ses grandes œuvres.



        - du texte :tout part de l'affaire Jean Calas, protestant à tort accusé puis exécuté atrocement  (supplice de la roue) pour le crime de son fils qui selon la justice voulait se faire catholique. V. prit trois mois pour étudier le dossier.Il obtiendra de haute lutte la réhabilitation posthume de la victime de l'intolérance.

En même temps il publie en 1763 son TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE dans le sillage de cette affaire qu'il évoque au début de son livre. Cette défense de la tolérance fera le tour de l'Europe. Nous sommes alors dans la grande campagne de Voltaire contre tous les fanatismes, nommée par lui ÉCRASONS L'INFÂME (ATTAQUE  SURTOUT DE LA THÉOLOGIE CHRÉTIENNE).

LECTURE

STRUCTURE DU TEXTE

Ligne 1 à 5 :  la prière à Dieu (en apparence)

Ligne 5 à 19 : contenu de la prière avec énumération des différents aspects de l’intolérance en matière de religion.

Ligne 20 à 25 :  dénonçiation des tyrannies religieuses, appel aux hommes au sein de la paix et pour une union bienfaisante.


ENJEU DE LA LECTURE :VOYONS COMMENT V S’Y PREND POUR DÉTOURNER LA FORME DE LA PRIÈRE [(une belle rhétorique axée sur la persuasion): si nous avons une condition humaine aussi pénible faisons en sorte de ne pas l’alourdir de notre fait.]

LECTURE ANALYTIQUE d'un texte qui a toute




1/ L’APPARENCE D’UNE PRIÈRE :

    • à Dieu :  il s’adresse à lui (1), il parle de demande 3, il l’implore (daigne 4), sollicite sa pitié (4), il lui parle à l’impératif.

    • une adresse (une demande) qui passe par le tutoiement( 1+3 etc jusqu’à la fn ( ta bonté..)),MAIS il admet l’audace de sa démarche, de sa supplique (S'IL EST PERMIS).

 Pourquoi? À cause de la disproportion entre Dieu et l’homme, si chétif: V travaille alors sur un réseau d’antithèses fondé sur l’opposition du Grand et du petit (l’homme, un atome 10, imperceptible dans l’univers) en multipliant les marques de la supériorité de Dieu:

    -il met en regard:


-l’éternel  divin (2+4) / la vie passagère de l’homme (7) et donc l’immuable et le changeant;

-le pouvoir de Dieu et la faiblesse des hommes, si fragiles (débiles corps);

-le savoir de Dieu 18 et l’ignorance des hommes.

Comment oser parler à Dieu, quand les langages humains sont si INSUFFISANTS 8, à Dieu  si grand devant l'homme qui n'est qu'un ciron dans l’univers (pour reprendre le vocabulaire de Pascal, admiré et haï de Voltaire)?

en tout cas V le tente avec une solennité pleine d’éloquence :

-les phrases sont d’une extraordinaire longueur (l'une va de 5 à 19),

-elles ne manquent jamais de souligner les vertus de dieu (don généreux de tout, capacité de pitié, bonté (la fin))à des endroits significatifs et la situation presque tragique de l’homme (sa dimension dérisoire).

- elles s’appuient sur des anaphores vigoureuses (à TOI =1+3+3, ce qui donne un rythme ternaire ample) et surtout celle de l’optatif QUE qui revient régulièrement comme s’il était le grain d’un chapelet.

 V nous donne bien l’impression de rédiger une pière à Dieu en reconnaissant sa supériorité, en appelant à sa générosité, à sa pitié, à sa protection... Mais si ses DÉCRETS SONT IMMUABLES, on se demande vite si Dieu est le vrai destinataire...

2/EN RÉALITÉ UNE PRIÈRE DESTINÉE AUX HOMMES :une exhortation.

    • malgré l’attaque de notre texte (lire 1) le destinataire n’est pas vraiment dieu comme le montrent :

-le léger glissement des pronoms: si tu et toi dominent le début et le tu revient à la fin du § et de l‘extrait, le NOUS  s’impose peu à peu ( citez-en quelques-uns) et devient important dans le deuxième § (citez). Soulignons la force des nous (p.personnel) et des nôtre (adjectif possessif) situés autour de la préposition ENTRE: comprenons bien= l’homme est pour quelque chose dans les malheurs du monde.

    - ce qui entraîne une légère rectification lourde de conséquences :il nous a tout donné; il ne nous a pas donné  un cœur pour nous haïr, des bras pour nous égorger: donc l’homme détourne le don de Dieu..

-l’uitlisation habile de l’écart (typographique) entre fais écrit à l’attaque de la période  et la conjonction de subordination (que) qui en dépend pour introduire la proposition: on en vient à oublier FAIS au profit de QUE LES HOMMES ou nous, ou ceux etc (citez un ou deux exemples).


   Il y a comme un procès indirect des hommes dont il pointe la cruauté (égorger) , la violence morale (haïr), le fanatisme (tyrannie, brigandage..)

    •que faire alors pour l’homme devant le tableau de cette désolation ? On comprend mieux le recours-détour à Dieu.


-en fait, il demande aux hommes d’adopter mentalement le point de vue de Sirius ou de Dieu : regardons le monde avec "l’œil" de Dieu, sa hauteur, sa distance. Faisons en sorte d’être non Dieu mais de contempler de loin le monde humain. De relativiser les nuances, les divergences.

        -nous verrons alors que l'humain est limité et, à cette distance, tout est égal : nous nous combattons pour de petites différences que nous grandissons de façon mortelle.Pensez à la conversion du jésuite Gordon par l'ingénu Hercule.

        -nous comprenons que l'homme peut connaître le bonheur même limité  (fin/ citer) et que l’instant pourrait durer si l’homme prenait conscience de sa responsabilité.

=>autrement dit cette prière est :

3/UNE PRIÈRE SI, ON VEUT, MAIS DÉISTE:qui opère sur trois plans

    1)une critique sévère des religions constituées et des comportements qu’elle induisent :citons tout de suite 20 tyrannie sur les âmes : les religions imposent de force leurs dogmes et leurs pratiques. Elles ignorent la liberté d’âme et de pensée.Relayée par les Pouvoirs poltiques et des justices aveugles, cela donne l'affaire Calas.

-il souligne les mécanisme de la haine (5+11) et de l’intolérance : les petites différences, ces nuances 10 grandies exagérément :

        *il s’en prend à la valorisation excessive des rites avec des parallélismes (que ceux qui...) et des antithèses qu’il ne faut pas opposer mais admettre (il emploie des verbes significatifs (supportent/ne détestent pas) dans leur variété tolérons aussi bien:

       -les croyants qui célèbrent Dieu en plein jour, à l’extérieur (les animistes par exemple) comme ceux qui prient à l’intérieur, dans un temple, une église, en plein midi;

       -les croyants qui ont une aube blanche ou noire et qui disent la même chose;

    -les croyants qui par exemple prient en latin ou dans la langue de leur pays ( pourquoi forcer les Indiens, les Chinois et même les Français à prier en latin?). Soyons tolérants pour les jargons [S'emploie à propos d'une lang., d'un discours, d'un style que l'interlocuteur ne comprend pas, qu'il juge obscur, hermétique, affecté: je pense que V l'emploie ici au sens d'idiome], puisqu'aucune langue ne saurait parler de façon transparente de et à Dieu...

    *dans le même sens, il ajoute une autre critique double et un souhait :1/il y a une hiérarchie dans l’Église catholique (cardinaux et ..) et on sait que V n’aime pas les médiateurs de la foi et 2/ces êtres se comportent de façon peu chrétienne: ils ne sont pas charitables (ils ont des biens (or et sols, terrains), ce qui est dit par une périphrase très ironique) et ils tombent sous le péché d’orgueil, un comble pour un supérieur catholique. Comme V ne déteste pas les hiérarchies il souhaite que l’envie, l’avidité ne soient pas le moteur des rancœurs et des violences. N'attisons pas les rancunes contre les hiérarchies. Et SURTOUT QUE LES SERVITEURS DE DIEU ne soient pas oublieux de cette vertu de charité qu'ils chantent en parfaits Tartuffe....

=>L’intolérance est bien suggérée dans son mécanisme violent:des différences exacerbées, des croyants qui sont des hypocrites.
 
    b)il ajoute une dimension sociale à cette critique religieuse  :il propose des mots qui ont une force nouvelle :


-il fait un parallèle audacieux entre religion et brigandage d’état (impots): façon discrète de souligner le lien église et État,visible dans l'INGÉNU ( à vous);


-il suggère frère, fraternité 20 comme moyen de réduire le manichéisme* inhérent à toutes les religions instituées. Le mot FRÈRE est d'emploi chrétien  depuis le 2ème siècle après J.C., à la lecture de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament et il suppose une sorte d' égalité; V le sait et il l'emploie à dessein pour maintenir l'ambiguïté de sa prière: frère doit êre entendu par ceux qui respectent la tradition chrétienne autrement dit il tente de piéger ceux qui emploient des mots qui ont perdu tout sens dans l'histoire de l'église intolérante. (Le mot peut avoir un sens  un peu franc-maçon*: V. fut initié en effet mais très tardivement).

   Avec la mutualité 6 il veut que la tolérance religieuse et, en fait, la seule adoration d’un dieu indéfini favorise la compréhension réciproque des hommes.

    c)mais l’essentiel de la page est dans l’idée de déisme, dans  la promotion de l’idée et de sagesse déistes.

De quel Dieu parle V?

- d'un Dieu universel :entendons unique, Dieu de tous les êtres, sans exclusives (les religieons sont inclusives et donc elles excommunient, anathèmisent):

-de tous les temps :  V ne comprendra jamais qu’on ne prête pas attention et admiration aux êtres (Socrate, Confucius) qui ne pouvaient connaître le Christ qu’il traite comme un homme et non comme le fils de Dieu (il admet son existence et  se rapprochera de lui  après 1766 quand il voit monter l’athéisme): il l'appellera le Socrate de Galilée). Dieu est hors du Temps  et aucune religion n'a le droit d'imposer sa chronologie aux autres.V est farouchement hostile à l'idée de Révélation.

-de tous les mondes  : éternels et insituables dans des fables ridicules (V passe son temps à dénoncer avec ses sarcasmes les mythes religieux, de toutes les croyances).

cl : une prière très retorse qui semble s’adresser à un Dieu mais est destinée à la promotion d’un dieu unique  sans incarnation, sans image ou les ayant toutes, sans  représentants, interprêtes ni commentateurs (prêtres, rabbins, pasteurs, imams).V. PARLA À L'ÉPOQUE DE RELIGION PURE.Un dieu à qui il ne pose pas ici (obsession de sa vie et son œuvre)  la question du Mal pour ne s’intéresser qu’au mal d’origine humaine et religieuse.[ Ne parlez pas de cette question du Mal si vous ne voulez pas qu'on vous ennuie avec] V. restant toujours attaché à la notion certes limitée (on le voit fataliste sur la guerre 22) mais capitale  de plaisir (lire les deux dernières lignes).Il y a si peu de joie sur terre, il vaut mieux éliminer les raisons strictement humaines de nos malheurs.

=>Un dieu, un seul, indéfini pour que les hommes prennent leur destin en main et atténuent les difficultés que V souligne beaucoup pour persuader ses lecteurs. Que les instants rares de bonheur soient étendus dans la mesure de notre possible.

Quand le peuple ovationna le convoi funèbre de Voltaire, c'était le Voltaire de l'affaire Calas qu'on applaudissait.

___________________________________________________________________________________

À SAVOIR SEULEMENT


___________________AUTRE MOT EMPLOYÉ TARDVEMENT PAR V : THÉISME.

Ce mot apparu sous sa plume en 1751, après 1860 aura tendance à remplacer celui de déisme pour mieux lutter contre la montée de l'athéisme militant.Le théiste croit en dieu évidemment, en une Providence générale qui domine mystérieusement l'univers, qui punit et récompense une pratique vertueuse et pacifique.
Il écrivit un article "théiste" dans son dictionnaire philosophique ( ajouté en 1765).

Savoir aussi que V ne comprit jamais l'athéisme et le matérialisme, par souci de certitude: vous connaissez sa célèbre formule écrite dans une lettre : "SI DIEU N'EXISTAIT PAS, IL FAUDRAIT L'INVENTER ; MAIS TOUTE LA NATURE NOUS CRIE QU'IL EXISTE"

___________________________________________________________
questions reformulées :

 QUEL EST LE DIEU DE V. D'APRÈS CE TEXTE ?


S'AGIT-IL D'UNE PRIÈRE?


QUELS MAUX V. DÉNONCE-T-IL?



  CF L'ANNEXE : QUELLES SONT LES AUTRES GRANDES PENSÉES RELIGIEUSES AU XVIIIÈME ?


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14 mars 2009 6 14 /03 /mars /2009 05:21
 
ATTENTION HORATIUS EST PLUTÔT HORSTIUS!


 Introduction: à résumer.

PRÉSENTATION

Ce texte n’appartient pas à proprement parler au  XVIIIème siècle ; il a été publié en 1786 ; mais il a joué un rôle si considérable dans la genèse de l’esprit  philosophique qu’on l’associe traditionnellement au XVIIIème siècle.

    En 1686, Fontenelle, neveu de Corneille,  a trente ans : après avoir fait ses débuts dans le monde  comme  bel esprit, Fontenelle, attiré par les sciences, vulgarise sous une forme aimable les plus récentes découvertes. En effet, dans le dernier tiers du XVIIème siècle, la science se propage chez les gens du monde, par la création de journaux, d’«académies», de «conférences». De 1697, date à laquelle il est nommé Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, jusqu’à sa mort en 1757, il  se consacre uniquement à des travaux de savants, en zélateur du  progrès et de la science nouvelle contre les traditionalistes rétrogrades : dans la querelle des Anciens et des Modernes qui éclate en 1687,  il prend résolument le parti des Modernes. Il est nourri de Descartes et a lu un autre précurseur des Lumières, Bayle et ses Pensées sur la comète (1682).
     Après son premier ouvrage de vulgarisation scientifique, Entretiens sur la pluralité des mondes, qui connaît un grand succès (33 éditions du vivant de Fontenelle) et qui établit sa notoriété, Fontenelle écrit aussitôt un petit ouvrage de polémique : l’Histoire des Oracles  où, adaptant librement  deux dissertations latines d’un érudit hollandais, Van Dale, il entreprend de réfuter une croyance qui remontait aux premiers temps du christianisme et d’après laquelle les oracles païens auraient été prononcés sous l’influence des démons et auraient cessé à la venue de J.-C. En outre il démontre que les oracles étaient manipulés par les prêtres et les pouvoirs politiques pour maintenir leur pouvoir.

 C’est un passage très célèbre de cet ouvrage que nous allons lire  : il dégage ce que doit être la démarche du scientifique à travers un exemple de "miracle".

LECTURE  de cet extrait du chapitre V de l'HISTOIRE DES ORACLES.

MOUVEMENT DU TEXTE .

  
  -1er §:énoncé d'un principe méthodologique.

    -une phrase de transition & d'introduction

    -à une anecdote QUI ILLUSTRE CE QU'EST UNE ATTITUDE  irrationnelle (§2);

     -enfin une conclusion plus générale (L 28/33)


ENJEU DE LECTURE.  COMMENT CETTE DÉFENSE DE L'ESPRIT SCIENTIFIQUE S'APPUIE-T-ELLE SUR UNE ANECDOTE PERSUASIVE ? comment F. utilise vœu méthodologique et exemple persuasif afin de réfuter la superstition qui va se glisser dans de prétendus travaux scientifiques.

LECTURE ANALYTIQUe: annonce de votre plan.




  I- Le texte d’un esprit scientifique qui cherche à définir quelques principes méthodologiques: la thèse développée est lancée de façon claire, péremptoire, dès la deuxième phrase :ASSURONS NOUS BIEN DU FAIT, AVANT DE NOUS INQUIÉTER DE LA CAUSE. L'esprit scientifique veut que l’on vérifie le fait avant de l’expliquer. Cette sécurité expérimentale se déduit de la première règle de Descartes : il faut «éviter

-la précipitation (illustrée ici par un vocabulaire concret (L5: courent ... à la cause+ passent par-dessus la vérité du fait) et



-la présomption” 33 (TENDANCE À VOULOIR TOUT EXPLIQUER ).

Ce texte est écrit en réaction contre les tendances superficielles et moutonnières de l’esprit humain.

1- Il annonce et réclame une démarche scientifique:


-son vocabulaire est adéquat :il emploie beaucoup le mot raison ( citez: à vous), nous lisons aussi  fait / cause, vérité du fait, principe (32) etc;

-il avance le premier mouvement d’une méthode (4): il convient de clarifier.

      * le texte commence par  assurons nous bien :autrement dit procédons avec prudence;
   => assurer, ce n’est pas être sûr, mais vérifier, et le mot est renforcé par bien;

       * la méthode : dans le temps de l’examen scientifique, il décrit les toutes premières étapes à suivre : vérifier le fait, l’isoler, le construire, s’assurer qu’il ne repose pas sur une erreur, sur une supercherie etc.: l’analyser seulement ensuite. L'orfèvre de l'anecdote l'aura, lui, examinée 20


cl sur ce point =>Retenons notre jugement, si ce n’est pour accéder à la vérité, au moins pour qu’on ne nous juge pas ridicule. Vraie sanction. Dans le récit qui viendra c'est la chute du texte et le rire du lecteur qui sanctionneront le comique 20/26.


2- même s’il paraît plus sceptique ou humble que "positiviste” (anachronisme: croire que science et logique peuvent tout expliquer), son scepticisme en tout cas veut prévenir les erreurs sans garantir de trouver toutes les vérités.

On le constate  à la progression qui s’établit entre l’introduction et la conclusion de l’anecdote :

-prenons le mot naturel § 1 et 4:il est employé non pour prouver l’intelligence naturelle, la propension naturelle de l’homme vers l’esprit, mais  pour  montrer la défaillance de la nature humaine (sa hâte, ici). La répétition du mot marque aussi une gradation accablante :  la plupart des gens courent naturellement à la cause devient rien n’est plus naturel d’en faire autant sur toutes sortes de matières. Extension du domaine des erreurs....


--> la plupart des gens devient une généralisation implicite avec l’infinitif (d'en faire);

--> Rien n’est plus naturel : expression à valeur superlative, avec le mot rien à valeur intensive placé en début de phrase.

  Cette généralisation plutôt pessimiste (dans laquelle il s’inclut) sera encore accentuée par la dernière phrase, où le nous englobe tous les hommes. Cette vision  sombre  ou humble de la nature humaine qui ici l’écarte de Descartes (les principes nous échappent) se lit dans une gradation paradoxale : relire l.31, 32 : la structure alternée et aggravante (non seulement ... mais encore) met l’accent à la fois sur les difficultés d’accéder au vrai et sur la manière dont l’homme est constamment vulnérable sur le plan du  raisonnement. La proposition affirmative est plus accablante que la proposition négative. L’association des deux est critique. Notez bien que Fontenelle ne s’exclut  pas de cette aptitude à l’erreur : il emploie la première personne du pluriel (nous) et le on qui a une portée universelle. L’expression toutes sortes de matières laisse entendre que les hommes peuvent se tromper dans des domaines autrement plus graves que celui de la dent d’or, qui soulève une tempête entre professeurs mais ne nuit à personne, comme celui de la justice (pensons plus tard aux interventions de Voltaire dans l'affaire Calas par exemple), du pouvoir....La critique religieuse n’est pas loin non plus. L'anecdote le prouvera à sa façon.On comprend mieux que lors de la réimpression du livre en 1707 les jésuites réclamèrent  (en vain) l'emprisonnement de l'auteur.

    Résumons : ne soyons pas trop ambitieux (manquent les principes)  et au moins ne soyons pas ridicules et évitons de fonder des théories qui reposent sur des erreurs intiales dues aux a priori et faciles à vérifier.


 

3- Mais ce scepticisme (nous n'avons pas les principes qui mènent au vrai) s’exprime avec beaucoup d’honnêteté, conformément au projet énoncé dans la préface des Entretiens sur la pluralité des mondes  : «J’ai voulu traiter la philosophie d’une manière qui ne fût point philosophique; j’ai tâché de l’amener à un point, où elle ne fût trop sèche pour les gens du monde ni trop badine pou les savants.»

- il s’appuie sur une anecdote, dans le paragraphe central . L’originalité n’est pas ici dans la matière, tirée des indigestes, pesantes dissertations latines de Van Dale, mais dans la manière : au  lieu d’un exposé dogmatique, il offre une plaisante et satirique comédie de cuistres. A une démonstration abstraite, Fontenelle substitue la preuve par l’exemple : le récit n’est que le strict rapport des faits....

- Fontenelle s’exprime comme  s’il conversait dans un salon  (il emploie le verbe parler) et non comme s’il dissertait : relire les lignes 8 et 9  et commentez le paradoxe de l’expression “ce malheur arriva si plaisamment “(il y a antithèse dans les termes, le second atténuant beaucoup le premier). L'utilisation du "nous" fait de lui comme les autres hommes les victimes potentielles de cette situation. A cela près que lui en a conscience, ce qui lui permet d'analyser le phénomène, de le faire connaître et de donner quelques conseils.

Faire part de ces analyses et aider les autres à mieux raisonner fait partie de la tâche que se donne le philosophe.

         Notre vulgarisateur en vient à l'histoire  comme si elle s’imposait d’elle-même  : à la lourde démonstration savante, Fontenelle préfère le charme de l’anecdote mondaine. Il la raconte presque malgré lui..


II- L’ANECDOTE qui va servir de détour pédagogique, en mêlageant l’historique (le pseudo-historique) et la narration :


1- Historique et fictif à la fois. Cet exemple sert à F. de plaisante preuve, support majeur (avec l’ironie) dans sa technique de persuasion.

a- historique : le cadre et les acteurs. F. relate l’histoire des histoires proposées par les savants locaux en voulant nous faire croire à l’authenticité du fait:

            -dates précis: sur la fin du siècle passé, en 1593, en 1595, référence historique aussi aux guerres entre Turcs et Habsbourg (entre 1593 et 1601);

            -lieux réels : Allemagne, Silésie (allemande, alors rattachée au royaume de Bohême), Helmstad, dans le duché de Brunswick (vieille université réputée même si elle n’a pas la notoriété de Bologne ou Paris).

 Dates et lieu (Helmsted) sont choisis de façon à permettre  à la fois distance & proximité :

  
         - distance :l’action se déroule loin dans le temps (un siècle avant le moment de l’écriture),  et dans un autre pays,assez peu connu des Français. Personne ne devrait se sentir directement visé par la moquerie des savants
    - proximité : le lecteur  ne peut-il retrouver autour de lui des savants aussi peu sûrs? Dans ce cas chacun pourra se sentir impliqué.


- en même temps le rédacteur donne vite toutes les précisions (âge, explications) : un enfant de sept ans (l'innocence même ...) qui perd ses dents, comme il est normal à cet âge. Il lui vient une dent d’or à la place d’une de ses grosses dents : on part d’un phénomène naturel pour passer à un phénomène étrange qu’on va vite transformer en surnaturel

-les autres acteurs sont seulement évoqués par ce qu'ils sont en principe : de savants personnages ( nom, statut social).




-le récit commence par des passés simples puis choisit (quand ? L ) le présent de narration qui semble encore accréditer l’événement en lui donnant un surcroît de réalité. Pour montrer aussi (ironiquement) que l’essentiel et le plus vivant est dans la querelle des savants.



   
 Voyons ce qui semble très vite


b- fictif, inventé pour les besoins de la démonstration:

    -les terminaisons latines du nom des savants sont identiques  et indiquent que le récit est bien une invention: quatre savants dont le nom finit en -US,  comme si à force d’étudier, leur nom s’était latinisé, c’est trop pour qu’on y croie. D’ailleurs  ils font quelque peu comique. Le latin, langue des sciences et de la philosophie durant le Moyen Age, le XVIème, le XVIIème siècle est alors d’un emploi toujours vivant dans les Provinces-Unies, l’Allemagne, les pays d’Europe centrale ; en France, même, Descartes a écrit en latin, les Méditations métaphysiques (1641), et les Principes (1644). Le Discours de la méthode, écrit en français, sera  traduit ensuite en latin. Mais la latinisation du nom, en voie de disparition en France, a été ridiculisée par Molière dans le Malade imaginaire, dans les Femmes savantes. L’emploi du  nom latinisé, aux consonances grotesques tend à créer, aux yeux des mondains, l’impression qu’ils s’agit de cuistres prétentieux et infatués. Fontenelle confirme cette impression en accompagnant de titres ronflants les noms de ces prétendus savants, dont le jugement et la conduite  se révèlent ridicules : «Horstius, professeur en médecine dans l’université de Helmstad... Ingolsteterus, autre savant....Un autre grand homme....


    -l’histoire est encore plus risible : cinq  livres ont été écrits par quatre savants pour une  seule dent! Ce qui est fabuleux, merveilleux, ce n’est pas que l’enfant ait perdu sa dent pour en retrouver une en or, c’est que tant de scientifiques s’y soient consacrés ainsi en vain ; ce n’est pas l’origine du phénomène mais ses suites !

On a compris que F se livre à une

2- Une satire des soi-disant savants.


    A travers cette anecdote, Fontenelle dénonce deux formes de crédulité :

a- la naïveté populaire. Tout part, en effet,  d’un bruit, du bouche à oreille. ”Le bruit courut”. Après tout, bien compréhensible.

b- La sottise des savants, leur attitude a-scientifique:

Les scientifiques admettent un fait au lieu de le vérifier. Pire, ils confirment un fait qu’ils n’ont même pas vu mais dont ils ont entendu parler. Ils se fondent sur une rumeur.

Plus, ils accréditent une croyance populaire ; ils se mettent au niveau du peuple, des badauds dont ils ne se distinguent que par leurs gesticulations, leurs simagrées (attitudes, paroles affectées pour se faire valoir) livresques. Ils en partagent la naïveté crédule. Pire, le peuple agit sous le coup de l’émotion ; eux poursuivent l’erreur dans le calme de la réflexion. Dans le premier paragraphe, Fontenelle employait la métaphore de la course (courent, par-dessus) pour ironiser sur les gens qui se précipitent vers la cause d’un phénomène. Ici, nos savants, une fois admis le fait avec rapidité, ne se précipitent même plus : c’est  en toute quiétude, avec une fabuleuse lenteur qu’ils se trompent. Ils sont encore plus impardonnables : on aura noté qu'il a fallu DEUX ans au premier savant pour fournir son EXPLICATION....


L’explication donnée par Horstius n’a rien de scientifique : elle  est confuse puisqu’elle mêle naturel et surnaturel, par un subtil distinguo justifié on en sait comment( quelle part de naturel et quelle part de surnaturel?) et qu’elle débouche sur une lecture religieuse absurde pour plusieurs raisons  : le vrai Dieu serait celui des Chrétiens qui prendrait fait et cause pour eux,  qui choisirait de s’exprimer à travers une dent, et qui aurait fait pousser cette dent dans un but consolateur, comme si un phénomène privé (une dent dans une bouche) pouvait avoir un impact politique!! L’explication par l’intervention surnaturelle est trop facile, (et il a fallu deux ans de réflexion...), et  permet de tout affirmer sans vérifier les faits ni établir de lois. Il n’est pas de progrès scientifique possible avec de telles méthodes. Entendons : la religion et la superstition sont des entraves au savoir, fût-il limité.


Fontenelle critique donc  les  professeurs d’université :


    -qui sont interchangeables, ne serait-ce que par les sonorités de leurs noms;

    -qui  sont coupés de la réalité;


    -qui, d’un micro-phénomène jamais observé et contrôlé, dressent une véritable affaire qui s’étend sur plusieurs années.


         -qui s’affrontent de façon stérile, à distance, par livres interposés : ils perdent un  temps considérable en lectures et compilation tandis qu’une simple vérification eût été rapide.


Leur  but n’est pas tant de trouver la vérité que de contester ce que les autres ont écrit (citez ):  c’est l'orgueil qui les anime dans un univers clos sur lui-même, celui du milieu universitaire, où l’on reste entre soi pour mieux se donner des coups. [Si on vous fait remarquer le mot sentiment dites que son emploi répété est ironique (sentiment, assez peu scientifique, même si à l'époque classique le sentiment est plus proche de la connaissance qu'à partir de Rousseau et des Romantiques])]


   Sottise, outrecuidance, vanité, hauteur pontifiante, stérilité, naïveté, tels sont les innombrables défauts des universitaires, savants en chambre qui s'attachent surtout à écrire plutôt qu'à réfléchir.


    AJOUTONS UN POINT DÉCISIF:en tant que Moderne (sachez la querelle des Anciens et des Modernes), F. ne veut pas du principe automatique d'autorité qui ferme la bouche à qui veut contester. La science s'appuie sur l'autorité des faits et non sur de lointaines réflexion d'Aristote par exemple. Ce qui expliquera la fascination de F. pour Newton qui va balayer des siècles d'errrance.

F. ne conteste pas une autorité fondée mais l'autorité des pédants. Ou,plus grave, suggère insidieusement F. l'autorité religieuse...



3- Marqué par l’ironie subtile qui annonce Voltaire:

- avec une exclamative amusante, F interpelle 16/17 le lecteur pour souligner l’absurdité de l’interprétation du premier savant;



-le rédacteur multiplie les antiphrases : belle et docte réplique, un autre grand homme (qui contraste avec le verbe ramasse qui désigne une activité peu noble mais encore ramasser veut dire faire concis , ce qui ne semble pas vraiment le cas), tant de beaux ouvrages.
 
-ironie enfin de la chute en deux temps(l.23/24 et 24/25) : il ne manquait donne le sentiment qu’il manquait peu de choses, un détail. Or la deuxième partie (l’’apodose de la phrase) contredit la première(la protase): il ne manquait que l’essentiel, qu’il fût vrai que la dent était en or), qui contraste par sa brièveté et sa sobriété avec tout le reste de l’histoire, qui rappelle le but de la démonstration, qui repose sur une antithèse discrète (le bruit courut, l’eut examinée), qui montre que l’homme de l’art, l’artisan, sera toujours préférable à des savants en chambre qui construisent des théories sans souci de la réalité.


CL: 
 Voilà un esprit scientifique qui se moque plaisamment des faux savants (un médecin qui ne donne pas envie d'être soigné par lui...), une agréable anecdote démonstrative qui fait contraste avec l’exigence de méthode marquée au début et à la fin du texte. Fontenelle assure bien la transition entre deux siècles: en homme du XVIIème, il est sans illusion sur la nature humaine et sa faillibilité et en appelle à une méthode sans croire tout démontrable. Par sa dénonciation des superstitions, de la croyance au miracle comme superstition, il appartient aux deux siècles; s’il est bien de ces libres-esprits du XVIIème qui  jouent volontiers avec le feu mais ne sont pas encore des adversaires militants de toute religion (il sera vite déiste après avoir fréquenté des libertins audacieux), en revanche, sa réflexion se dore d’un humour délicat, d’un plaisir de l’ironie, que l’on retrouvera chez Voltaire. Le texte dénonce la prétention bornée des savants (que Voltaire a beaucoup tournée en dérision). Le libertin du XVIIème devient avec Fontenelle un philosophe rigoureux et mondain à la fois,  méthodique et souriant : c’est déjà le philosophe des  Lumières. L'autorité comme principe a priori qui mène à l'obscurantisme, la théologie qui pretend tout régler en censurant vont beaucoup souffrir des flèches des philosophes...

_________________

QUESTIONS POSSIBLES:


MONTREZ LA DIMENSION SATIRIQUE DU TEXTE

QUEL EST LE VÉRITABLE ADVERSAIRE DE FONTENELLE DANS CE TEXTE?


EN QUOI CE TEXTE EST-IL CELUI  D'UN VULGARISATEUR?

 




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