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21 septembre 2008 7 21 /09 /septembre /2008 11:14
SITUATION:


•Nous sommes en forêt: après son naufrage ( Dj voulait enlever une jeune femme) après la tentative avancée de séduction de deux paysannes, le burladordoit fuir une troupe de 12 hommes qui le poursuivent. Il avait proposé à Sg de prendre son habit pour si nécessaire, mourir à sa place.Le valet préféra un habit de médecin mis en gage...


•c'est la deuxième partie du dialogue de III,1 : alors que DJ vient de dire franchement et catégoriquement ce qu'il pense de la médecine,( qui ne doit ses succès qu'au hasard et aux forces de la nature),il accepte une dispute où il ne s'engage presque pas  se contentant d'une seule phrase et de railleries.



• LECTURE

• COMPOSITION DU PASSAGE : deux temps dans cette DISPUTE au sens théologique et oratoire que Dj accepte à condition qu'il n'y ait pas de critique, de remontrance en conclusion.

    -interrogatoire de Dj par le valet.

    -réplique longue  de Sg qui tente d'ironiser sur la belle croyance du burlador.

   La scène s'achève sur une chute au sens propre et une malédiction.



ENJEU:QUELLES SONT LES "CROYANCES" EN PRÉSENCE?
Peut-on dire exactement ce que croit DJ? Sous un comique d'apparence, une page capitale touchant à la question centrale (la religion) de la pièce  mais gardant encore ses mystères et ambiguïtés quant à la conviction de l'impie.

•ANNONCE DES AXES DE VOTRE EXPLICATION:

1)LA FOI DE SGANARELLE: nous verrons qu'il interroge assez vite son interlocuteur puis qu'il explique sa position À PARTIR DE LA PHRASE DE DJ: 2+2=4..


    •a•il interroge et se révèle déjà indirectement:

-relisez les répliques jusqu'à "qu'est-ce que vous croyez":

          =>on le voit passer sans gêne  d'articles de foi  fondamentaux à l'expression d'une superstition (moine bourru, fantôme à Noël). On peut trouver que Sg enchaîne vite sur les réponses laconiques de Dj mais, surtout , finir par le moine bourru c'est mettre ce point au plus haut, c'est choquer un public de croyants et c'est se ridiculiser d'emblée.

          -Sg ne quitte pas son rôle comique (ainsi il veut bien être un martyr du moine bourru alors qu'il est un pleutre depuis le début de la pièce) et témoigne d'une foi populaire peu orthodoxe.

          -son désarroi est malgré tout frappant : il ne comprend pas qu'on puisse se passer de croyance. C'est sans doute un des défis  majeurs de DJ.



    •b• deuxième temps de la scène, plus éclairant : après l'énoncé étonnant de DJ (2+2), il va maintenant défendre plus amplement sa position, dans une progression légitime mais qui va tourner au ridicule et au burlesque.

Il entre dans sa stratégie argumentative.

      *Premier temps : tenter de disqualifier l'adversaire.

            -face au savoir des savants (vers la fin)  et de libertins qui ne vivent qu'entre eux ou lisent trop et s'éloignent de la réalité, il va défendre la foi populaire fondée sur le bon sens (pour avoir bien étudié..).. Vieux procès du Savoir qui traverse toute  la tradition religieuse: la sagesse lui est supérieure (cf arbre de la connaissance, serpent). En réalité Sg s'abaisse pour se grandir. Il y aurait une vérité de la nescience. [Il y a là,peut-être, une reformulation de l'Évangile:"heureux les simples d'esprit...."]

        -aux certitudes mathématiques de Dj jugées abstraites, il oppose les évidences du sens commun ([s]on petit jugement). La répétition du verbe voir (où? à vous) montre qu'il veut s'appuyer sur le concret, le tangible. L’immédiat.

       * deuxième temps :conséquence "théorique":

    ◊ il réfute le matérialisme:

          -pour lui, le matérialisme à la façon de Lucrèce ne saurait être un principe explicatif du monde [pour Lucrèce, reprenant Démocrite, il est le fruit du hasard et non de la seule nécessité .L'idée d'un commencement, d'une création du monde, est absurde :il faut le penser comme provenant d'une pluie d'atomes s'écoulant depuis la nuit des temps et qui virent l'un d'entre eux dévier très légèrement sa course (clinamen).)]

           - d'où vient alors le refus de Sg? Le valet tient à une Cause première et aux Causes finales [Concepts venus d’Aristote mais retraduits et repensés par quelqu’un comme Saint Thomas d’Aquin qui pensait Dieu comme ordonnateur de l’univers]. Disons plus platement que Sg a une vision anthropomorphique (QUI a fait ces arbres-là? Dieu est visiblement considéré comme une personne)  & téléologique du monde [nous retrouverons cette question avec Diderot & Spinoza qui refusent les causes finales].

               - Sg ne croit pas à la thèse de certains libertins qui affirment que la matière s'est auto-engendrée (bâti de lui-même, se créer seul (demande-t-il à DJ)) et a avancé par erreurs, essais et options. Il faut  à Sg un commencement, une création n'existe pas sans Créateur : un enfant ne naît pas sans parents, dit-il.

    ◊la preuve par la perfection admirable:

           -la perfection du créé est un autre argument : ce qui existe est merveilleux (citez), provoque l'admiration et ne saurait s'expliquer de façon mécaniste. Pour Sg le corps est une machine mais il est plus qu'un assemblage : il admire une composition qui ne peut rien devoir au hasard..de la matière. Il lui faut, là encore, un Créateur.[À propos du mot machine l'interrogateur risque de vous demander d'où vient ce mot : dire qu'il est employé par Descartes qui voit le corps humain comme une machine mais non la pensée; ce qui l'amène à sa théorie des animaux - machines, privés selon lui de pensée: il y a une parenté entre les deux affirmations sauf que Sg n'est pas vraiment Descartes].

         -plus bas, il énonce une dernière  preuve pour contrer l'attaque ironique de Dj (“raisonnement”): il répète admirable pour s'extasier devant le pouvoir de la pensée qui dirige le corps. Sans doute comme Dieu commande au monde...

     =>Sg a de la bonne volonté et sa position, au fond, n'est pas ridicule (elle est jouée dans un registre pathétique chez Lassale) et elle est encore dominante chez ceux qui place la Foi avant le Savoir (il y a quelque chose...que tous les savants ne sauraient expliquer), parfois même chez les scientifiques (avec moins de sottises). Mais malheureusement la forme du discours qu'il choisit, ses expressions sapent l'autorité de ce qu'il dit. Il devient burlesque (savoir la définition de ce mot: je la donne plus bas).

    •c• nous écoutons une démonstration qui se détruit de l'intérieur:(gardez ce qui vous plaît)

[-par ses excès (je vois les choses mieux que tous les livres): il bénit Dieu de son ignorance et se vante de n'avoir jamais rien appris. Soit mais jamais est comique et on se demande pourquoi il a cité Aristote devant Gus.]

-par sa maladresse : sa démonstration théologique  s'appuie une image triviale (le champignon) et sexuelle (engendrement) pour défendre l'existence de Dieu...

-l'emploi du mot inadéquat ingrédient, terme d'apothicaire rappelle la tenue de médecin de Sg: il y a quelques secondes il a dit croire au séné et s'il croit en Dieu de la même façon, on peut avoir des doutes sur l'existence de  Dieu.

- égaré par ses propres arguments et par le silence de Dj, il a recours par facilité  aux énumérations qui meublent, font durer son temps de parole et lui permettent de chercher d'autres arguments qui ne viennent pas (Oh! dame, interrompez-moi...).

-plus décisif enfin : la preuve ultime de Dieu serait dans l' aptitude à penser du valet  et  dans sa liberté de penser. Sg, modèle de pensée qui grandit Dieu, quelle bouffonnerie! Sg  donnant des ordres à son corps et prouvant sa liberté en agissant comme un pantin, quelle plaisanterie! Il souhaitait prouver sa liberté : il vient de prouver sa double dépendance : il demande la permission de parler et il a besoin qu'on le conteste pour rétorquer et penser.

  => Dj n'a rien à faire, ni à dire : Sg est obligé de se laisser tomber, clairement il abdique, il est à bout d'argument et son raisonnement (ironie de DJ) se casse le nez (vocabulaire bien familier qui a rapport au corps). Sg n'existe que pour répliquer: il n'arrive pas à définir sa position pourtant défendable en elle-même.

       Malgré sa bonne volonté Sg tombe dans la parodie du discours théologique. Il traite de façon comique un sujet élevé. I l relève du burlesque.

Certes Dj l'emporte sans rien faire et presque sans rien dire (beau problème pour un metteur en scène (que doit faire l'acteur pendant ce temps (pensez au DJ de Lassalle qui fourbit son épée)?
 Mais en creux nous pouvons tenter de deviner quelle est


 
2)POSITION DU LIBERTIN :qui se dérobe surtout.

  
Observons tout d'abord qu'on peut parler de


     •a•  refus du débat :
  
Observons tout d'abord

    • le laconisme de DJ, dû en grande partie à Sg et à sa précipitation : il a longuement fréquenté de son maître.

Faites remarquer en passant que les réponses elliptiques de DJ (interjections, monosyllabes) laissent une place immense au metteur en scène et à l’acteur: paradoxalement ces railleries parfois ambiguës engagent toutes la  lecture de la pièce.

    -il passe très vite sur Ciel (impératif, laissons cela),
    -il se moque de l'enfer (interjection)

    -s'amuse

-du diable ( oui oui qui dit aussi bien non, non: ne pas croire en diable est un péché ),

- de l'autre vie (provocation incontestable : refus de l’immortalité de l’âme.. ; observons que  son rire est énigmatique : NB déjà l'importance des ah!ah! qui se multiplieront dans la pièce)

     -et il est ravi de voir (malgré son injure (la peste soit du fat..(=niais, sot, stupide qui se prend au sérieux)) Sg en venir aux sornettes du moine bourru.

    -il faut admettre que le 2+2 peut être conçu aussi comme une façon de fuir le débat comme nous verrons.

On peut parler de refus du débat favorisé par Sg :Dj si éloquent sur l'amour  et qui choisit la raillerie et le laconique!

    •Pourquoi? Sans doute

-par lassitude: il lui faut encore répondre à Sg.

-par mépris pour le valet qu’il connaît si bien qu'il sait qu'il n'ira pas loin et sombrera dans un discours interminable et malgré tout  voué à la remontrance. On constate qu’il a plaisir à moquer Sg sur le mot raisonnement (cassé le nez; tout en raisonnant)

-parce qu’il veut vivre intensément et non perdre son temps à démontrer l'indémontrable;

-parce que pour DJ toutes ces questions portent sur des mots et on sait ce qu'il fait du langage : un moyen de forcer les êtres, rien de plus.

-souvenons-nous aussi qu'il a déjà exclu Sg de son rapport à Dieu : va, va ...c'est une affaire entre le Ciel et moi et nous la démêlerons ensemble, sans que tu t'en mettes en peine.


=>Tentons toutefois de cerner ce que nous savons de DJ en partant d’éléments très limités comme  cet énoncé célèbre 2+2 qui est en réalité un emprunt à Maurice de Nassau, glorieux guerrier hollandais qui refusa l'extrême onction et fit cette déclaration au moment de mourir.

        •b• Mais que comprendre de cette unique proposition qui  provoque nombre d’explications ?

    • on peut la traiter comme une boutade, une façon de se défaire de la théologie : tous les discours l’importunent, rien n’est prouvé ni prouvable que ce qui relève de la science. Que l'on cesse de l'ennuyer.
  Certaines mises en scène montrent même un Dj semblant improviser et jetant à Sg une "sorte d’os à ronger "et à relancer son bavardage. Dj ne serait pas le libertin penseur profond que Sg croit tenir : il préférerait l'indifférence sur la théologie et la provocation au plan quotidien. Cette phrase lui viendrait sans méditation sérieuse.

     Si l'on veut voir une boutade de Dj il faut faire remarquer que l'addition est son domaine : n'est-il pas celui qui additionne les femmes?

    • autre hypothèse : dite avec conviction et non avec dédain ou indifférence glacée il est possible, sur cette seule affirmation d’en faire un athée matérialiste qui ne reconnaîtrait que ce qui relève de la raison: pour lui ne serait réel que ce qui est rationnel et vice-versa. C’est d’ailleurs ce que Sg a compris.

      
 -il refuserait alors toute transcendance, toute explication spiritualiste et avec Sg toute traduction superstitieuse (moine bourru, ordre représentation symbolique du monde (Ciel, Enfer etc.) : il y a aurait une nature et pas de surnature ou de surnaturel. Tout aurait une explication.


    -le libertin selon Dj ne démissionne pas : il appréhende le monde par la raison sans y introduire un dieu réglant âme et esprit: Dj croit à la liberté de l'esprit alors que Sg selon lui est une démission de l'esprit.

         

   • il n’est pas interdit
non plus,  sur cette seule phrase, d’en faire autre chose qu'un athée :on peut croire à la connaissance mathématique universelle sans pour autant se débarrasser de Dieu : c’est la solution de Descartes. Le rationalisme ne donne pas forcément l'athéisme et le matérialiste.

    À ce point de la pièce il est délicat d’en décider.

    [•on verra dans la suite du texte que la question n’est pas vraiment métaphysique pour Dj mais "existentielle" : il passe trop de temps à ridiculiser tout ce qui touche au religieux, à ses formes, à ses dogmes et à ses institutions pour être franchement athée : c’est bien comme il l’a dit une affaire entre le ciel et lui. Le rapport est presque “psychologique” (il y aurait chez lui une perversion de la pensée d’Épicure. "Devenir comme un dieu ": tel sera l'idéal du sage. Mais il n’y aurait aucune sagesse chez DJ : une volonté farouche de défier tout ce qui résume les freins qu'on lui impose).

• on verra qu'en fin dramaturge Molière fige ici Dj dans une formule  apparemment  de rationaliste athée qui devra bientôt réagir devant le manifestation de surnaturel qui surgit en fin de III(statue): il saisira l’occasion de défier personnellement, directement Dieu et non par femmes et institutions interposées.]


cl : un texte bref mais dense, à la fois comique et philosophique. Paradoxalement le défenseur du religieux fait rire et l'autre intrigue car  reste encore mystérieux : et que penser de ce recours final à un passant? Simple besoin de retrouver son chemin ou encore moyen d’éviter de relancer la discussion qui tournait à la remontrance ?

Nous allons vivre une autre provocation de DJ.LE PAUVRE: COURS SUIVANT.


















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9 août 2008 6 09 /08 /août /2008 06:35
[mon I étant un peu long, je vous propose à la fin de ce cours un autre plan plus simple.]


            DON JUAN IV,3 : MONSIEUR DIMANCHE

    SITUATION : VOILÀ LA SCÈNE qui plaisait le plus aux spectateurs du Palais-Royal  Scène qui gêne parfois les metteurs en scène : Chéreau la supprima en 69.

    À la fin de l'acte III, Dj a invité
à venir manger chez lui la statue d’un Commandeur qu’il tua. Pour une fois et dans tout l'acte, le burlador est dans son appartement (DIDASCALIE). Il semble ne pas croire à l’événement troublant qui s’est passé dans le mausolée (soyez capables de le rappeler).

    M. Dim est le premier fâcheux qui retarde le repas tant désiré de DJ (citez IV,1):son arrivée réintroduit une dimension comique et familière qui contraste avec l'animation mystérieuse et angoissante de la statue. Les autres visiteurs seront don Louis, Elvire et enfin, à nouveau, mais comme prévu, la statue.

    LECTURE

    ENJEU: EN QUOI CETTE PETITE COMÉDIE EST-ELLE RÉVÉLATRICE DE DJ?
mesurer la place du langage dans la stratégie de DJ. et dans cette leçon de comédie. On la connaît en amour, on va la voir en "affaires".


   PLAN de la lecture : (1) une scène comique (2) qui en dit long sur DJ et sur la société du XVIIème. Scène que nous ne verrons que dans sa première partie : la seconde montrant Sg incapable de réussir aussi bien que son maître.

1)UNE SCÈNE COMIQUE :  

 Commençons par rappeler

     a) le but de DJ ou plutôt les buts :

    *ne pas honorer ses dettes. Tout faire pour empêcher Dim d’évoquer la raison exacte de sa venue. En limitant les interventions de Dim. ”J’étais venu ...”;”Je n’ai qu’un mot à vous dire..”.


    *faire rire toute la maison avec des laquais figurants & spectateurs.


    * s'amuser à défier socialement un être dont il a besoin mais qu'il méprise. Homme de l'échange simulé, DJ va payer son prêteur en monnaie de singe.

    =>scène reposant essentiellement sur le comique de situation. Éclate le contraste entre ce que prétend faire DJ (visiblement, spectaculairement) et ce que révèle (profondément) son attitude. Cette situation entraînera comique de mot et de gestes. Comique fondamentalement de répétition et de variation sur la répétition (les JE  de Dim..)[PLACER ICI LA VERSION ALLÉGÉE]



     b) les moyens de DJ

     • en jouant sur la rapidité (allons vite etc): la scène dans la scène (les laquais étant figurants spectateurs) est enlevée, fondée qu'elle est sur questions, interjections, impératifs.SOULIGNEZ LA BRIÈVETÉ DES RÉPLIQUES.

    •en jouant en même temps du retard : tout faire pour que Dim ne dise le mot qu'il est venu dire

    • surtout en feignant de le flattant, en l'honorant : regardons provisoirement la progression des marques d'attention :a) accueil, b) le siège, c) familiarité, d) pacte, e) invitation, f) escorte. Voilà un bourgeois qui traverse en deux minutes ce qu'il faudrait à une famille sur au moins un siècle.



       c)voyons et admirons en les détaillant ses marques d’attention qui sont autant d’ éléments tactiques d’obstruction :

•1• accueil avec civilités (il est unique, il a droit à un traitement privilégié (lire)).

•2xième tactique : il élève Dimanche socialement en lui offrant un siège qui fait de lui son égal. Le bourgeois est conscient de l'incongruité et la décline (relevez les dénégations successives (ne, ne)). Mais DJ va porter la distinction jusqu'à l'absurdité: il fait remplacer le pliant par le fauteuil, ce qui revient à le traiter comme un Prince: le XVIIème était très attentif à la hiérarchie des sièges (cf le grand écrivain Saint- Simon) et devait beaucoup rire au moment précis de cette scène. Du reste ces insistances pour faire asseoir Dim sont assorties de considérations égalitaristes, burlesques pour l'époque: contre moi, point de différences entre nous.

     Dj met l'étiquette sans dessus dessous. Profondément, il abaisse en élevant. En simulant l'abolition de la distance matérielle qui les sépare, il redouble la distance sociale :

    -DJ intègre de force Dim à un jeu qui lui échappe totalement. L'honneur qu'il lui fait est le plus odieux des avilissements.

             -le comique est d'autant plus fort  que Dj en se prétendant seulement l'égal de Dim  adopte à son égard un ton péremptoire qui prouve qu'il reste le grand homme. Il a le pouvoir de parler et de priver de parole.

                      -notez les verbes de volonté (relevez) adressés aux domestiques, puis à Dim avec une intensité croissante: asseyez-vous est correct; mettez-vous là est déjà cassant et la fin tourne au chantage (non je ne vous écoute...)

    -------->la première erreur  de Dim: s'asseoir. Il cède au pouvoir de Dj qui aura barre sur lui. Il a été élevé en apparence mais abaissé physiquement et moralement déjà.

•3sième tactique: la familiarité.

  DJ demande des nouvelles de toute la famille successivement (à vous). Ce souci a un aspect ironique et riche de sous - entendus: si M Dim se porte si bien c'est qu'il est à l'aise et que sa demande peut être différée...En plus il le traite en maquignon, avec mépris , comme Charlotte. On aura noté le mot à double entente : fonds certes de santé mais fonds économique aussi....

    Plus le passage en revue de la famille progresse (hormis la mère ils sont tous qualifiés de petit) et plus l’éloge se fait dégradant (ainsi l’enfant qu’il montre bruyant); sans compter qu’il assimile le chien horripilant à la famille : c’est d’ailleurs du chien qu’il parle le plus longtemps. DJ donne en passant une leçon de savoir vivre au bourgeois : comment comparer son accueil si amical de noble à l’accueil qui se résume à un chien envahissant et hostile et un enfant tambourinant?
 
    Avec élégance mais cruauté Dj abaisse encore Dim: il le traite comme un animal (il tâterait presque ses joues) et prend souci de son chien...On note aussi qu’il ne cesse de dire MONSIEUR DIM, rappelant ainsi, par ce nom commun, ses origines tandis qu’il lui coupe la parole chaque fois qu’il veut dire la raison de sa venue.

    Sommet de l’ironie le mot à double sens : J’Y PRENDS BEAUCOUP D’INTÉRÊT: 1) au sens social, je suis très attentif à la santé de toute la famille;2) au sens de l’emprunt je vous prends beaucoup d’intérêt, en ne vous rendant rien...

    Résultat: c’est le “pauvre” Dim qui est socialement son obligé et qui doit reconnaître qu’il le reste.

4ème tactique : le pacte .

 DJ va jouer sur la proximité amicale : après les honneurs, après le souci de l’autre, le piège de l’amitié.

Observons qu’il se sert à merveille de l’espace : il a fait asseoir Dim, s’est approché de lui, lui a touché la main comme avec les femmes (cf CHARLOTTE en III, 2: TOUCHEZ DONC LÀ (=serrez la main en signe d’accord)

Il multiplie les formules emphatiques de dévouement ( citez : suis à vous +rien que je ne fisse pour vous) jusqu’à l’invitation qui précédera l‘éjection.

    Sur ce plan ces formulations ne sont pas innocentes et opèrent d’habiles glissements:

-1-je suis à vous de tout mon cœur : formule d’amitié qui fait songer au discours amoureux. Dépendant financièrement de Dim (suis à vous) il donne un sens sentimental à cette dépendance et on songe à des formules voisines qu’il employa avec Charlotte et Mathurine. Il parle de son cœur qu’il ne cesse de prodiguer comme on sait.

-2-l’ordre est inversé : DJ devient le vassal de Dim : il n’y a rien que je ne fisse pour vous

-3-mais l’ironie perce encore : et cela sans intérêt. Il s’est efforcé de montrer que son attachement était total, généreux, sincère , il lui dit que  c’est sans arrière-pensée pour faire oublier les intérêts qu’il doit à Dim: il prononce le mot pour lequel le gageur est venu.

     Dim est écrasé sous le témoignage d’autant de “généreuse amitié”: "trop de bontés pour moi; je n’ai point mérité cette grâce assurément”. Le gageur devient le débiteur. Dj use des mots, toujours contre du temps. La serviabilité de DJ aggrave la servilité de Dim.

4ème et dernière tactique, le comble de l’audace: non content de le recevoir, de le prier de s’asseoir, de lui serrer la main, DJ invite Dim à souper , à consommer les fruits de sa dette, à s’entretenir lui-même, à gaspiller sur son propre compte

La nouvelle erreur de Dim est de décliner l’invitation en prétextant le temps : il donne l’occasion attendue par DJ pour le mettre à la porte. Dj accélère soudain la manœuvre en simulant la déférence (il ne veut pas le retarder) et la protection (escorte qui est surtout là pour qu’il ne revienne pas...).

 La réaction de Sg (siège) prouve qu’on approche de l’estocade  brillante il faut le dire et répétant en mineur toute la scène :Dj redit son intérêt pour Dim, se présente comme son inférieur et comme son DÉBITEUR (personne qui doit une somme à une autre). Il dit ce pourquoi Dim est venu, ce qui entraîne une sorte d’expression d’aise chez le gageur : AH!MONSIEUR. Mais DJ transforme sa dette en honneur : il le fait savoir à tout le monde augmentant donc sa clientèle ..

    Dim tente une dernière fois de parler : Dj, sans gêne , pousse la transgression sociale le plus loin possible : il propose de l’accompagner, impensable évidemment à l’époque. Refus prévisible de Dim presque scandalisé. Dont profite DJ pour franchir le dernier pas de cette comédie pour l’époque : il embrasse Dim (dernier rapprochement spatial) et le quitte avec les mots qu’il a déjà employés . IL sort : la leçon de comique est finie.

     Sg va prouver ensuite que se débarrasser de Dim n’est pas chose si facile. Il attestera  que les mots doucereux, les gestes amicaux de DJ sont aussi une forme de violence mais masquée.



2)UNE SCÈNE INSTRUCTIVE:la préférée du public, on l’a dit, mais sans doute pour de mauvaises raisons...

     •a• elle confirme  les grandes qualités de comédien du burlador:

-il joue devant ses serviteurs complices devenus spectateurs : au lieu de laisser Dim dans l'antichambre (lire fin de scène 2)comme le ferait Sg, il va s'en débarrasser de façon magistrale sur la base bien connue depuis le début de la pièce : un mot pour une dette et PAS UN DOUBLE...(fin de IV,2);

-il simule l'intérêt, l'affection et exécute sa sortie de scène au moment opportun. Improvisateur de talent, il saisit avec habileté les occasions. Il va jusqu'à dire (comme Tartuffe) la vérité (je suis ...votre débiteur) pour mieux la faire oublier. Il suffit de le comparer avec Sg dans la suite de la scène pour en prendre la mesure. Le valet a besoin de la force où son maître use de la parole.

    •b• ELLE NOUS RENSEIGNE SUR LES DIFFICULTÉS DE DJ: comme tous les nobles déjà (sauf Mme de Montpensier), il est endetté. Il est aux abois. Menacé donc par la famille d'Elvire, il doit en outre honorer ses emprunts. On mesure aussi son train de vie puisque nous le voyons chez lui pour la première fois. Il a beaucoup de domestiques, un serviteur (le siège), La Violette qui parle de Dim, 4 ou 5 hommes pour reconduire le gageur...Dj, l'
homme qui gaspille, l'homme qui vit de l’excès en tout.

      •c• elle donne avec les autres scènes, une bonne idée de la société dans laquelle s'inscrit le héros:

*nous avons vu jusqu'alors des valets, une ex-religieuse noble, des voleurs, un pauvre, des paysans, un noble: il manquait la bourgeoisie que nous tenons avec Dim.
    -Classe montante mais qui n'a pas toujours l'aisance que devrait lui donner son avantage économique. Il évite de s'imposer, refuse le souper, emploie beaucoup de négations: il a l'argent mais pas encore la parole. Il a un pouvoir réel mais pas encore le pouvoir symbolique.

    -à l'inverse, DJ, le noble, a besoin de ceux qu'il méprise et dupe: il apparaît comme oisif, parasite, exploiteur [il faudrait préparer une réponse sur la noblesse dans la pièce en tenant compte de Carlos, de son frère, de Don Louis et de DJ] et seulement capable de jouer pour son plaisir avec tous en abusant du langage (performatif*).

  *DJ semble rompre avec sa classe ,  mais il n'est pas affranchi des préjugés (arrogance, insolence) et privilèges dont il profite et abuse. Il ne viendra pas par hasard à l’hypocrisie.Il est prêt depuis longtemps.

   *on peut penser qu'il incarne un exemple passionnant de déclin de la noblesse dont Molière n’a pas forcément conscience.

 •d• cette scène nous fait franchir une étape dans la connaissance de DJ qui se révèle d’avance comme l'homme qui refuse toute dette symbolique (on va le confirmer après :valeurs morales, Père,
Dieu) mais il en est réduit à retarder ses remboursements avec une comédie...

    cl: grande scène fort drôle dans un acte qui va mêler les registres (à vous, avec le reste de IV; aucun personnage n'a été à ce point victime de DJ (Charlotte avait des réserves). Dim est une marionnette qui ne peut parler. Les rieurs dans la salle auront des descendants moins hilares...Le théâtre le montera assez vite avec la pièce de LESAGE, TURCARET.
    D’autres visiteurs vont venir : d’autres dettes, d’autres intérêts, d’autres valeurs. Dj avec la statue tentera de faire raccompagner la statue avec un flambeau : la réplique de l’homme de pierre sera cinglante (dernière phrase de l’acte).


[Scène qui gêne parfois les metteurs en scène par son côté farcesque: Chéreau la supprima de sa mise en scène en 69
]


                                       *********


POUR UN I PLUS RAPIDE VOUS POUVEZ TENTER l’assez ennuyeuse classification suivante:

   I- cours supra puis dans les MOYENS, placez

    LES DIFFÉRENTES FORMES DE COMIQUE : j’en oublie, vous compléterez avec le cours supra.

    • comique de mots :

- le fond de sa stratégie : parler pour ne pas donner le moindre double. Le mot pour DJ est une force, une pièce stratégique mais il ne désigne rien dans son esprit et ne l’engage à rien.

-Dj parle du droit de M. Dim.....

-mot relevant de la double énonciation : l’accueil fait à Dim : il sermonne ses laquais complices en fait.

-mots avec lesquels il joue :

        -je sais ce que je vous dois (jeu sur : devoir :1- il faut honorer un homme de sa qualité;2-je connais ma dette).
         -il va même jusqu’à prononcer le mot que voulait placer Dim: débiteur.

          - comique alors du "AH MONSIEUR" de Dim.
 

    •comique de mots et de répétitions :

-répétition de Monsieur pour Dim et MD pour DJ qui insiste sur ce nom commun.

- l’interruption systématique des phrases de Dim.

-répétition de mots de scènes d’amour avec Charlotte (vanter le corps gras de Dim).

-la répétition cumulative: toute la famille est évoquée avec l arépétition du mot petit.

-ensuite, en mineur répétition maladroite par Sg.


    • comique de gestes qu’on devine mais qui implique un jeu parfait dans et avec l’espace:

-rappeler sa double stratégie : parler pour faire taire &  se rapprocher pour éjecter; il parvient à surmonter son mépris de classe et à  le transformer en signes d’amitié extrême.



        -énumérez et commentez vite les étapes du manège :sa porte est toujours ouverte ; on approche un siège; il se penche vers le corps de Dim pour montrer son intérêt; il touche la main;il l’invite à  souper (partager son intimité); Dim refuse =>garde, protection qui reviennent à une expulsion. Comble du grotesque : ll l’embrasse ! Gag : c’est Dj qui sort en acteur.

    • comique de situation : double inversion.

-Dj veut aller vite et joue du retard;

-le grand se fait tout petit, se met à la hauteur du bourgeois, souligne même leur égalité pour que le demandeur devienne son obligé (début); le bourgeois en réalité est rabaissé : DJ lui donne des ordres et entreprend même un CHANTAGE...; le rabaisse à son chien; il lui rappelle que chez les bourgeois comme Dim  on ne sait pas recevoir.. Sa réception est une éviction.

    ••en réalité toute la scène est dominée par l’ironie que ne perçoit que le public. Dites combien est faux son intérêt pour la famille quand on aura vu Dj avec son père...( scène suivante).

   
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26 juillet 2008 6 26 /07 /juillet /2008 16:18
•INTRODUCTION:

  •GÉNÉRALE:COURS N°1

  •SPÉCIFIQUE :nous sommes dans la scène d'exposition, la tirade du tabac.
Dans une ville où DJ, un jeune homme de qualité (noble) est de passage, poursuivi par Elv,, sa femme récemment épousée. Les deux valets dialoguent et Sg informe Gus de la situation: il pense que contrairement à tous les usages et aux signes de gage qu'il a donnés et que Guz rappelle dans la réplique précédente, son maître a abandonné la maîtresse de G qui vient de donner sans le vouloir une première idée de DJ (séducteur pour qui tous les moyens sont bons et qui peut même enlever une jeune fille d'un couvent). Nous allons vérifier combien sa phrase finissant par "manquer à sa parole" dit presque l'essentiel du burlador.

  •LECTURE DU TEXTE


   •COMPOSITION DE L'EXTRAIT qui est la réponse aux interrogations de Guz.

Dans ce texte, trois parties: 1-le rapport de DJ à Dieu puis 2-aux femmes;3-le valet maudit son maître mais reconnaît qu'il doit lui obéir et finalement prouve sa lâcheté (dire les lignes à chaque étape).

   •PROBLÉMATIQUE : QU'APPORTE CETTE TIRADE?

   •PLAN DE L'ÉTUDE

Nous suivrons deux directions :

•un portrait de DJ

•un autoportrait de Sg, les deux dominés par des élément comiques mais cernant bien les deux personnages avant l'entrée en scène du personnage éponyme.

1)UN PORTRAIT DE DJ :le vocabulaire de la peinture apparaissant au milieu du texte (à vous). Un libertin sans que le mot n'apparaise encore.

  Portrait qui va illustrer un énoncé  péremptoire :UN GRAND SEIGNEUR (la dimension sociale et son sillage de morgue, de mépris cruel pour autrui) MÉCHANT HOMME (l'attribut essentiel du maître selon le valet, attribut complété par l'hyperbole (le plus grand scélérat...(criminel: avec le superlatif nous comprenons qu'il réunit tous les crimes) ).

Qu'est-ce qui autorise Sg à résumer aussi durement le caractère et le comportement de son maître ?

Il est méchant (
méchant=qui témoigne du désir de provoquer la souffrance physique ou morale chez autrui) sur au moins  trois plans selon Sg:

     a)DJ l'irreligieux: libertin de pensée mais perçu au filtre (limité) de la pensée de Sg.

- à la fin du procès religieux de DJ, une phrase compte plus que d'autres : "traite de billevesées tout ce que nous croyons":

            -il semble que selon Sg, Dj ne croit à rien, à aucune forme de croyance, quelle qu'elle soit et paraît sourd à tout ce qu'on peut lui reprocher. Il faudra vérifier cette définition du burlador.

  [Si ce qui suit vous dérange, allez directement à la fin de ce crochet.

-il faudra le vérifier car Sg n'est pas ici d'une grande précision : il le traite de façon peu cohérente :il est tout à la fois
    - malade, il a la rage ou il est habité par un désir ardent;
    -un animal (chien) autrement dit sans pensée et langage articulé. Inférieur à l'Homme.
    -un ange déchu (un diable), un suppôt de Satan;
    -un Turc, autrement dit un être voué à une religion extrérieure à la chrétienté et donc maudit à l'époque par intolérance;
   -un hérétique mais un hérétique croit en adoptant une option schismatique , différente par rapport à la religion dominante.
    -un être qui ne reconnaît pas le Ciel OU L'ENFER (
métaphores spatiales de la religion chrétienne pour Dieu et diable).].
               

  Cette énumération n'a aucun sens : Sg accumule des caratéristiques qui ne vont pas ensemble et qui pour lui sont sans doute synonymes...Sans compter qu'aux yeux de Sg le refus de croyance en loup-garou paraît rhédibitoire alors qu'il relève d'une croyance païenne bien peu compatible avec le dogme (nous retrouverons plus loin en III,1 le même problème avec le moine bourru). Ce  supposé défenseur de la pensée chrétienne est ici bien peu catholique.

   Selon le discours incohérent de Sg son maître serait sans doute athée. Il faudra encore vérifier cette affirmation.Un des enjeux de la pièce.

=> Découvrons le Méchant en amour. Libertin de mœurs.

   b)l'amoureux qu'a connu Gus n'est qu'un conquérant de femmes et ce ne sont pas ses sentiments qui frappent mais sa technique unique.


    
-sa technique unique (son piège pour attraper les belles/épouseur à toutes mains (de toutes les femmes)) : c'est le mariage qu'il bafoue à chaque fois et ce n'est pas rien dans sa contestation globale (à suivre : si l'on sait que le diable est celui qui divise, Dj divise tout en simulant l'union);on voit apparaître le mot contracter : Dj est l'homme du contrat qu'il ne respecte jamais.


     - c'est donc un conquérant : dans tous les lieux, il aime vaincre toutes les femmes, sans restriction ni exclusive...de

- classe (dame, demoiselle= nobles; bourgeoises, paysannes comme nous verrons à l'acte II;

      ou

-sexuelle (chaud/froid)LD

       -le nombre de victimes est immense (Molière utilise la métaphore du livre (chapitre immense) qui ne vient pas de Molina mais des Italiens et où Mozart fera le sublime air du catalogue)

      

Mais  Sg accuse encore le trait en prolongeant son portrait :

    c)un conquérant qui n'est qu'un débauché selon le valet

-on comprend que la sexualité importe plus pour Dj que l'amour: la sensation plus désirée que le sentiment.

-il est vu  comme un animal (chien,bête brute ), comparaisons toujours dévalorisantes.

-plus grave : il est vu selon le stéréotype qu'on répète depuis Horace, comme un épicurien considéré encore comme un animal, un pourceau alors que l'épicurisme* n'est pas un matérialisme épais mais au contraire une sagesse qui fuit l'excès en tout. Défenseur du plaisir, tel est le vrai épicurien mais on ne trouve pas chez lui  la moindre débauche.

-ultime accusation : Dj est comparé à Sardanapale, personnage authentique mais devenu légendaire sous forme de débauché notoire qui a sacrifié un jour ses animaux, ses esclaves, ses femmes. Véritable hyperbole de la débauche.

=> Dj est donc coupable de tout et capable de tout.

 
-Voilà bien l'esquisse du maître. On comprend la surprise de Gus...Le valet sans le vouloir nous livre encore

2)UN AUTOPORTRAIT DE SGANARELLE. Complément à la tirade du tabac. Où nous découvrons que le valet est l'antithèse du maître.

    a)un bavard impénitent, passablement cuistre - quand son maître est absent. Il participe largement à la dimension comique de la scène alors que ce qui est dit est scandaleux aux yeux et oreilles de nombreux spectateurs.

-il semble qu'on ne puise pas l'arrêter (pas même lui (sorti un peu vite de la bouche)): il multiplie les accumulations* de mots (à vous:un enragé etc...) qui ont valeur à ses yeux d'hyperbole;il apprécie les vraies hyperboles ( être au diable que d'être à lui)

-pédant, il utilise le latin (inter nos), cite Sardanapale, en même temps sa langue est souvent familière et reflète un homme aux origines populaires: pélerin,épouseur à toutes mains venant du dressage des chevaux; disons qu'on doit comprendre qu'il apprend des locutions, des phrases, des bribes au contact de DJ et qu'il s'en sert de façon très approximative.

-il met un temps certain à mesurer l'étonnement de Gusman (tu demeures surpris): c'est dire assez qu'il aime s'écouter parler et en imposer aux autres.

C'est ce bavard qui est chargé d'être

    b) le critique de Dj:


-face à DJ, on devine qu'il lui parle souvent et qu'il fait office de censeur :nous découvrirons ce qu'il en est.

-quand son maître est absent comme ici;

         * que représente-t-il?

-il incarne la position religieuse classique, populaire  mais avec une naïveté, superstition (il parle de loup-garou, (personnage légendaire qui prouve que notre valet est surtout  proche du paganisme(légende d'un homme se métamorphosant en loup gigantesque),mot occupant une position scandaleuse dans l'accumulation) et inconséquence (il assimile athée, hérétique, musulman etc) qui le rendent burlesque. Sera-t-il un contre-poids sérieux? (On pourra vous interroger sur ce point en entretien: facile).

Au total nous découvrons

    c)un être contradictoire : qui aime plus sa dépendance qu'il ne la flétrit en apparence.

•d'une part il  critique DJ longtemps ici  et même le maudit et voudrait le voir bien loin de lui (citez): il en prévoit  froidement la fin tragique (que le courroux du ciel l'accable quelque jour);

•d'autre part on le voit fasciné par la rhétorique, art de parler qu'il ne maîtrise pas vraiment mais qu'il doit sans doute à sa fréquentation du burlador; il aime, à l'image de son maître avec lui, occuper une place supérieure comme on le voit depuis le début de I,1 avec Gus;

•en outre, "courageux" critique de DJ quand il s'absente, il devient soudain couard  et même menace de mentir quand le séducteur s'annonce à l'horizon (on se souvient que deux minutes avant il célébrait la vertu). Il joue double jeu : il parle dans le dos de DJ et face à lui mentirait à Gus.Nous nous en souviendrons au moment de sa réaction à la tirade de l'hypocrisie.

       =>fasciné est bien le mot qui convient (étymologie) : il dit la répulsion (Sg est scandalisé par DJ) et l'incapacité de s'en détacher (il faut que je lui sois fidèle en dépit que j'en aie) au point de tenter de l'imiter. Il semble qu'il y ait en DJ une force, une énergie qui attache Sg au point d'être transformé en spectateur (citez:applaudir...) des  transgressions qu'il désapprouve. Bref il a beau dire, il lui plaît de demeurer à son service...
            


cl: voilà un portrait charge du maître par le valet. L'image est-elle juste, gauchie, inférieure à la "réalité"? DJ apparaît sur la scène : nous allons nous faire un idée par nous-mêmes...


                     
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20 juillet 2008 7 20 /07 /juillet /2008 17:06
                                                            DON JUAN I,1
INTRODUCTION

        *SITUATION :

    -générale (une fois pour toutes) de la pièce :en 1664, au milieu des tracas de son TARTUFFE, Molière décide d'écrire une pièce inspirée d'une œuvre de l'Espagnol Tirso de Molina (EL BURLADOR DE SEVILLA/ L'ABUSEUR DE SÉVILLE (en 1630) qui connut de nombreuses adaptations en Italie (CF P 145 DE NOTRE ÉDITION) avant de passer en France avec Dorimont & VILLIERS ou les comédiens italiens installés à Paris. Malgré un certain succès, Molière devra couper très vite certaines répliques et finira pas suspendre les REPRÉSENTATIONS.


     -nous avons à commenter la scène d’exposition, sa partie initiale.

        *LECTURE DE L'EXTRAIT.

........(fin de l'intro)...>

      -spécifique pour ce texte:


Au théâtre, il existe différents types d’exposition: ici nous avons affaire à deux valets, ce qui

•annonce la comédie

•d’autant plus que le personnage de Sg est repris d’autres pièces comiques de M.

Ce qui frappe d'emblée c'est la structure déséquilibrée de cette ouverture : beaucoup question du tabac, beaucoup moins d’Elvire.



  Deux éléments doivent être pris en compte très tôt : le tabac était dénoncé par l'Église alors...et Molière jouait le rôle de Sg.

PROBLÉMATIQUE : POURQUOI CETTE OUVERTURE SURPRENANTE?

•ANNONCE DE VOTRE PLAN


1)UNE OUVERTURE SURPRENANTE :

 (nous supposons que le premier à parler sur scène, Sg, est en train de faire une pause pour pétuner et qu'il prend cette occasion pour méditer sur le tabac.)[Ayez en tête les différentes versions scéniques que nous aurons vues en classe.]

    surprenante en ce qu’elle laisse une grande place à

a) un éloge qui donne lieu à une pause et ressemble à une digression: on a l'impression d'un élément superflu, gratuit, comme plaqué.

    -éloge du tabac, sujet curieux, intriguant:

•qui retarde l’exposition proprement dite

•alors que Guz, comme on l’apprend vite après, est impatient d’avoir des nouvelles.

    -une digression qui présente  le tabac comme la panacée.

    -digression que Sg quitte avec une phrase  de transition assez autoritaire:après cette pause consacrée au plaisir (du tabac),revenons aux choses sérieuses...

b) une digression d’une extrême bouffonnerie :frappant est le contraste entre le sérieux, le registre doctoral du personnage qui joue au maître et le comique qu’il crée avec

•un anachronisme : Aristote* n'a pu connaître le tabac. Disqualifier Aristote sur un point inepte c'est SE disqualifier soi-même.

•une prétention évidente : il connaîtrait toute la philosophie.

•un énoncé péremptoire : n'est pas digne de vivre, diable  ! pour du tabac!

•un contraste entre l'emphase de la phrase (il s'agit de morale (voc))  et son objet : le tabac.On hésite entre un discours savant et un boniment.


• surtout avec une position curieuse parfois, fondée sur trois qualités du tabac:1-on a longtemps soutenu les vertus curatives du tabac (admettons ce point : purgation des cerveaux, en faisant éternuer...Mais on verra Sg à l'acte III déguisé en médecin et on verra qu'il n'y connaît rien) ;2- Sg fait aussi du tabac un vecteur de  civilité (lexique à relever): honnête homme, honneur, vertu etc) mais  beaucoup plus étonnant 3-il fait d'un élément matériel un moyen de pédagogie spirituelle (instruit les âmes). Étrange. Il ya de quoi faire bondir un croyant ou un sage.

     =>Voilà un discours inattendu : comment en même temps cette matière (interdite) peut-elle réjouir et purger les cerveaux,  mener pédagogiquement à la vertu morale et sociale?

        *Nous découvrons un valet qui dit son aspiration à l'honnêteté mais les conseils qu'il donne pour y parvenir enfreignent les valeurs fondamentales de l'honnêteté. Un honnête homme*(bien savoir ce qu'on appelle ainsi au XVIIème) se mettrait-il autant en avant? Citerait-il Aristote pour le réfuter sur un point accessoire (et d'ailleurs inexistant)? Monopoliserait-il la parole comme il le fait sur un ton sentencieux, péremptoire? Et la manière d'aller chez les uns et les autres n'est-ce pas s'imposer de façon brutale?
  
  =>  l'effet ne peut être que comique. Mais il rend accablante la suite.

 Dans ce contexte

c)la situation d'Elvire, la maîtresse de Guz est elle aussi surprenante car inversée :le contraste est saisissant : Sg s'est arrêté longuement sur le tabac comme incitateur moral et semble ne pas être choqué par l'abandon de la maîtresse d'Elvire.

-nous apprenons

    - qu'elle court après le maître de Sg,

   - qu'elle est déjà séduite et non à séduire ou à épouser comme dans la comédie traditionnelle.

   - qu'elle  a comme une attitude militaire (en campagne) peu attendue d'une jeune femme noble.

BILAN: on se demandait où allait cette exposition, on avait un éloge du tabac qui mène à la vertu et nous voilà face à une situation d'un homme qui semble être peu vertueux: lâchement, il a fui une femme qui l'aime et sans lui signifier sa rupture.Le tabac mène au devant du souhait des gens ; Dj semble ici aller à l'opposé : il fuit mais en même temps il est déjà en chasse d'un nouvel "amour" (I,2).Premier indice: on court après DJ, arpenteur d'espaces. Mais on verra aussi qu'il court au devant du souhait des femmes..., souhait qu'il fait naître avec la rhétorique du séducteur.



2)CET ÉLOGE PARODIQUE, PARADOXAL* (tradition qu'on retrouve depuis longtemps dans la littérature (Lucien, Érasme, ÉLOGE DE LA FOLIE);Rabelais; très fréquent chez le vrai Cyrano de Bergerac (éloge du vol, du pouvoir des enfants)) NOUS RENSEIGNE POURTANT ABONDAMMENT.

  (*En langage pédant si l'éloge se dit encomium on appelle un éloge parodique pseudo-encomium. Procédés pseudo-encomiastiques. Retenez que dans la pièce DJ le pratiquera en faisant l'éloge de l'inconstance et de l'hypocrisie.)

  a)sur le caractère de Sg (allez vite) et déjà sur quelques aspects de DJ:

   Sg:c'est un valet qui aspire à dépasser sa condition, qui veut en imposer. Il se met en avant pour un rien comme le tabac. Il aime pérorer.

  -un individu sentencieux qui n'a pas les moyens de ses ambitions:son discours emphatique est creux, se veut universel (on , pluriels, tout le monde) et il exclut beaucoup de monde. En réalité il ne parle que de lui et de son plaisir.

    -un être contradictoire qui plaide la générosité mais n'en témoigne pas beaucoup.

  -indirectement nous apprenons quelques éléments du héros éponyme:Dj a abandonné Elvire visiblement sans scrupule et sans espoir pour elle. Il court beaucoup, change facilement d'espace : on le vérifiera dans la pièce.

 b) sur les grands thèmes du texte : sous les incohérences  de Sg apparaissent des éléments très sérieux .

  •l'irrespect envers les autorités: d'emblée Sg s'en prend à Aristote, autorité certes païenne mais amplement reconnue par les autorités religieuses ; cet éloge du tabac va à rebours de l'interdit de Louis XIII et des condamnations de l'Église...

........> curieusement voilà quelqu'un qui refuse  les autorités politiques et religieuses en se réclamant de la Morale . On l'a vu,son éloge n'est pas "très catholique": c'est le tabac qui donne vertu et honneur...

....>il faudra se souvenir dans le cours de la pièce que Sg se posera comme le défenseur de la religion contre les impiétés de son maître. Ce discours préliminaire ruine d'emblée toutes ses prises de positions ultérieures.

 ....>plus largement ET AU-DELÀ du simple cas de Sg, on suppose que les autorités et les normes admises risquent d'êtres malmenées dans cette pièce.



   •la question de la circulation, de l'échange  : prenons un instant Sg au sérieux :il célèbre dans le tabac  la vertu qu'il confère et la circulation qu'il engendre: dans l'éloge, il définit un idéal de civilité reposant sur un contrat implicite qui pourrait régler tous les échanges humains : on cherche à faire plaisir et l'autre va vouloir en faire autant. Entre le donneur et le preneur quelque chose se passe qui ne finira pas. Idéal social plus que généreux que le valet ne met pas en pratique en fréquentant un maître bien peu honnête homme (abandon d'Elvire).

  Indice précieux encore: en effet il sera beaucoup question dans la pièce de l'échange et des règles sociales. Et du plaisir. Nous verrons que Dj fera semblant de faire comme tout le monde dans l'étape de séduction mais profondément ne respectera aucun échange honnête. On mesurera bien vite l'importance de l'expression "mal payée" qui vient à la bouche de Sg...



   •l'importance des mots, des discours, du langage. : Sg tient un discours qui ne résiste  pas à la logique: il défend l'honneur et  Molière nous avertit : il faudra se méfier des discours, lire la parole réelle sous les beaux discours. Ici même il fait un dithyrambe du don et ne sourcille pas devant  l'abandon d'Elvire...Il cherche surtout à en imposer à Guz pour se faire valoir. Dj saura mieux parler que son valet mais surtout mieux mentir: abuser des autres sera pour lui abuser des mots.


cl: Cette ouverture annonce une pièce singulière et complexe:

   -elle est proche de la farce qui rappelle les  lazzi de la commedia dell'arte qui faisait rire tout public (y compris populaire)- ce que reprend Mesguich avec ses deux clowns- mais qui semble étonnamment provocatrice et irrévérencieuse envers les autorités morale, religieuse.


   -elle est ambiguë: un homme  développe sérieusement une thèse absurde dont on peut cependant tirer des motifs sérieux (la place de l'échange dans la société).

   -le sens de cette attaque nous échappe en raison de la pluralité de lectures qu'il provoque. Que cache encore  le tabac? Ce détour par le tabac ? Vient-il à la place d'autre chose?

   Ne peut-on penser qu'à l'insu de Sg, Molière qui tenait le rôle fait retentir un éloge du théâtre? Avec ironie et avec force maladresses de Sg ne retrouve-t-on pas la définition du théâtre tragique selon Aristote qui purge (catharsis) les esprits et a un rôle civil que lui conteste justement les religieux chrétiens depuis toujours.Théâtre qui montre le monde sous tous ses aspects, dans toutes ses impostures.Théâtre qui apprend à comprendre les malveillances, les malfaisances. Pièce sur l'échange authentique ou pipé, DJ s'annonce aussi comme une pièce sur l'échange théâtral.


••••••••

[pour répondre à une question sur les fonctions de l'exposition*,et de cet incipit en particulier, dites qu'il sert à donner:

1/DES INFORMATIONS :
      => cette scène permet de connaître contexte et personnages:

       -le lieu (en cette ville, AVEC LA DIDASCALIE EN SICILE + UN PALAIS)),

       -temps de l’action (Dj vient de fuir dans cette ville ),

      -l' identité des personnages (leur place sociale (Done Elvire  ta maîtresse)), les relations qui existent entre eux et ceux dont ils parlent : avant que ne commence la pièce on suppose que quelque chose s’est passé ou que quelque chose va commencer.Ce qui vient juste après l'évocation du tabac.Une femme court après un homme qui l'a délaissée.

2/DES INDICES (REPRENDRE LE II DE MON COURS )

       -sur quelques personnages : Sganarelle, son maître

        -sur les thématiques majeures pour la pièce: les autorités, l'échange, la parole.

         -sur le registre de la pièce : le comique devrait dominer malgré des situations pénibles comme celle de done Elvire.


cl : fonctions d'un tel texte : à la fois installer une situation, suggérer des pistes, intriguer : informé plus ou moins, le spectateur a alors le désir de voir plus loin  ce qui s’est seulement esquissé.]


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3 avril 2008 4 03 /04 /avril /2008 09:33


 PLAN DU COURS1) UN CHAPITRE DE PRÉSENTATION : entrée dans la  Maison  Salina et dans la  “conscience” du maître de cette maison ; 2) ENTRÉE EN SCÈNE PROGRESSIVE DE L'HISTOIRE ; 3) ENTRÉE DANS UN ROMAN.


Introduction :

Un chapitre en deux parties :

      _le 12 : un G mécontent de tout qui a une analyse politique floue 15; quelque chose grince en lui 16; il va essayer d’oublier ses contrariétés à Palerme;
        _ le lendemain, c’est la visite de Tc qui semble posséder la bonne analyse de la situation et rend son oncle de meilleure humeur.

    Nous passons de la nuit réelle et du brouillard politique à la sauvagerie lumineuse d’une journée sicilienne où tout semble enfin compréhensible et même rassurant.
   De façon concertée le N nous offre un G courroucé puis un G cherchant la chair féminine fraîche et enfin un G qui se veut clairvoyant après avoir été éclairé par Tc.
    Un Jupiter tonnant, un Jupiter courant après une mortelle, un Jupiter serein mais qui s’inquiète sur la légitimité de ...Jupiter....41

  Un chapitre  qu’il faudra justement méditer pour  forme circulaire .


                    1/UN CHAPITRE D’EXPOSITION



    Incipit hautement symbolique avec le texte du Rosaire (note 1). Maintenant et à l’heure de notre mort...Fin du JE VOUS SALUE MARIE..


        1/INFORMER LE LECTEUR: une fausse impression de statisme répétitif chez les Salina.

les données spatio-temporelles:

-localisation : la Sicile et Palerme, solaire et nocturne:


        -Sicile dominée par la lumière frénétique 26, la stupeur 42


          - l’espace de Palerme (avec la Conque d’or 25 (environs), le mont Pellegrino 37), sous un soleil fanatique (sorte de ferment qui aérise les choses 42) ou de nuit avec les parties conventuelles (25 sq) qui l’occupent tellement en même temps que des foyers inquiétants de rebelles;

             -l'espace des Salina (infra).



            [-la “Sicilitude” apparaît 38 tôt :dans la réflexion du G (secret éventé) et dans la déclaration sur le SOLEIL, souverain authentique 42]



            [prolepse dans le cours : l’espace au plan narratif et symbolique doit être pensé comme un espace géographique, social et cosmique : on pourrait opposer dans la conscience du G,  le cosmique aux lois stables et le sublunaire, le vivant, les hommes, le désordre..La prière du Rosaire fixe les êtres et les installent dans un espace  momentanément ordonné...(et un Temps "éternel")...]



-informations temporelles : 12 & 13 mai de 1860 avec un retour en arrière avec l’allusion au 4 avril et au soldat mort. Une nouvelle apportée par un journal renvoie au 11 mai.


        -nous suivons la journée d’un Sicilien, ce qui devait être le titre du roman au début. Du 12 à partir du Rosaire pour finir sur la même prière du 13=>


                -la prière, la sortie dans le jardin, le repas, la sortie sexuelle, la nuit agitée, la toilette du matin 31 avec la venue de Tc, la visite des subalternes, l’entretien avec PP dans l’observatoire, le  repas de midi 46, le plus important, la sieste, le “courrier “et le journal: enfin retour du Rosaire.



un personnage qu’on découvre en premier et par la voix 9; il fait vite figure de protagoniste : un lien immédiat avec le titre, l’animal héraldique (emblème du Guépard sur la soupière p.21( attention un GUÉPAR DANSANT...(dans la réalité vous savez qu'il s'agissait d'un Léopard) argenterie..Ce sera encore plus frappant avec le G partout à Donnafugata) Un héritier d’une grande famille, une ascendance, une descendance.Dont on nous dit très vite premier et DERNIER de la lignée 12.


   * Un félin redouté, un animal appartenant à l’aristocratie des félins .

    • un corps de félin :


    -stature gigantesque (11 “immense et très fort “; grosse patte 22 mais doigts délicats 33 ; un pas vigoureux 33; longues moustaches 34);


    -autre élément physique : blond, yeux clairs qui viennent de sa mère, allemande ; le reste des Siciliens apparaissant comme  bruns et « olivâtres » aux cheveux de jais 12.


      -le G est encore fier de son physique 33;



  •un aristocrate : le blason bien sûr, son titre de Prince ; on aura connaissance d’une  audience royale (parmi  bien d’autres) à Caserte 16. Un propriétaire imposant à Palerme et en 2 à Donnafugata.


  •  un félin redouté
   
     - on l’attend debout pour manger 21; on mange en silence et tout le monde est muet de crainte 21 sous son regard ; sa colère est reconnue au bruit 21 de la louche contre la soupière; il a l'habitude de tordre les couverts  cuillère : colère bruyante 43

        mais on nous dit qu’il est d’une bonhomie foncière 47; qu'il peut-être cordial 48 et même qu'il a honte de traiter les fermiers comme le roi le traita lui.


    *un héros  dont le N connaît la vraie nature 26


    -un être a double facette, héritage parental encore :


            -il tient du père une certaine lascivité, sensualité,un laisser-aller (dans les besoins sexuels qui s’expriment sans que personne n’y trouve à redire (surtout pas sa femme et à peine son confesseur) : cf Mariannina, rappel de ses aventures avec Sarah. Il se jutifie intérieurement par la faute de sa femme bigote hystérique mais admet ses  remords 29 (un porc 30).


            -il tient de sa mère Caroline, outre un orgueil 12 démesuré (devenu arrogance capricieuse), un goût



-pour l’autorité, la rigidité morale (avec des scrupules moraux perpétuels qui le font ergoteur 28) compensée par sa sensualité),



-pour l’abstraction qu’il tient de sa mère (cf sa passion pour l’astronomie (prix d’astronomie à Paris 29); cf dialogue dans l’observatoire avec Pirrone 41 sq ) et les calculs mathématiques qui lui donnent l’ataraxie 35 (sa morphine) et une certaine distance à l’égard de tout ce qui existe 45 et un rattachement à l’UNIVERS 45) (anticipons: la mort au cœur des des plus belles abstractions s’insinue déjà)
        -importance de la nécessité 15

     Il aime méditer sur tout comme le prouvent de fréquents monologues intérieurs ( jardin, coupé, avec PP)



    =>un être qui a l’orgueil de sa classe, regarde de haut les autres, méprisant son fils et Malavica 15 porte-parole des amis, des sots (il conseille à Paolo de discuter de politique avec son cheval alezan), devinant leurs arrière-pensées : un être a sa tendresse sans l’épargner parfois : son filleul Tc qu’il aime comme un fils et mieux que les siens 24. Rappelle durement à son fils qu’il COMMANDE ICI 50



 =>une vie dominée dans une représentation verticale :


                 -par Dieu 30 (avec des arrangements),


                 -le roi (en principe 16), le drapeau blanc avec l'or fleurdelisé 33,


                -le principat, la domination éclairée 34 :qui commande aux autres comme on commande à des chiens  sans jamais se déprendre de sa courtoisie innée 45, de son humour sans illusion : un paternalisme 36 rude, arrogant  mais sans brutalité excessive; une bonté indifférente souvent 43.


    =>Un homme qui a une conception de sa classe comme ayant dépassé le goût de la richesse pour elle-même 35.Sa philosophie de la propriété est la suivante :
            un aristocrate oublie la cupidité(si importante ches Sédàra bientôt ) et  dépense  en art, en plaisir, en dons (sa façon souvent d'acheter l'autre)



      Observons que l’être le plus proche de lui, son chien Bendico déjà si présent dans ce chapitre (le premier nommé et le premier en scène jardin 13); dans son activité desordonnée d’un homme vu des cieux 45;


    Concluons provisoirement sur un trait de psychologie cardinal :l'orgueil du G et sa passion pour les maths se sont associés pour lui donner l'illusion de dominer les astres (il alla jusqu'à s'approprier deux étoiles en les baptisant de son NOM et de celui d'un de ses chiens aimés.. Son problème : comment commander aux hommes, à l'Histoire...

(à suivre)

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27 janvier 2008 7 27 /01 /janvier /2008 04:52


LA NUIT DANS R & J

Dans une pièce hantée par le désir et la mort, quelle est l'importance de la Nuit?


 I-DANS LE TEMPS SUPPOSÉ RÉEL DE L'ACTION :UNE ALTERNANCE COMPLEXE ET DÉJÀ SIGNIFICATIVE

          •vite fait : rappel de la répartition temporelle des actes : cf cours sur le Temps.

          • de jour :

ACTE I (dimanche 14 juillet) =>  de 1 à 3 (DU DIMANCHE MATIN (9 HEURES) à une heure imprécise : la rixe  dans la rue et en famille (chez les Cap)
ACTE II (14/15 JUILLET)=NUIT DU DIMANCHE AU LUNDI, après le balcon : aurore,matin  midi, moment du mariage ,dans l' après-midi mais aussi dans le secret de la cellule du moine.
ACTE III=LUNdI 15 JUILLET : dans l'après-midi , en pleine canicule: scène de rue, deux morts.Ju attend R et souhaite la venue prochaine de la nuit pour accueillir R: elle subit le retard de la N tandis que R dialogue avec FL et songe à se suicider : heureusement avant de partir en exil il va rejoindre J dans la nuit (échelle de cordes).

ACTE IV=MARDI 16 JUILLET-suite-: visite à FL , stratégie du simulacre de mort.Comédie de j qui joue les repentieset "accepte" apparemment le mariage avec Paris.

ACTE V= MERCREDI 17 & JEUDI 18 JUILLET.

            -MERCREDI :R À MANTOUE.Faute de message,il croit Juliette morte.Élabore son plan de suicide.

    Tout à la fin un "soleil endeuillé ne montre pas son front".On promet des statues qui brilleront à jamais...


            • de nuit :

ACTE I=retard des compagnons de R et bal masqué : coup de foudre et coup de sang de Tyb.

ACTE II (14/15 JUILLET)=NUIT DU DIMANCHE AU LUNDI : le balcon, si important.

ACTE III=LUNdI 15 JUILLET, SOIR PUIS AUBE DU MARDI. Nuit d'amour jusqu'aux adieux très tard, dans le jour naissant (à cause du bannissement: entre nuit et aube, entre rossignol & alouette) et jusqu'à une querelle chez les Cap' qui isole un peu plus J.

ACTE IV=MERCREDI commençant.nuit de l'absorption du poison bénéfique (elle évoque le caveau déjà148). Milieu de la nuit, trois heures du matin 149),  découverte du corps de J au lever du jour

 ACTE V: MERCREDI 17 & JEUDI 18 JUILLET.

       
       -JEUDI 18:Plus de minuit chez frère Laurent. Dans trois heures J va se réveiller
            -milieu de la nuit, cimetière
            -morts, suicides

QUEL BILAN PROVISOIRE ?


        R&J est une tragédie équilibrée mais qui donne nettement l'impression d'être dominée par le nocturne.
        Les grandes scènes d'extérieur, violentes, sont de jour.Hormis l'espèce de mise à mort  symbolique de J par ses parents en fin de III: nocturne et intérieure.
        Les scènes d'amour et de désir (sauf mariage) sont de nuit et vont de plus en plus près d'une nuit encadrant la mort. Une scène mêle nuit (cadre) et lumière (torches ): le baiser du bal masqué.



    II-UN ÉLÉMENT POÉTIQUE & DRAMATIQUE :

                    a) poétique :développez avec

-la belle évocation de la queen Mab, du moins au début de la tirade de Merc. "Reine de la Nuit", reine des rêves (les créant, les développant, les amplifiant).

-les célébrations de la nuit par R (la langue des amants dans la nuit ...72) et surtout par J dans son si bel hymne ( de III,2 : cf cours).

  =>   Dans ces deux cas, le lyrisme domine comme dans presque toute la scène du balcon.

-plus tragique il y a aussi une poésie"gothique" de la nuit dans les craintes de J pour son réveil dans le caveau IV,3:148

-je vous laisse improviser sur le tragique nocturne : tirade de R avant sa mort, avec l'énigmatique allusion à l'éclair.

                    b) dramatique :elle sert l'action, l'accompagne.De façon très nuancée.

Commençons par

        * l'inaction : dans le premier acte on apprend que la nuit est un refuge et une fuite : Rosaline l’inaccessible rend le jour insupportable à R qui est poussé à vénérer la lune et à créer une nuit artificielle tout le jour. Nuit du mélancolique qui cherche une harmonie avec son âme. La nuit favorise le désespoir "littéraire" de R. Son inaction.

        *peu de temps après, elle est l’occasion de la rencontre des amoureux:

-dans la lumière artificielle de la soirée de bal.
-dans la nuit du verger et du balcon : elle sert leur audace, leur défi.
-dans la nuit d’amour (moment du seul contact charnel entre eux) qui précède les adieux .

        *elle est au cœur de la pièce qui selon moi a deux foyers (mort de Merc) et hymne à la nuit 108 : dans ce dernier il y a un appel à la nuit amoureuse naturellement mais avec une association immédiate avec la mort.

        *elle est  doublement là au moment de la mort (nuit + nuit du caveau):
-le tombeau consacre l’impossible survie d'un amant sans l'autre mais aussi  leur séparation définitive.
-auparavant dans la nuit de Mantoue R aura rêvé de sa mort et de sa résurrection en empereur: Mab a dû jouer un de ses tours...

    
    =>Mais le dramatique est inséparable du symbolique.


        III-LA NUIT: UN ÉLÉMENT SYMBOLIQUE fondamental dans la présentation de la PASSION et de son univers :

   • il est capital de noter l'évolution de leur rhétorique amoureuse, signe d'un microcosme qui voudrait jouer un grand rôle.

                *au bal masqué, R la voit le premier et tout de suite, lui l'amant mélancolique de la nuit lunaire, est saisi par l'éclat solaire de J, le jewel, le joyau qui

1-rehausse la clarté des autres lumières  54 V42 et
2-scintille de façon absolue dans la nuit  COMME UN BRILLANT  à l'oreille  d'une Éthiopienne.

            *dans la scène du balcon, J semble solaire à R 64 et mérite de tuer la lune; R fait l'hypothèse d'un échange entre étoiles et yeux de J: dans les deux cas, ce serait une défaite des étoiles : les étoiles devenues yeux seraient inférieures en luminosité aux joues; les yeux de J devenues étoiles seraient tellement solaires que les oiseaux seraient égarés se croiraient en plein jour.

    On voit l'importance du céleste mais aussi  que la cosmologie est étrange : J est d'une lumière égale au moins au soleil sur fond de nuit et en même temps elle valorise les autres lumières.

                *dans l'hymne à la nuit 108 J va dans le même sens pour R qui est le soleil de sa nuit: elle rêve à la mort de son amant découpé en son corps qui deviendrait petites étoiles et ferait que le monde n'adorerait plus le soleil mais la nuit étoilée.

        Résumons : sur fond de nuit essentielle, la lumière des amants l'un pour l'autre et pour tous les vivants serait celle des étoiles devenues plus éclatantes que le soleil.

    Nous sommes alors dans "l'utopie" du désir passionné : monde idéal qui modifierait le monde entier et imposerait sa temporalité. Harmonie de nuit et de lumière avec une dominante, la nuit stellaire supérieure au jour. Appropriation du lumineux, dépassement du solaire.

    • mais nous sommes aussi dans l'idéalisation et le rêve d'une modification du monde régi par la passion:seulement la réalité se rappelle aux amants. Sous la forme de la vengeance de R tuant Tyb avec l'aide de la FUREUR À L'OEIL DE FEU, en pleine canicule104.

        Ils n'imposeront pas leur monde au monde.

        - voyons une preuve (éclatante et d'une grande poésie tragique) de leur difficulté à imposer leur monde projeté sur le monde réel : après la seule nuit passée ensemble, ils en sont à hésiter entre rossignol et alouette. L'alouette messagère du jour l'emporte infailliblement et  SÉPARE [LEURS] CORPS....125. À jamais.

    =>La tragédie de R & J tient à beaucoup de causes mais l'une des plus fortes est dans le secret de leur passion et de leur action: la nuit les protège un temps, elle leur sert de refuge où ils pensent réunir les contraires harmonieusement. Bien vite le couple n'aura plus prise sur le monde du jour et la nuit les prendra.

        Certes J traverse la nuit pendant 42 heures pour renaître à la passion : mais il y a eu contre-temps, méprise et la nuit jointe à la nuit du caveau va venir "sanctionner" ou attirer le couple dont chaque membre mourra proche de l'autre mais séparé. Il reste que R  verra en imagination une J illuminant le caveau pour Pâris, et qu'il avalera un poison qui sera une explosion qui unira la poudre et le feu, sans doute dans la forme de l'éclair (béni de leur rencontre mais dont J se méfiait 69). J se poignardera pour rejoindre la nuit sans au-delà, en regrettant de ne pas avaler le même doux cordial que son mari 174. R ne parlant pas d'au-delà non plus mais voulant partager le tombeau avec les vers caméristes de J.

        Le nuit qui devait éclairer les hommes de façon lumineuse dans le désir sincère des amants aspire le couple, et son double, la mort pansue 169 va les avaler pense R, devenu plus féroce qu'un tigre 168 et se disant fou 169. R le disait très tôt : la nuit sans J est 1000 fois plus sombre quand elle perd la lumière de J 71.

La fin viendra confirmer que le rêve d'abolir l'alternance du temps au profit d'une conjonction harmonieuse d'opposés est mort avec le couple. On peut par "nominalisme" songer à changer de nom (la pièce prouve que c'est difficile) mais on ne change pas l'ordre du monde même s'il est ressenti comme désordre.

            • faut-il aller plus loin ? Ce serait suivre la belle étude de  JK mais je vous laisse tranquille sur ce point.

cl : un mot énoncé par J dit la vérité du couple : il est question de météore 124 "que le soleil exhale / pour être cette nuit le porteur de flambeau de R". D’autre part il n’est pas sûr que l’or des statues qui doivent illuminer Vérone soit très approprié...sinon dans la nuit...


Et si Mab, puissance de l'illusion et du rêve  n'avait pas finalement gagné?
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17 janvier 2008 4 17 /01 /janvier /2008 17:36

Notion commune aisément compréhensible mais finalement assez peu définie.

    Ce n'est pas l'ironie classique où l'on dit le contraire de ce que l'on veut dire.
    l'IT suppose une situation où entrent en contraste une attente, une proximité et où ce qui promettait d'être heureux se retourne en crise, en catastrophe. La fameuse phrase "Et tout change en son contraire"participe à sa façon de l'IT.

    On peut distinguer l'ironie dramatique fondée sur l'ignorance d'un personnage ou de plusieurs et la connaissance du spectateur: elle relève du discours (ainsi R trouve J bien vivante dans le caveau: et pour cause, elle est seulement endormie). L'ironie tragique relevant du discours et surtout de la situation.

       La plus célèbre tragédie antique avec ANTIGONE est
OEDIPE ROI dans laquelle le spectateur connaisseur du mythe peut comprendre les nombreux vers à double sens et la progression des situations irréversibles qu'Œdipe ne saisit que très tard.

        Il me semble que l'ironie tragique a forcément rapport au temps. Temps du personnage enfermé dans sa temporalité qu'il croit dominer et temps du spectateur qui sait : surtout dans R&J où le prologue I dit tout d'avance.

            L'ironie vient avec tout son poids d'amertume au moment où le tragique s'impose et vient contercarrer l'attente du héros et secrètement, la nôtre.

            Dans R & J W nous offre une quantité impressionnante de cas : le nombre élevé fait déjà sens. La composition de l'œuvre doit être serrée, tenue avec virtuosité. Quand la pièce est finie, on s'aperçoit que le destin, la fortune et surtout le dramaturge ont joué de toute la gamme des formes d'I T.

             Isolons quelques exemples :
Nous avons vu l'ironie de la scène centrale III,1:c’est au moment où a eu lieu le mariage entre un Cap et une Mont, où les liens se nouent secrètement que tout éclate et sur un geste qui montre deux cas éloquents d'I T:

        1)Mercutio était un homme qui dépassait les clivages claniques et qui en meurt et provoque tout ce qui va réveiller la haine. Si, par hypothèse, il voulait sauver son ami, il l'enferme de façon plus grave dans le conflit. À long terme, le geste de Merc poussera le couple à la mort.
               2) le geste bienveillant de R donne lieu à la mort de son ami.

 Double ironie tragique.

             Le cas de FL est significatif : maître du temps, défenseur d'un temps ni trop lent, ni trop précipité, il est piégé par un retard dans un message et une course trop précipitée de R.Le mariage qui paraissait une bonne solution devient un piège de bigamie avec la volonté de Cap d'accélérer les choses après la mort de Tyb que J est supposée pleurer...


    La forme la plus cruelle d'IT est bien dans la question du temps: il suffisait de quelques secondes et tout était possible dans le caveau. La comédie de la mort est prise pour mort réelle par R.

        Thématiquement la pièce commence avec un R amoureux de la nuit; avec J il rêve d'une nuit lumineuse; lui et J meurent dans un caveau : lui en avalant un poison qui doit imploser en lui et avoir l'effet de la poudre et du feu...

    Le travail de W va jusque dans le détail d'un mot: dans la scène du baiser en fin de I il est question d'un PIEUX (HOLY) baiser; au moment de mourir, R veut donner un pieux (RIGHTEOUS) baiser. Entre les deux, une passion de 5 jours....et un Pâris qui donna lui aussi en guise d'adieu
dit-il 140 (mot du texte en français) un HOLY KISS. Il ne la reverra que morte - de façon simulée, sans même la revoir vivante.

cl=Dans un monde instable et ambivalent, l'ironie est la loi du regard tragique.

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17 janvier 2008 4 17 /01 /janvier /2008 09:42
  

 QUE REPRÉSENTE PÂRIS DANS R & J?
  
  Paris apparaît cinq fois (I,2 ; III, 4 ; IV1 et 5 ; et V, 3), ce qui est peu, mais il va représenter un ordre social, il aura un rôle dans l'action et son amour définira en creux la passion dont il ne semble pas capable.

  Scéniquement, symboliquement Pâris apparaît en I juste après la sortie de R. On ne soupçonne pas alors qu'ils seront ensemble à la fin, dans le tombeau des Cap.

    I/QUI EST-IL? Il représente un beau parti pour les parents de Juliette.

      -aux yeux des Cap, il est un jeune homme (129/132) vaillant 129, un gentilhomme véronais 129 de haut lignage 132, qui a toutes les qualités, et surtout du bien 132 (ce qui intéresse beaucoup le père Cap). Un jeune homme qui regrette la haine opposant les familles 36 Cap et Mont.

    -pour Lady Cap, P est très beau et son visage a une rare harmonie: cf 45 métaphore filée du livre.

    -il demande en mariage J (requête 36) au premier acte mais essuie un refus de Cap, ou plutôt son futur "beau-père" lui demande une sorte de délai à cause de la grande jeunesse de sa fille ; en même temps sa femme voudrait accélérer les choses, ce qu'elle fait clairement comprendre à J.

        -dans les soutiens qu'il a dans la famille, il faut compter sur celui, à éclipses, de la N: admiratrice de P en I, elle penche ensuite pour R avant de revenir en fin de III à Pâris (R lui apparaissant comme "une lavette").

        => Jeune, riche, respectueux des codes sociaux véronais, P est un parti idéal.


        2/QUE REPRÉSENTE-T-IL DANS L'ACTION ET L'INTRIGUE?

      • ce qu'il n'est pas:

            -jamais un rival pour R: c'est vaguement  après l'avoir tué, qu'il se souvient que son valet lui a parlé de P comme prétendant 170.

           -jamais une tentation pour J qui ne le recontre qu'une fois (en fait deux mais au bal elle ne l'a pas vu, éclipsé qu'il fut par R) chez Fl au début de IV et où il se comporte comme en territoire conquis: J fait preuve de beaucoup d'esprit : ses réparties sont cinglantes.

                  -il sert même d'alibi à J dans sa stratégie de gain de temps (129): elle qui n'aime pas l'idée de faire la cour s'étonne qu'on la marie si vite avec quelqu'un qu'elle connaît à peine.


      • profondément il représente  involontairement un obstacle : en effet le mariage accéléré (J est supposée pleurer Tyb : expliquez vite fait la situation de III et IV) va faire de J une bigame et elle ne veut surtout pas connaître une nuit de noces avec un autre que R (133/140): elle qui n'évoque pas souvent Dieu s'interroge sur l'action divine et elle se jette dans l'entreprise dangereuse de la mort simulée 141 malgré ses doutes et ses angoisses 147.



        3/QUE REPRÉSENTE-T-IL RÉELLEMENT? L'ANTI-ROMÉO : l'amoureux et non le passionné.

                -il aime incontestablement J, il est impatient de l'épouser 123; il a une attitude très digne à l'annonce de sa mort et comme il a respecté le code de la demande en mariage il pratique le rite qu'il faut rendre à "l'épouse" morte 167: il viendra fleurir sa tombe avec régularité. Et évidemment il ne comprend pas que R (qu'il croit être l'assassin de J) puisse venir profaner la tombe de son amour.169


                                  -c'est justement sa limite : il aime d'amour, il respecte tradition, code, il es incapable de comprendre une passion, même s'il meurt avec courage et dignité. Il devait assagir selon les Cap J...Vision bien religieuse et répressive du mariage. Il était un placement et un nouveau père ...


                                      -sans être nullement un repoussoir (choix discutable de certains metteurs en scène),  il fait pâle figure face à R et surtout à J. R pourtant ne le méprise pas, il l'accueille dans le tombeau, il lui promet une lumière donnée par J pourtant morte et lui tend la main.

                                       -sa mort le révèle : il est courageux et il meurt pour défendre la mémoire de J. Pas pour J.


cl : personnage secondaire, ignorant presque tout de ce qui se tramait (il croit R responsable de la mort de J!), agent involontaire de l'accélération des faits sur la fin et victime, il met ainsi en valeur le duo d'amoureux et son écart absolu avec un ordre social que lui-même symbolise avec noblesse (154) et sans doute fadeur.

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15 janvier 2008 2 15 /01 /janvier /2008 05:42



    SANS TENIR COMPTE des apports et des initiatives des metteurs en scène qui délaissent souvent les indications d'un auteur ou la logique de son texte, les objets sont pourtant  bien présents dans une œuvre théâtrale : chez W on aura les didascalies empruntées au Q1, les didascalies intérieures au texte (implicites), les objets désignés dans les dialogues et appartenant à l'univers réel mais aussi à l'imaginaire des personnages (le carrosse de Mab ou l'obsession du canon chez R).

    Traditionnellement sur scène les objets ont

    1)UNE FONCTION RÉFÉRENTIELLE: elle sera limitée chez WS pour plusieurs raisons.

            • Si  le théâtre élisabéthain multiplie à foison les accessoires, Sh n’en fait pas un usage immodéré : classiquement l’objet est un signe qui feint de donner rapidement des indications sur le réel supposé de la pièce. Toutefois le prologue de R+J parle tout de suite de “stage”/scène. Aucune confusion, aucune illusion durables n’est possible.

              Mais il faut tout de même un cadre de représentation, fût-il avant tout imaginaire.
                Ainsi un bourgeois qui vient en I,1 demander l’arrêt des rixes entre Cap et Mont en représente une cinquantaine et donc une cinquantaine d'armes et une partie active de la ville : la scène sh est économe en moyens et demande de l’imagination au spectateur.
                 Très modestement encore mais donnant tout de même une clé "morale" et politique en arrière-plan de la pièce, un objet circule discrètement : l'argent dont seront privés les musiciens et l'or poison que R donne à l'apothicaire...


                    • Ses références supposées à l'Italie ne sont pas envahissantes : W ne table pas sur la couleur locale, le pittoresque facile. Nous aurons plutôt des objets liés à telle ou telle catégorie : les armes des rivaux (à vous), les instruments des musiciens (156 sq), les flambeaux de la fête (mais on sait que le théâtre à Londres se joue en plein jour..), les éléments qui relèvent des serviteurs et cuisiniers (I,5=52/53=dressoir, tabouret etc). On saura que le sol est en roseau 48.

                    Le costume est parfois évoqué : Mer qui a des souliers de bal en cuir 47 dit que R porte des culottes à la française (81) et parle en III,1 de souliers et vêtements 98. On sait que Merc en vient à regretter que Tyb soit italien...ce qui est pour le moins curieux et affiche une belle désinvolture de la part de W.

    Cette dimension référentielle ne retient visiblement pas W.Il préfère souligner la



        II) FONCTION DRAMATIQUE : les objets ont leur place, leur rôle dans l’action et ses conséquences. Ils sont souvent  liés à l'idée de  contre-temps.

       • la communication est essentielle  dans la pièce et c'est elle qui permet la passion et la "condamne" : l'écrit, la lettre, le message ont une importance capitale dans l’évolution de la tragédie:

-l’invitation lancée par Capulet est transmise par un serviteur illéttré : R en prend connaissance. Beaucoup se joue là.Surtout quand on sait le contenu de la prémonition de R( à vous).

-après sa crise de rage à peine maîtrisée par Cap, Ty a écrit une lettre aux Mont, lettre qui inquiète Merc en II et n’est pas étrangère à son acte de défi en III,1.

-quand R est exilé à Mantoue Fl lui écrit ce qui va se passer : mais la lettre est bloquée (peste). La catasrophe se précipite.

-quand tout est fini la dernière lettre de R vient servir de pièce à conviction dans le jugement de Prince.


       => l'écrit provoque la rencontre, annonce le défi de Ty, provoque la mort de R et sert de preuve. Trajet complet.


        • est-il utile de souligner le rôle des armes voire des couteaux ? Elles défient (avec une fréquente connotation sexuelle), elles ferraillent, elle tuent et provoquent un enchaînement d’actions fatales. Dév (sans raconter) III,1 qui donne lieu à une tentative de suicide, retenue pour R en III et "réussie" pour J à la fin.

            • un objet joue un rôle actif, ambivalent et décisif : la fiole.
-l'une pourrait sauver le couple en contenant les herbes qui permettent  un simulacre de mort ;

-l'autre délivrée par l'apothicaire permettra une mort par implosion foudroyante. Elles ne sont pas pour rien non plus dans l'
ironie tragique.

Évidemment, et nous y sommes déjà, ce qui importe ce sont les


    III/FONCTIONS SYMBOLIQUES:


    • On ne saurait être surpris par la dimension théâtrale du monde : W en a fait un des postulats de son œuvre.

    Le masque est présent au bal des Cap, lieu du coup de foudre. On mesure vite que R va changer du tout au tout comme J, mais elle, plus discrètement : fuyant la comédie des êtres, ils vont toutefois garder un temps le masque social (le"manteau" de la nuit) pour préserver le secret de leur passion : en IV après un moment de révolte et pour entrer dans les plans de FL elle jouera la comédie de la fille obéissante et prendra même le masque de la morte...
    Plus caché encore semble Merc qui réclame un masque à l’entrée du bal. Il est celui qui a joué toute sa vie un rôle de composition avec le masque du jouteur verbal cynique que la mort lui arrache soudain. Le masque de la haine que portaient les familles tombe aussi (peut-être) avec la révélation de la mort des amants.



    • la haine, la mort et l’amour irriguent, innervent toute la pièce. Leurs tensions sont renforcées par des objets qui les résument:

            -l’amour est évidemment symbolisé par les cordes de l’échelle que R emprunte pour monter chez J et lui faire un adieu qui sera définitif (à la fois lien audacieux et signe de départ qu'on saura définitif). Le O de l’anneau a une place banale mais significative : il dit le secret de ce mariage qui transgresse toutes les lois et il est recherché par R à la fin quand il la croit morte : il veut en faire un usage très cher 168.

               
-la haine est condensée dans l’arme que l’on saisit très vite (inutile d'insister) mais l'amour fait aussi appel aux armes (on se souviendra que Cupidon et ses flèches sont très insistants dans la pièce). L’amour et la mort sont liés par un objet qui n’est pas sur scène mais hante le discours de FL et de Roméo: le canon, baiser de feu et de poudre qui se retrouve dans le poison de l'apothicaire. Il y a aussi (peut-être) de "l’extatique" dans le poignard quand J se tue.

    • l’ambivalence de tout (l’instabilité des choses, la réversibilité des objets et l'inconstance des êtres prisonniers du temps) est magnifiquement méditée par le discours théologique du FL
: son modeste panier contient des herbes qui ont deux capacités contraires, elles peuvent êre suaves et tuer. La fiole concentre, condense tout ce qui est (choses, objets, êtres). Celui qui est le mieux à même de comprendre cette ambivalence l'oubliera et en sera lui aussi "victime".En même temps pour R comme pour J le poison sera vécu comme un cordial 165/174 et non un poison.


cl : avec peu d'éléments, W parvient à donner une richesse dramatique et symbolique aux objets. Il le fait jusqu'au bout de la pièce. On promet  l'édification de statues. Elles seront  un élément qui symbolise la morale (?) de la pièce ou peut-être une morale à bon compte:  elles sont  aussi bien ambivalentes selon le regard qu'on leur accorde. Je vous renvoie à mon cours sur L’ÉPILOGUE.(III)

[Je gage que la pièce, le livre sont les vrais tombeaux des amants : livre qui ne donne pas des imitateurs comme R au début de la pièce imitait une attitude littéraire (pétrarquisme, euphuisme) ou des lectrices comme lady Cap' qui ne voit dans un livre qu'un objet de comparaison amoureuse (Pâris) dans une négociation de mariage.]



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11 janvier 2008 5 11 /01 /janvier /2008 05:23

AMOUR ET MORT

    L’Occident quand il représente l’amour est souvent hanté par son lien avec la Mort. Ses grands mythes en témoignent. Est-il besoin de citer Orphée et Euridyce, Pyrame et Thisbé que W mit en scène (pour s’en moquer) dans SONGE D'UNE NUIT DÉTÉ, Didon et Énée, Tristan et Yseut qui connaîtra son expression ultime dans l'opéra de Wagner. Sans oublier le couple plus modeste mais si important (Écho et Narcisse) que l'on entrevoit dans R&J.

    Occident qui de Platon à Freud s'interroge sur EROS ET/ou  THANATOS.

        Voyons ce que nous montre  R & J sur ce couple d'opposés qui ne le sont pas toujours. Le prologue nous avertit : il s'agit " Du cours d'un amour destiné à la mort" ou mieux "De l'effroyable cours de leur amour fatal". "THE FEARFUL PASSAGE OF THEIR DEATH-MARKED LOVE". Amour marqué au fer brûlant de la mort...


        I-LA PASSION COMME ÉLAN DE VIE QUI CHERCHE À ÉCHAPPER À LA "MORT" DES VIVANTS ET À LEURS CONFLITS:

        a)un idéal paraît discrètement dans la pièce : éliminer par l'amour, non la mort, mais ce qui mène à la mort réelle ou symbolique : la haine ou le commun.

        Songeons à l'étonnante déclaration de R, dès sa première apparition : dans le conflit des familles, sous la haine, il devine beaucoup d'amour 32/171. Peut-être que son amour à lui (qui ne s'est pas encore déclaré -il croit encore aimer Rosalyn) a cette ambition de révéler la part d'amour dans ce qui fait couler le sang à Vérone selon le Prince. Mais les choses changent avec J.

        Point complémentaire  : l’amour selon FL devrait réconcilier les contraires et mettre fin à la haine : cf citation que vous connaissez par cœur p 77 " C'est de changer....". Mais FL parle de pur amour (connotation fortement religeuse) et il dira plus loin qu'il y a une vanité de l'amour...humain 96. On sait que la conception qu'il a de l'amour est peu conciliable avec la passion de R & J même si eux aussi  défendent un pur amour mais aux élans peu compatibles alors avec le discours religieux.

    La présence de cette ambition de l'amour (ré)conciliateur est incontestable jusque dans la solution de la vivante faisant la morte (discours de FL 120v150/1) et c'est aussi au nom de l'amour que R veut expliquer à Tyb qu'ils ne doivent pas se battre: la part d'illusion ici est majeure.[ C'est le rêve ( magnifiquement) utopique d'un changement des autres qui s'aligneraient sur leur effusion à eux. Chacun est un peu vistime de Mab....]


        b) autre point : la vie des autres est perçue
symboliquement par le jeune couple comme mort lente, un sursis avant la mort (relisez ce que dit J quand elle oppose jeunes et vieux 91!! Les vieux font souvent les morts):l'éclair dont parle J a été fondamental.

    -R+J rejettent plus ou moins inconsciemment le temps des autres, l'amour dont parle avec nostalgie Cap (courir les souris 149), l’amour entendu comme négociation (à vous cf la déclaration de Cap'132 et les approches en I de sa femme), comme inscription dans un temps orienté d’avance, fléché, et finalement  répétitif (naissance, anniversaire, fêtes, accrochages chroniques entre "clans"). Même le fraternel Laurent condamne leur  passion, leur désir passionné au nom d’un amour sage 95.

        =>le temps  commun, celui du quotidien est vécu comme une mort lente.

        c) surtout ils vivent leur passion comme nouvelle naissance, comme négation de toute antériorité, de tout lignage : J demande à R renier son Nom, le Nom du Père (détachement symbolique très fort). Il s'agit d'instaurer une coupure radicale qui ouvre à un autre Temps, celui de la passion, l'Instant. Le couple s'invente même (certes de façon métaphorique) une nouvelle cosmogonie où l'ordre du monde est inversé, le temps transformé: les étoiles ont une luminosité supérieure au soleil....Un espace intérieur se dessine en chacun : l'autre aimé est intégré au "moi" de chacun, et ils ne peuvent penser vivre sans l'autre.

  =>  Est-ce à dire pour autant que la mort soit absente ? Non. Nier les autres ou ruser avec eux au nom de la passion est risqué et sur un autre plan J fait tôt l'hypothèse de sa mort (en rêvant que la Nuit découpe le corps de R en étoiles humiliant le soleil 108). Nous sommes pourtant à l'acte III, dans la nuit qui promet le premier contact charnel...

    C'est dire si


   II- LA MORT BORDE ET HANTE LA PASSION DES AMANTS :

la mort ici est immanente à la passion selon J. Kristeva.

        a) la haine, désir de mort de l’autre ou d’autres, peut surgir, même chez nos passionnés :

    -J promet à R de le tuer à force de le chérir 73 ; on a vu qu’elle demande à la Nuit de découper le corps de R pour en faire des étoiles : il n’est pas possible en tout cas que R lui survive....

    -J est d’ailleurs celle qui comprend le plus vite que la haine mortelle des familles est un aiguillon de leur passion.

    -surtout en III,1 R est repris quelques instants par la haine, par une passion haineuse qui lui fait oublier sa passion : il tue alors dans la famille de l’aimée (certains y voient une ruse de l'inconscient..). Ce qui déclenche tout.
Mais ce qui donne, après un instant de doute, une sorte de surcroît d’amour et de puissance de simulation à J qui devient comédienne des larmes..devant ses  parents. Elle arrive à faire croire que ses larmes pour R sont des larmes pour Tyb (cf son discours à double entente 128/9).Ils vont s'aimer dans la nuit sur fond de mort...

Plus troublant

        b) mort et amour sont associés très tôt par les deux amants:

Quelques citations :

    *du côté de ROMÉO :

-quand il est encore amoureux de Rosalyn, il parle comme un malade qui doit faire son testament 34;

-dans le même contexte il se donne comme un mort-vivant;

        * à ce moment on peut penser à une "comédie" sincère du mélancolique influencé par des écrivains.

            *mais on retrouve ce penchant dans sa passion pour J:

-avec elle, il dit préférer la mort à l'absence d'amour de J 67: c'est amour ou mort.

-plus curieusement au moment de son mariage,  il songe sans frémir déjà que la mort dévoreuse 95 peut lui ravir J : FL en conclut à une passion fascinée par l'Instant et il le sermonne.

-en outre alors qu'il n'est que banni, il tente de se suicider (la tentative de J n'est pas  du même ordre) nb 119 : il ne cesse de confondre exil (J à quelques dizaines de Kms) et mort 115. J sur ce point va dans le même sens : 112/v 125/6

-à  Mantoue il se rêve mort et ....ressuscité.


    * du côté de  JU

-avant d'apprendre l'identité de R (bal masqué), elle annonce que s'il est marié (c'est pire) "alors c'est dans la tombe que je serai déflorée".

- nous savons que pendant l'attente de R pour la nuit d'amour après mariage elle pense déjà à sa mort et souhaite celle de R 108

- après la révélation de la N, J ne peut envisager une infidélité (bigamie) à R : elle répète qu'elle préfère "que la mort penne sa virginité " 113

-quand J dit au revoir à R 126 elle le voit comme un mort au fond d'une tombe..

-la mort comme dernière  solution apparaît en fin de IV. 135


Faut-il comme certains aller jusqu'à parler de fascination morbide?

  C'est aller un peu vite. La difficulté d'analyse est à mettre au compte de la subtilité de W.

        Il faut tenir compte de l’énoncé et de son contexte : il y a chez les deux une rhétorique amoureuse qui, dans la passion, peut cultiver les formules hyperboliques :

        -124 évident : on joue sur partir et demeurer et R souhaite naturellement mourir pour prouver sa soumission à J et à sa passion. On peut parler de jeu amoureux, sans doute influencé par des lectures. Bien d'autres exemples iraient dans ce sens.

        -plus dérangeant : il est incontestable que d'autres passages vont dans le sens d'un élan fiévreux vers la mort annoncée : R va au bal masqué en ayant une prémonition sinistre. Il s'y précipite.

Et pourtant rien n'est simple parce qu'

        c) il est non moins incontestable que chacun tout de même lutte un temps contre la mort avant de s'y jeter:

    *surtout de la part de J :

-la mort pour elle, qu'elle redoute ou qu'elle souhaite, n’est solution que contre le mariage forcé ; évidemment elle a hâte de mourir, elle a un couteau en main devant FL, S'Il n'a pas de remède 141;

-à ce titre elle est prête à tout 141, elle accepte tout:

        -la mise à mort symbolique que lui infligent ses parents en fin de III (deshéritée, humiliée),

          -la simulation qui pourrait être (elle y pense un instant) un assassinat de la part de FL, qui pourrait mal tourner, et elle doit surmonter ses  peurs d'enfant 141 et ses fantasmes  148.

    C'est la mort de R qui la pousse à se tuer : son monde intérieur meurt avec lui et le monde extérieur n'a plus aucune existence alors. Surtout pas celui que lui vante FL (couvent). En même temps il est vrai que c'est elle qui a chanté la nuit, l'aspiration à la Nuit, antichambre d'une certaine Mort....



       *on doit admettre que le désir de R est aussi très complexe :il a, en certains instants, comme une espèce de hâte  mourir

    -et pourtant  il se  révolte contre les étoiles, contre le destin de mort qu'elles président, certes, il se bat encore contre le monstre avaleur, et quand tout est perdu, il veut ravir à la Mort le corps lumineux de J.


     -tout de même son dernier baiser est troublant : il  veut avaler le poison pour connaître une mort par implosion qui nous rappelle la jouissance explosive dénoncée par FL qui devine en fin de II que la passion de R est à la recherche d'un instant extatique qui mêle passion, destruction et auto-destruction......(passages que j'ai souvent cités et commentés : cf cours sur la mort de Roméo).Le point énigmatique est dans l'éclair 171 que R évoque dans ce caveau en parlant au cadavre de Pâris. Il se ravise, semble y renoncer.Mais l'image lumineuse de l'union brève mais extatiquement intense (jeu sur lighting / lightening) semble la vérité de son choix de mort. Serait-ce un éclair demeuré éclair?

             Pour Juliette non plus, on ne coupe pas à la psychanalyse  avec le couteau phallique qui donnerait une jouissance à J qui ne peut mieux faire s'unir la mort et la petite mort : même J. Kristeva va dans ce sens !(Voir le commentaire de notre traducteur en sa préface 16: hypallage de happy dagger)

    Disons alors que la privation de l'autre équivaut à une mort symbolique qu'il faut rendre réelle : beaucoup d'éléments de leur monde intérieur auxquels W nous rend sensible progressivement les préparaient à ce choix.


        III-l'APPORT DE W à cette dualité très ancienne (qui culmine dans le MILD UND LEISE de Richard Wagner et que Freud voudra théoriser).


    •a• Il montre la complexité inouïe des rapports entre passion et mort chez ses deux héros. Ces contraires entrent dans un jeu
instable où tour à tour ils se combattent, se défient, se rapprochent et finissent par s'unir sans donner une fusion. W a eu le génie de montrer que les amants allaient d'une certaine rhétorique artificielle à une expérience tragique et il a pu en exposer les contradictions. Il a surtout su montrer les contraintes extérieures qui pesaient sur le couple et le mouvement intérieur passionné qui le poussait. R&J n'est pas seulement une tragédie déterminée par une intolérance sociale : elle est, dans ces conditions particulières, une tragédie inhérente à la passion et à un vertige de puissance dont j'ai déjà parlé (rêve d'être empereur : autre cours).



    •b• Il reste qu' il est évident que W en reprnant le canevas légué par ces prédécesseurs  a sauvé les amants en les "tuant", ce qui a présidé à l'élaboration du mythe abondamment réécrit par le romantisme (musical en particulier).

    Quand une passion meurt, le couple survit dans le quotidien et le commun ou il se sépare. Ici la mort des amants met en valeur la force de la passion et nous aimons croire que seule la société est responsable de leur mort, le vert paradis des amours juvéniles étant préservé par la mort R s'accuse d'ailleurs lui-même d'avoir, par sa vengeance sur Tyb, " souillé l'enfance de notre joie" 118. Mais cette lecture gratifiante est discutable car trop sélective. La passion s'étayait, de façon complexe, sur la mort.


cl : sans forcément croire à cette détermination, W nous avait donné un indice symbolique précieux auquel il tenait visiblement: il a voulu insister sur la date d'anniversaire et d'engendrement de J: elle naît en pleine canicule, ayant été engendrée le jour d'Halloween : vie poussée à son excès de chaleur, vie née dans le retour des spectres ..L'excès passionné s'alimente aux sources de la mort et de la vie.

Ce n'est pas hasard si J au moment d'adieux qui seront définitifs parle d'un météore..124


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