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13 novembre 2008 4 13 /11 /novembre /2008 10:11
INTRODUCTION

          -générale :
-dire quelques mots de DD : à vous.
-DD conçoit ce roman dans les années 1760, le rédige dans les années 70, le publie en revue par extraits pour un nombre limité de lecteurs. Sa publication presque complète sera posthume et c’est seulement au XXème siècle qu’on pourra lire l’édition scientifique d’une œuvre  majeure.

         -particulière : nous devons commenter un INCIPIT qui traditionnellement a pour fonction de donner beaucoup d’informations et des indices qui poussent le lecteur à poursuivre sa lecture.

LECTURE DU TEXTE.

ENJEU : La question du commencement d’une oeuvre, le choix d’une ouverture de roman sont toujours décisifs. COMMENT DD S’Y PREND-T-IL? DD commence par problématiser le commencement.

ANNONCE DE VOTRE PLAN DE LECTURE ANALYTIQUE.

 1/UNE OUVERTURE COMPLEXE et déstabilisante :


 Nous l’avons dit : la fonction "traditionnelle" d’un INCIPIT est d’apporter très vite un maximum d’informations et quelques indices qui donnent envie de lire la suite à partir d’un certain horizon d’attente que les auteurs évitent habituellement de brouiller.

        •a• cette ouverture remet en cause nos habitudes de lecture :


-on ne peut dire qui énonce la première question.( à vous : expliquez). Première phrase, première incertitude, première alternative...Un roman qui commence par une question : le fait est rare - du moins à cette époque (on en trouve un exemple chez Malraux mais dans d’autres conditions). Le roman “commence” donc avec une ambiguïté.

-le N ne nous donne pas d’emblée les informations conventionnelles (qui, où, quand, comment, qui raconte  etc) et que nous prenons à tort comme  allant d’elles-mêmes.


  [Sachez dire  VITE  si NÉCESSAIRE que:


-dans  MANON LESCAUT (1731) de l’abbé Prévost le texte part d’une rencontre entre le narrateur et Des Grieux qui accompagne Manon avant son embarquement punitif vers l’Amérique. Les lieux et les circonstances sont parfaitement définis. LA RENCONTRE EST THÉMATISÉE et originelle. Ils se revoient par hasard deux ans après et le jeune homme raconte son histoire que transcrit fidèlement le Narrateur.
    Dites aussi que le traitement est le même après DD :le roman s’efforce de répondre le plus vite possible aux demandes d’informations du lecteur=> cf L’ÉDUCATION SENTIMENTALE  de Flaubert ou les ouvertures de Zola (et sa technique efficace: la marche/la fenêtre).]

  Ainsi, en quelques mots, le code rhétorique des ouvertures est dénoncé, on nous montre les coutures, l’envers de la trame...On en souligne l’artifice.LE CONTRAT DE LECTURE EST MALMENÉ. Le lecteur déboussolé se demande si  tous les codes du roman y passeront...


 [ Nous ne savons même pas au début à quel genre de narration  nous avons affaire :

-un échange entre deux personnages? ou bien

-un récit assumé par un narrateur interrompu : récit à la première personne? ou bien

-un récit à la 3ème personne : difficile de décider tout de suite. En tout cas 


          -s’il s’agit d’un récit à la troisième personne , le narrateur qui dans d’autres romans de ce type se veut souvent transparent, (c'est le cas dans le roman de l'abbé Prévost) disons le moins visible possible par volonté de (faux) “réalisme” est ici envahissant et s’impose pour longtemps en installant un dialogue avec un lecteur fictif disons (inscrit), son lecteur écrit-il, qui s’interpose entre le texte et nous - lecteurs réels. Il est bien présent au départ et à la fin de l’incipit qui occupe une fin de journée. Une certaine illusion romanesque est déjà mise en pièces.

        -si par hasard nous sommes dans un roman à la première personne rapportant un récit on doit admettre que le narrateur est bien récalcitrant...et peu coopératif. Nous sommes loin du narrateur de Prévost...]

    •b• ouverture complexe à cause de la variété des voix : nous avons

 a- un narrateur qui parle très tôt et, semble-t-il, beaucoup et son narrataire, le lecteur inscrit dans le texte :
 b- J & son M ;
 c- on devine que le N est un personnage du roman "dominé" par le romancier et nous nous sentons, lecteurs réels très engagés par notre lecture.

-avec la voix du N, on a une prise de position à rebours de la tradition (autant dire de la facilité) :

    -ce N plaide visiblement pour un certain type de texte : il ne veut pas de conte (citez fin du texte p 12), il veut dire la vérité : ceci n’est pas un roman, va-t-il marteler. Nous allions vers un roman, on déçoit notre attente conformiste et on déconstruit les facilités du romanesque : le N montre avec joie et ironie ce qu’il ferait s’il multipliait les hypothèses (ce qu’on appelle contre-fiction : lire p 12).

    -le lecteur s’interroge : respectera-t-il son pacte de vérité ? Est-ce possible ? N’est-ce pas un artifice de plus ?

    -nous verrons bientôt quel “réel” retient le N dans les romans célèbres ou les grandes œuvres: le vrai  doit être plaisant, piquant....54/55. Autrement dit il y faut le talent de l'écrivain... Une complication de plus. Dans un roman qui proteste contre les romans d’une façon qui pourrait être aussi parodique...Car nombreux déjà sont les romans qui prétendent à l’authenticité...(c'est le stéréotype souvent exploité : on a découvert dans une malle un texte longtemps caché, c'est dire sa vérité; l'astuce ets encore utilisée dans LES LAISONS DANGEREUSES de LACLOS...)

    •c• en même temps, à son rythme, il nous livre peu à peu des informations et des indices essentiels - comme dans un roman.... :

-tout d’abord il commence par un saut in medias res, procédé très classique de narrateur....Il commence avec quelque chose qui aurait commencé...même si on ne sait où et quand....Un voyage est entrepris.

-nous sommes en fin de journée, par temps lourd, au milieu des champs :  contexte modeste mais tout de même bien précisé.

-nous sommes avec un M(aître) et un valet qui sont en route, un valet qui mène la conversation, qui énonce une théorie, parle de son passé (père, bataille, capitaine), laisse deviner son caractère (élément majeur chez DD) ; un M qui semble plutôt passif et qui, jouant les chrétiens, se met soudain à rouer de coups le pauvre J. Un duo qui se précise vite finalement. Un duo qui a encore des secrets. Un rapport de force à examiner mais le titre nous a déjà orienté.

 =>Dans cette pratique narrative le rôle du lecteur est plus actif. En outre il reconnaît aussi l’amorce possible d’une oeuvre se mettant dans le sillage d’un roman d’exception (Don Quichotte évidemment cité p89) et dans la filiation d’un genre romanesque, le roman picaresque...(faites des recherches).

Enfin le roman avait commencé mais on refusait de nous dire où et comment : voilà que par hasard (!) le roman commence par le commencement des amours de J, amours tues pendant dix ans et qui ne finiront pas exactement.J évidemment insiste : il était impossible qu'il en parlât avant....

  Nous avons entre les mains un texte qui déjoue les attentes mais en crée d’autres : le lecteur “extérieur au roman” doit prendre garde : il lui faut apprendre à lire. Pas mécaniquement comme un lecteur automate ou un Maître automate...

Passé notre surprise, cet incipit est bien

2) UNE OUVERTURE ÉTOURDISSANTE QUI PROMET BEAUCOUP :

    Globalement nous tenons un incipit qui promet tout à la fois du plaisant, du ludique, de la contestation, du sérieux philosophique et esthétique (tout est écrit là-haut)....Le tout mêlé de façon à nous faire penser avec plaisir.... Voyons des promesses évidentes:

        •a• cette ouverture  promet beaucoup de voix, de dialogues, d’échanges  : un N dit que J dit que son capitaine disait : on peut prévoir ( !)

    - que le N privilégie le dialogue par rapport à la description et la narration (ce qui ne veut pas dire..que les descriptions seront insignifiantes: dites qu'il faut beaucoup de journées avant que le N ne s'avise de nous parler de l'immense chapeau de J) : ce sera en effet le cas.

    -qu’il privilégie aussi les récits et les récits à l’intérieur d’autres récits (récit à tiroirs + récits enchâssés etc : J va raconter ses amours en ouvrant une séquence après l’autre (à tiroirs) mais au sein de son récit il va raconter d'autres aventures ou nous entendrons d’autres récits (Pom, Hudson etc) ;

   
    -que tout sera dialogue interrompu par d’autres dialogues (un valet qui domine et qui cite et commence ses amours ; un N (personnage) envahissant, parfois agressif, un LI (donc en quelque sorte lecteur-personnage) supposé intervenir dans le texte etc....

    -qu’il y aura des ruptures mais aussi des chaînes, des liens aussi (on se demande le lien entre capitaine et cabaretier : il y en avait un..que fait le Maître) ;

        =>nous allons en principe suivre le chemin du N qui suit le chemin de J qui suit le chemin de ses amours. Une interruption initiale indique que le chemin du texte et les chemins des récits risquent de s’interrompre souvent.


    •b• une ouverture qui promet une composition qui sollicite l’attention : allons - nous vers une rhapsodie (au sens péjoratif, vieilli. Ouvrage en vers ou en prose fait de morceaux divers, mal liés entre eux) comme le N semble l’admettre 303, donc vers un texte fait d’éléments cousus un peu maladroitement par un N qui suit le hasard ou vers un texte fait en tresse(s) nécessaire(s) avec des motifs variés mais rigoureusement composés ? L’étude du roman prouve que tout est finement orchestré.

    En tout cas nous tenons déjà des fils précis :

- celui de la philosophie (quel fatalisme ? quelle nécessité ? Qui a "écrit" le réel ? Quelle place à Dieu (ce Dieu qui apparaît dans l'expression(ironique) de J: Dieu sait...; est-ce Dieuqui tient la plume du grand parchemin?), à diable [à la matière si on sait que Dd est matérialiste], diable qui apparaît dans la colère de J p 10 ? Quelle sagesse devant les coups endurés ? Qu'est-ce que la hasard?

-le fil des amours (du désir),

- des rapports sociaux (M /V : qui commande  vraiment à qui ?),

-celui de l’esthétique (du roman et du romanesque comme on a vu ; par exemple :qu’est-ce que le réel ? Comment le transmettre ? Qu’est-ce qu’un roman qui refuse les codes du roman ? Qu’est-ce qu’un lecteur ?). Il nous faudra voir s’il y a ou non unité dans ce texte aux motifs si variés.


        •c) on peut sans se tromper s’attendre à un art du mélange dans les registres, les genres : on nous propose un cheminement qui nous fait penser au picaresque* et soudain nous découvrons des dialogues qui renvoient au théâtre. D’emblée l’espèce de conviction “philosophique” de J sonne un peu comiquement (la répétition du refrain du capitaine y contribuera) et on vérifiera combien est grande la place de ce registre. On appréciera peu à peu l'humour du récit fait par J( l'épisode du cabaret : eyu temps présent , il est d'une vitesse incroyable grâce à la parataxe : mais à partir de maintenant quelle lenteur dans le récit des amours..).Mélange aussi de fiction et de réflexion sur la fiction.

-mieux :avec le fusil qui  a un billet, l’incipit de JLF part d’un texte (”le plus gai du monde”) de Sterne (TS cf la page 444/5) : notre texte dialogue donc (avec emprunt) avec toute la littérature comme il dialogue à sa façon avec Spinoza. Nous rencontrerons sans surprise Rabelais, Montaigne, la Fontaine.  Ce qui n’exclut pas évidemment la question de la parodie....comme dialogue d’hommage ou pas.


cl: une ouverture surprenante & réjouissante qui donne  le désir de lire  (hum...) ; il sera question de désir (amoureux) et de désir de raconter et entendre : avec une telle ouverture, nos désirs seront-ils comblés ou déjoués ou floués ? On doit s’attendre à bien des surprises : la plus éclatante viendra peu à peu et à la fin : celle du rapport du N au réel qu’il prétend suivre pas à pas : on va découvrir l’existence d’un manuscrit et même de mémoires - procédé hautement romanesque.... !!!!Au commencement il y a avait un manuscrit... sur lequel nous aurons encore plus de doutes...




nb : un tel incipit ne restera pas sans écho .Pensons au drôlissime incipit du roman d'Italo Calvino

SI PAR UNE NUIT D'HIVER, UN VOYAGEUR


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