21 septembre 2008
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SITUATION:
•Nous sommes en forêt: après son naufrage ( Dj voulait enlever une jeune femme) après la tentative avancée de séduction de deux paysannes, le burladordoit fuir une troupe de 12 hommes qui le poursuivent. Il avait proposé à Sg de prendre son habit pour si nécessaire, mourir à sa place.Le valet préféra un habit de médecin mis en gage...
•Nous sommes en forêt: après son naufrage ( Dj voulait enlever une jeune femme) après la tentative avancée de séduction de deux paysannes, le burladordoit fuir une troupe de 12 hommes qui le poursuivent. Il avait proposé à Sg de prendre son habit pour si nécessaire, mourir à sa place.Le valet préféra un habit de médecin mis en gage...
•c'est la deuxième partie du dialogue de III,1 : alors que DJ vient de dire franchement et catégoriquement ce qu'il pense de la médecine,( qui ne doit ses succès qu'au hasard et aux forces de la nature),il accepte une dispute où il ne s'engage presque pas se contentant d'une seule phrase et de railleries.
• LECTURE
• COMPOSITION DU PASSAGE : deux temps dans cette DISPUTE au sens théologique et oratoire que Dj accepte à condition qu'il n'y ait pas de critique, de remontrance en conclusion.
-interrogatoire de Dj par le valet.
-réplique longue de Sg qui tente d'ironiser sur la belle croyance du burlador.
La scène s'achève sur une chute au sens propre et une malédiction.
ENJEU:QUELLES SONT LES "CROYANCES" EN PRÉSENCE? Peut-on dire exactement ce que croit DJ? Sous un comique d'apparence, une page capitale touchant à la question centrale (la religion) de la pièce mais gardant encore ses mystères et ambiguïtés quant à la conviction de l'impie.
•ANNONCE DES AXES DE VOTRE EXPLICATION:
1)LA FOI DE SGANARELLE: nous verrons qu'il interroge assez vite son interlocuteur puis qu'il explique sa position À PARTIR DE LA PHRASE DE DJ: 2+2=4..
•a•il interroge et se révèle déjà indirectement:
-relisez les répliques jusqu'à "qu'est-ce que vous croyez":
=>on le voit passer sans gêne d'articles de foi fondamentaux à l'expression d'une superstition (moine bourru, fantôme à Noël). On peut trouver que Sg enchaîne vite sur les réponses laconiques de Dj mais, surtout , finir par le moine bourru c'est mettre ce point au plus haut, c'est choquer un public de croyants et c'est se ridiculiser d'emblée.
-Sg ne quitte pas son rôle comique (ainsi il veut bien être un martyr du moine bourru alors qu'il est un pleutre depuis le début de la pièce) et témoigne d'une foi populaire peu orthodoxe.
-son désarroi est malgré tout frappant : il ne comprend pas qu'on puisse se passer de croyance. C'est sans doute un des défis majeurs de DJ.
•b• deuxième temps de la scène, plus éclairant : après l'énoncé étonnant de DJ (2+2), il va maintenant défendre plus amplement sa position, dans une progression légitime mais qui va tourner au ridicule et au burlesque.
•Il entre dans sa stratégie argumentative.
*Premier temps : tenter de disqualifier l'adversaire.
-face au savoir des savants (vers la fin) et de libertins qui ne vivent qu'entre eux ou lisent trop et s'éloignent de la réalité, il va défendre la foi populaire fondée sur le bon sens (pour avoir bien étudié..).. Vieux procès du Savoir qui traverse toute la tradition religieuse: la sagesse lui est supérieure (cf arbre de la connaissance, serpent). En réalité Sg s'abaisse pour se grandir. Il y aurait une vérité de la nescience. [Il y a là,peut-être, une reformulation de l'Évangile:"heureux les simples d'esprit...."]
-aux certitudes mathématiques de Dj jugées abstraites, il oppose les évidences du sens commun ([s]on petit jugement). La répétition du verbe voir (où? à vous) montre qu'il veut s'appuyer sur le concret, le tangible. L’immédiat.
* deuxième temps :conséquence "théorique":
◊ il réfute le matérialisme:
-pour lui, le matérialisme à la façon de Lucrèce ne saurait être un principe explicatif du monde [pour Lucrèce, reprenant Démocrite, il est le fruit du hasard et non de la seule nécessité .L'idée d'un commencement, d'une création du monde, est absurde :il faut le penser comme provenant d'une pluie d'atomes s'écoulant depuis la nuit des temps et qui virent l'un d'entre eux dévier très légèrement sa course (clinamen).)]
- d'où vient alors le refus de Sg? Le valet tient à une Cause première et aux Causes finales [Concepts venus d’Aristote mais retraduits et repensés par quelqu’un comme Saint Thomas d’Aquin qui pensait Dieu comme ordonnateur de l’univers]. Disons plus platement que Sg a une vision anthropomorphique (QUI a fait ces arbres-là? Dieu est visiblement considéré comme une personne) & téléologique du monde [nous retrouverons cette question avec Diderot & Spinoza qui refusent les causes finales].
- Sg ne croit pas à la thèse de certains libertins qui affirment que la matière s'est auto-engendrée (bâti de lui-même, se créer seul (demande-t-il à DJ)) et a avancé par erreurs, essais et options. Il faut à Sg un commencement, une création n'existe pas sans Créateur : un enfant ne naît pas sans parents, dit-il.
◊la preuve par la perfection admirable:
-la perfection du créé est un autre argument : ce qui existe est merveilleux (citez), provoque l'admiration et ne saurait s'expliquer de façon mécaniste. Pour Sg le corps est une machine mais il est plus qu'un assemblage : il admire une composition qui ne peut rien devoir au hasard..de la matière. Il lui faut, là encore, un Créateur.[À propos du mot machine l'interrogateur risque de vous demander d'où vient ce mot : dire qu'il est employé par Descartes qui voit le corps humain comme une machine mais non la pensée; ce qui l'amène à sa théorie des animaux - machines, privés selon lui de pensée: il y a une parenté entre les deux affirmations sauf que Sg n'est pas vraiment Descartes].
-plus bas, il énonce une dernière preuve pour contrer l'attaque ironique de Dj (“raisonnement”): il répète admirable pour s'extasier devant le pouvoir de la pensée qui dirige le corps. Sans doute comme Dieu commande au monde...
=>Sg a de la bonne volonté et sa position, au fond, n'est pas ridicule (elle est jouée dans un registre pathétique chez Lassale) et elle est encore dominante chez ceux qui place la Foi avant le Savoir (il y a quelque chose...que tous les savants ne sauraient expliquer), parfois même chez les scientifiques (avec moins de sottises). Mais malheureusement la forme du discours qu'il choisit, ses expressions sapent l'autorité de ce qu'il dit. Il devient burlesque (savoir la définition de ce mot: je la donne plus bas).
•c• nous écoutons une démonstration qui se détruit de l'intérieur:(gardez ce qui vous plaît)
[-par ses excès (je vois les choses mieux que tous les livres): il bénit Dieu de son ignorance et se vante de n'avoir jamais rien appris. Soit mais jamais est comique et on se demande pourquoi il a cité Aristote devant Gus.]
-par sa maladresse : sa démonstration théologique s'appuie une image triviale (le champignon) et sexuelle (engendrement) pour défendre l'existence de Dieu...
-l'emploi du mot inadéquat ingrédient, terme d'apothicaire rappelle la tenue de médecin de Sg: il y a quelques secondes il a dit croire au séné et s'il croit en Dieu de la même façon, on peut avoir des doutes sur l'existence de Dieu.
- égaré par ses propres arguments et par le silence de Dj, il a recours par facilité aux énumérations qui meublent, font durer son temps de parole et lui permettent de chercher d'autres arguments qui ne viennent pas (Oh! dame, interrompez-moi...).
-plus décisif enfin : la preuve ultime de Dieu serait dans l' aptitude à penser du valet et dans sa liberté de penser. Sg, modèle de pensée qui grandit Dieu, quelle bouffonnerie! Sg donnant des ordres à son corps et prouvant sa liberté en agissant comme un pantin, quelle plaisanterie! Il souhaitait prouver sa liberté : il vient de prouver sa double dépendance : il demande la permission de parler et il a besoin qu'on le conteste pour rétorquer et penser.
=> Dj n'a rien à faire, ni à dire : Sg est obligé de se laisser tomber, clairement il abdique, il est à bout d'argument et son raisonnement (ironie de DJ) se casse le nez (vocabulaire bien familier qui a rapport au corps). Sg n'existe que pour répliquer: il n'arrive pas à définir sa position pourtant défendable en elle-même.
Malgré sa bonne volonté Sg tombe dans la parodie du discours théologique. Il traite de façon comique un sujet élevé. I l relève du burlesque.
Certes Dj l'emporte sans rien faire et presque sans rien dire (beau problème pour un metteur en scène (que doit faire l'acteur pendant ce temps (pensez au DJ de Lassalle qui fourbit son épée)?
Mais en creux nous pouvons tenter de deviner quelle est
2)POSITION DU LIBERTIN :qui se dérobe surtout.
Observons tout d'abord qu'on peut parler de
•a• refus du débat :
Observons tout d'abord
• le laconisme de DJ, dû en grande partie à Sg et à sa précipitation : il a longuement fréquenté de son maître.
Faites remarquer en passant que les réponses elliptiques de DJ (interjections, monosyllabes) laissent une place immense au metteur en scène et à l’acteur: paradoxalement ces railleries parfois ambiguës engagent toutes la lecture de la pièce.
-il passe très vite sur Ciel (impératif, laissons cela),
-il se moque de l'enfer (interjection)
-s'amuse
-du diable ( oui oui qui dit aussi bien non, non: ne pas croire en diable est un péché ),
- de l'autre vie (provocation incontestable : refus de l’immortalité de l’âme.. ; observons que son rire est énigmatique : NB déjà l'importance des ah!ah! qui se multiplieront dans la pièce)
-et il est ravi de voir (malgré son injure (la peste soit du fat..(=niais, sot, stupide qui se prend au sérieux)) Sg en venir aux sornettes du moine bourru.
-il faut admettre que le 2+2 peut être conçu aussi comme une façon de fuir le débat comme nous verrons.
On peut parler de refus du débat favorisé par Sg :Dj si éloquent sur l'amour et qui choisit la raillerie et le laconique!
•Pourquoi? Sans doute
-par lassitude: il lui faut encore répondre à Sg.
-par mépris pour le valet qu’il connaît si bien qu'il sait qu'il n'ira pas loin et sombrera dans un discours interminable et malgré tout voué à la remontrance. On constate qu’il a plaisir à moquer Sg sur le mot raisonnement (cassé le nez; tout en raisonnant)
-parce qu’il veut vivre intensément et non perdre son temps à démontrer l'indémontrable;
-parce que pour DJ toutes ces questions portent sur des mots et on sait ce qu'il fait du langage : un moyen de forcer les êtres, rien de plus.
-souvenons-nous aussi qu'il a déjà exclu Sg de son rapport à Dieu : va, va ...c'est une affaire entre le Ciel et moi et nous la démêlerons ensemble, sans que tu t'en mettes en peine.
=>Tentons toutefois de cerner ce que nous savons de DJ en partant d’éléments très limités comme cet énoncé célèbre 2+2 qui est en réalité un emprunt à Maurice de Nassau, glorieux guerrier hollandais qui refusa l'extrême onction et fit cette déclaration au moment de mourir.
•b• Mais que comprendre de cette unique proposition qui provoque nombre d’explications ?
• on peut la traiter comme une boutade, une façon de se défaire de la théologie : tous les discours l’importunent, rien n’est prouvé ni prouvable que ce qui relève de la science. Que l'on cesse de l'ennuyer.
Certaines mises en scène montrent même un Dj semblant improviser et jetant à Sg une "sorte d’os à ronger "et à relancer son bavardage. Dj ne serait pas le libertin penseur profond que Sg croit tenir : il préférerait l'indifférence sur la théologie et la provocation au plan quotidien. Cette phrase lui viendrait sans méditation sérieuse.
Si l'on veut voir une boutade de Dj il faut faire remarquer que l'addition est son domaine : n'est-il pas celui qui additionne les femmes?
• autre hypothèse : dite avec conviction et non avec dédain ou indifférence glacée il est possible, sur cette seule affirmation d’en faire un athée matérialiste qui ne reconnaîtrait que ce qui relève de la raison: pour lui ne serait réel que ce qui est rationnel et vice-versa. C’est d’ailleurs ce que Sg a compris.
-il refuserait alors toute transcendance, toute explication spiritualiste et avec Sg toute traduction superstitieuse (moine bourru, ordre représentation symbolique du monde (Ciel, Enfer etc.) : il y a aurait une nature et pas de surnature ou de surnaturel. Tout aurait une explication.
-le libertin selon Dj ne démissionne pas : il appréhende le monde par la raison sans y introduire un dieu réglant âme et esprit: Dj croit à la liberté de l'esprit alors que Sg selon lui est une démission de l'esprit.
• il n’est pas interdit non plus, sur cette seule phrase, d’en faire autre chose qu'un athée :on peut croire à la connaissance mathématique universelle sans pour autant se débarrasser de Dieu : c’est la solution de Descartes. Le rationalisme ne donne pas forcément l'athéisme et le matérialiste.
À ce point de la pièce il est délicat d’en décider.
[•on verra dans la suite du texte que la question n’est pas vraiment métaphysique pour Dj mais "existentielle" : il passe trop de temps à ridiculiser tout ce qui touche au religieux, à ses formes, à ses dogmes et à ses institutions pour être franchement athée : c’est bien comme il l’a dit une affaire entre le ciel et lui. Le rapport est presque “psychologique” (il y aurait chez lui une perversion de la pensée d’Épicure. "Devenir comme un dieu ": tel sera l'idéal du sage. Mais il n’y aurait aucune sagesse chez DJ : une volonté farouche de défier tout ce qui résume les freins qu'on lui impose).
• on verra qu'en fin dramaturge Molière fige ici Dj dans une formule apparemment de rationaliste athée qui devra bientôt réagir devant le manifestation de surnaturel qui surgit en fin de III(statue): il saisira l’occasion de défier personnellement, directement Dieu et non par femmes et institutions interposées.]
cl : un texte bref mais dense, à la fois comique et philosophique. Paradoxalement le défenseur du religieux fait rire et l'autre intrigue car reste encore mystérieux : et que penser de ce recours final à un passant? Simple besoin de retrouver son chemin ou encore moyen d’éviter de relancer la discussion qui tournait à la remontrance ?
Nous allons vivre une autre provocation de DJ.LE PAUVRE: COURS SUIVANT.