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28 décembre 2007 5 28 /12 /décembre /2007 09:09

*tl*
            LE TRAITEMENT DU TEMPS DANS R&J


Dans le théâtre en général, dans le théâtre tragique spécialement  mais plus particulièrement chez W, le temps est le grand ordonnateur, le grand manipulateur des destins, le grand orchestrateur - au service du dramaturge.

On peut partir d'un point : J au moment de mourir avec le poignard de R déclare ce qui fait partie de sa dernière réplique "oh, faisons vite"/"Then, I"ll be brief""). Dans R & J le temps presse.


    I/LE CADRE TEMPOREL DE L’AVENTURE TRAGIQUE :

    •a• un cadre précis sur lequel WS insiste souvent :

ACTE I= DU DIMANCHE MATIN (9 HEURES) AU DIMANCHE SOIR (14 JUILLET)

ACTE II=NUIT DU DIMANCHE AU LUNDI ( en passant par aurore, midi, moment du mariage secret, après-midi) donc 14/15 JUILLET.
ACTE III=LUNdI 15 JUILLET, SOIR PUIS AUBE DU MARDI . Jusqu'aux adieux très tard, dans le jour naissant (à cause du bannissement) et jusqu'à une querelle chez les Cap' qui isole un peu plus J.
ACTE IV=MARDI 16 JUILLET-suite-MERCREDI commençant. Milieu de la nuit, trois heures du matin, découverte du corps de J au lever du jour (donc mercredi tôt).

        *mariage Pâris prévu pour le Jeudi. Mais Cap' le place au mercredi.

ACTE V: MERCREDI 17 & JEUDI 18 JUILLET.

            -MERCREDI :R À MANTOUE.Faute de message,il croit Juliette morte.
       -JEUDI 18:Plus de minuit chez frère Laurent. Dans trois heures J va se réveiller
            -milieu de la nuit, cimetière
            -à la fin, un jour gris se lève.

    =>le découpage en actes qui n'existait pas au départ ne répond pas à des journées séparées. Esthétique très particulière.


    •b•on observe tout de même des fluctuations en particulier dans la question des 42 heures de la fausse mort de J: si on regarde de près il y a ou incohérence ou choix esthétique de la part de WS. Certains font durer le cadre temporel juqu'au vendredi.

    • même si nous sommes loin de l’unité de temps des classiques français (et d’Aristote cf POÉTIQUE 49 b:”la tragédie s’efforce(...) de tenir dans une seule révolution du soleil ou de ne guère s’en écarter”), il apparaît que dans les deux heures de représentation W a voulu resserrer le temps de ses sources surtout celle de Brooke : chez ce dernier la pièce était supposée couvrir six mois et surtout W a eu l’idée de changer de saison et de placer la tragédie au mois de juillet, mois de la canicule et de l’anniversaire de J., ce qui n'est pas neutre ou dû au hasard.

Voyons dès lors

 
    II-LE TRAITEMENT DU TEMPS DANS LA REPRÉSENTATION:la pièce doit durer deux heures selon le Prologue I.Le temps scénique n'étant pas le temps réel :R tue Ty, une heure après son mariage; J l'attend trois heures : sur scène tout s'enchaîne.

     •a• quand tout commence, tout est déjà dit par le PROLOGUE I qui tient lieu de prolepse globale tandis que la pièce développera les causes et les enchaînements qui mènent à cette fin annoncée. Le temps final est posé. La fin est inscrite en chaque action. Il s'agit d'une re-présentation.Tout mène à un enterrement réel ou symbolique (21; v 8)

    S’il y a quelques évocations du passé (enfance de Juliette (N), oublis de Cap (au bal, il confond des dates), dans l’ensemble, elles ne sont pas longues des personnages majeurs sont sans passé: FL, Mercutio), et c’est la prémonition qui joue un rôle certain dans la pièce: on pense, entre beaucoup d'autres, à la sinistre intuition évoquée par R à l’entrée au bal masqué ou à l’ironique rêve du début de V où il se voit mort, ressuscité par J et devenir empereur. Nous avons encore le présage de J au moment du départ (III) de R

     •b• le temps scénique est varié : c’est un mélange des tempos qui se succèdent ou sont imbriqués (ici le choix du metteur en scène opère à plein dans une représentation : nous ne suivons que le texte).

Nous avons :

*globalement une action resserrée, un nouage des intrigues qui va assez vite  se mettre en place et  se développer.

* des moments d’agitation ou de tension : la scène (ou tableau) peut être longue, voire très longue mais vive :

            -actions menaçantes ou violentes (rixes, combats) qui donnent l’impression de vitesse;
          -des joutes verbales qui supposent de la célérité, des disputes dans la famille Cap (d’une violence incroyable) qui impliquent de la vivacité.
                -les scènes histrioniques de M qui supposent des saillies (pointes, wit) qui fusent sans arrêt. Lenteur exclue.

*et des moments d’une certaine durée qui paraissent des pauses en comparaison  avec les précédentes.

       Pauses:

            -dues aux étonnantes (et apparemment redondantes (pour Geoffroy)) narrations de faits que nous venons  de voir sur scène (Benv deux fois, FL dans sa longue déposition-accusation de V,3));
                -dues aux retards pris volontiers par la N qui aiment les redites;
                 -avec les méditations ou leçons de FL;
                 -avec les échanges amoureux assez longs et équilibrés.

    =>W aime jouer de l’alternance de la vitesse et de la pause relative avec des moments de pur lyrisme. Citez évidemment le passage de III,1 À 2 (de l'exil à l'attente de J qui ignore tout).

       =>on notera que la tirade chez W assez longue peut être une juxtaposition de déclarations intenses,vives et de méditations plus lentes:tirade de la mort de R, entre autres.

      •c• enfin le temps scénique impose une sensation de partage de la pièce en deux vastes pans avec un crescendo incontestable.

        -après l’emballement de la rixe en I,1 l’exposition met doucement en place ce que le noeud va renforcer. Les scènes lyriques et "comiques" dominent.La jeunesse de Vérone s'amuse: I,4; II,3. C’est ensuite avec III,1 la mort de Mer et la dernière séparation des deux amants III,3 que tout devient crise et impose une impression d’accélération et de multiplication implacables des faits qui convergent tous vers la mort des amants.
      

W nous offre enfin l'occasion


 
    III/DE MÉDITATIONS SENSIBLES SUR LE  TEMPS:



    •a• W, grand dramaturge du temps, nous permet une méditation
sur le Temps tragique et le tragique du Temps.

    * On l'a perçu, la pièce est une magistrale construction des enchaînements temporels (tresse d'intrigues qui se croisent et se déterminent), d'un temps menant infailliblement vers la mort qu’on appellera ou destin ou somme de hasards ou destin désiré (autre cours)) mais que W nous apprend  à problématiser. Le Temps (rendu présent, tangible sur scène) règle tout : à chacun de décider de qui, de quoi , il est l'agent.

   au sein d'une linéarité implacable, il met aussi en scène l’Instant unique mais aussi divisé, ambivalent où tout se décide dans une ligne qu’on ne comprend qu’après-coup. W sait mettre en valeur avec une égale intensité, l'Instant et la chaîne des instants qui font ligne de "destin" ou d'infortune-comme on voudra.

        Les figures de l’instant auxquelles il rend sensible sont celles:

-favorables,
    -de l’éclair (charme d’un regard échangé) du baiser,
    -de la surprise, de l’inattendu : balcon;
  -le temps trop bref de la nuit d’amour (ellipse) qu’on veut prolonger et retenir (alouette ou rossignol).

Mais l'instant est croisement, "feuiletté" de multiples temporalités....L'instant miraculeux du bal a été précédé de la rebuffade de Ty qui va provoquer un peu plus sa détermination haineuse.

    On aura une admiration particulière pour l'instant infime de silence qui sépare et unit dans le même  vers:

            PRENDS-MOI TOUT ENTIÈRE     JE TE PRENDS AU MOT


-déchirantes du trop tôt, trop tard : véritable leitmotiv de la pièce.
            -le père Cap se demande devant Pâris s’il n’est pas trop tôt pour marier sa fille; il voudra accélérer les choses au jeudi puis même au mercredi à partir de la mort de Ty et de sa méprise sur le chagrin de J.
          -
Capulet trouve que ses invités partent trop tôt du bal masqué
              -découverte du nom de R  par J (citation capitale p 59: À VOUS , PAR CŒUR)

                -celui qui se veut maître du Temps énonce une loi qui se retournera contre lui :78 TOUT DOUX! QUI VA TROP VITE TRÉBUCHE BIEN SOUVENT.
       
             -Juliette au balcon ne veut pas d'un serment trop précoce 69             
        - pensez aux messages qui n'arrivent pas ou trop tard. FL rejoint quelques minutes trop tard le tombeau. Il s’en faut de peu pour que R ne voit J se réveiller; pour que FL ne retienne J qui ne voulut pas fuir avec lui;
       etc...

La figure

- étonnante du changement brutal :
                   -de R envers Rosalyn, au grand étonnement de FL;cf prologue II 61, illusion du propice.
                   -du changement de tout en son contraire : importante exclamation de Cap’ p155
                -temps du changement venant de l’Instant divisé, jamais simple car croisant des temps hétérogènes : la mort de M est emblématique. Aucune raison objective pour Merc d’être là (nb Mercutio  est en  décalage temporel complet : il croit encore lutter contre l'influence de Rosalyn), sinon sa crainte d'une action de Tybalt contre R (intuition après la lettre); nous assistons à un geste sans doute doublement généreux (de M envers R et inversement) qui donnera lieu à une somme d’enchaînements catastrophiques. Une seconde  de générosité qui favorise  la botte traîtresse de Tybalt. Tout bascule au moment de la plus parfaite solidarité.

        * ce qui permet à W d'exceller dans L'IRONIE TRAGIQUE (fiche à part).Par exemple : le mariage accéléré qui était une solution habile devient un piège avec Pâris.Par exemple encore J redoute de réveiller trop tôt 149: ce sera trop tard, de quelques secondes.


    •b• Naturellement la pièce nous convie surtout à une méditation sur le Temps de la passion, son rôle, sa force.

       
Passion qui enthousiasma le public (R+J eut un grand succès) et qui choqua tellement les lecteurs dits officiels. Disons plus modestement le temps d'une passion.


    Rappelons l’évidence : il s’agit d’une passion qui n’aura de vie que brève, d’un dimanche soir à un jeudi matin - alors qu'il est des passions amoureuses qui durent parfois (?).Temps bref, condensé, unique. Et pourtant qui permet l’éclair de la rencontre, le dialogue du balcon, le mariage secret, la nuit d’amour (sur fond de mort de Tyb), la séparation de l'exil et la mort volontaire: une sorte de cycle complet en peu de jours. En même temps, J parle de sa maturation 94, dans la passion pourtant si réduite dans le temps.


    Face au temps sage de Fl, face au temps répétitif de tous (surtout celui  de la haine) voyons le  temps de R & J. Au temps circulaire, quelle figure oppose -t-il ? [Il faudra relier ce cours et d'autres  à la question de la Nuit dans R&J]



  

   * Le temps de cette passion se détache du temps civil, du temps des familles et même du temps recommandé par Fl comme le langage des amants cherche à être nominaliste et rêve d'instituer un autre langage, un autre rapport aux mots (à vous : la question du nom à renier et à tenir pour arbitraire):

        -le temps dominant  dans la société est celui des rites, des répétitions, des redites et de l’usure.
        -le temps recommandé par FL est un temps d'amour sage qui prend son temps et qui cherche un équilibre
[avec une curieuse idée sur le temps du mariage : 155=FEMME LONGTEMPS MARIÉE N’EST JAMAIS BIEN MARIÉE/LA MIEUX LOTIE EST CELLE QUI MEURT JEUNE MARIÉE)!!!]
      -le temps que propose Pâris avec son mariage  consiste à prolonger la tutelle du père et à tenir en "laisse" J (ce que Lady C appelle la sagesse...)


   La passion de R + J naît dans un bal masqué et se joue du masque de la religion détournée; dans l’échange du “balcon”, leur passion se veut une renaissance, une élimination des Noms des pères, un refus des serments 68, des bonnes manières. Leur mariage est d’abord un calcul et il a la beauté intense du secret. On sait aussi que J préférerait qu'on lui annonce la mort de ses parents à l'exil de R. Mort "naturelle"....

    La passion du couple est un rejet du cercle de l'usure du Temps et un hymne à la transgression de tout, de l'excès, à la dépense en tout.  C'est le fameux qui perd gagne de J  dans l'hymne à la nuit - si décisif. Elle ne parle certes que de virginité mais c'est la perte dans la passion qui est gain absolu en réalité. On aura en tête aussi la magnifique image de J: "plus je te donne / plus je reçois, car l'un est l'autre sont infinis.". Échange infini, d'infinis. Cercle aussi mais grandissant à l'infini.


    Évidemment le temps de cette passion sous la force des événements est linéaire ( naissance, vie et mort en 5 jours) mais ressemble lui aussi à un cercle qui se veut à l'écart du cercle de l'usure du reste de la société : en peu de temps, ils n'ont pas l'occasion de tomber dans la répétition mais on se souvient que dans l'épisode du balcon J joue beaucoup de la répétition...On dira qu'il s'agit alors de séduction.

    On peut se demander (voir autres cours) si la mort ne sauve pas leur passion....[ entre nous: ...fortement narcissique : Écho n'intervient pas par hasard dans la bouche de J]

   

    En même temps W ne cache jamais qu’il y a chez ces  amants  des éléments qui comptent beaucoup dans leur tragédie et son tempo:

                        1-un rêve de Puissance à deux qui va loin : R  se rêve empereur à Mantoue 161 et J l'appelle le "seul monarque de la terre entière"111.
        L'harmonie rêvée passe par une cosmogonie fantasmatique (et métaphorique) qui veut corriger la cosmogonie réelle (les étoiles et le soleil ont une place prépondérante dans les images des amants (J et ses yeux supérieurs aux étoiles 65; R devenu étoile qui rabaisserait le solaire 108; sans parler de l'ancien adorateur de la lune qu'était R avec Rosalyn qui voudrait tuer cet astre (début de la scène du balcon)). Ils veulent dans et par leur amour imposer un Temps cosmique d'où l'alternance (jour/nuit; soleil / étoiles ) serait bannie.




                 2-il attire aussi  l'attention sur une attente profonde, ancienne en eux (aux formes multiples). La passion semble NE  trouver QUE dans la mort l’intensité que la société ne peut tolérer (on veut
même  voir  un poignard phallique dans la mort de J !!!!).[CF Autres cours (dont PASSION ET MORT)].

               3-il met merveilleusement en lumière l'espèce d'enfermement temporel dont sont vite victimes les amoureux passionnés. Ils ont cru vaincre le monde en imposant leur monde, sorte de microcosme parfait. Ils ont voulu croire à un monde lumineux et peu à peu ont dû se réfugier dans la Nuit : où ils finiront. Unis? Non. Séparés.

  

cl:
On a compris que le Temps est au cœur de la dramaturgie shakespearienne: il est l'acteur invisible et le metteur en scène absolu. Le re-présenter suppose un art extrême.

Mais finissons par l'épilogue:une statue doit faciliter le temps de la réconciliation, de la commémoration, de la victoire posthume de l’amour sur la haine : le temps de la dramaturgie de WS ne dit-il pas plus qu’une statue même dorée qui lisserait trop les aspérités et serait trop facilement rassurante et édifiante?


     L'illusion n'est pas le fort de W : après la mort comme après la représentation de la mort chacun retournera à son temps: les musiciens ont des soucis de..musiciens (IV)affamés.

•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
[  entraînez-vous sur une question voisine : LE TEMPS N'A -T-IL PAS LE LE RÔLE LE PLUS IMPORTANT DANS R & J ?]

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5 décembre 2007 3 05 /12 /décembre /2007 07:34
        Scène facile à situer: à vous. Conditions : la canicule. Une heure après le mariage.



        Bien avoir  d’emblée en tête  que Merc est invité au bal des Cap et qu'il est l'ami de R: il est des deux côtés sans être dans aucun : il est le neveu du Prince.


    I-LA MORT DE MERCUTIO : une scène centrale, capitale, qui garde une part de mystère.



        •scène centrale, médiane, cœur de la pièce. Tout s'enchaîne et se déchaîne à ce moment. Les événements vont s'accélérer. Scène qui déclenche la crise et préside à tout ce qui vient: l’exil en fin de scène; le désir de sang chez Lady C (105)...

        Le souci de composition est évident :

                -le mariage vient d'avoir lieu et l'acte II s'achevait significativement sur "two in one" "deux êtres en un seul". Les épées vont couper ce qui était noué depuis peu : R et J seront (définitement ) séparés à partir de l'acte III : quand ils se verront, il y aura méprise (V, dans le caveau).

             -le prince intervient pour la deuxième fois (avec indulgence): or nous ne verrons le prince que 3 fois : déjà vu en I,1 pour faire cesser la rixe, il reviendra en V,3 faire le bilan des jours récents. La scène est bien centrale.

                        -dans la ligne de cette remarque on note que III,1 répète sigificativement I,1 mais au niveau le plus élevé et symétriquement : un proche des Mont en veut aux Cap et cherche à les provoquer. Merc répète Samson et Grégoire.


                            -autre point : en fin d'acte II, R s'entend reprocher par FL une recherche de plaisirs excessifs et violents et il emploie la métaphore de la poudre et du feu. R devant la mort de M se voue soudain à LA FUREUR À L'OEIL DE FEU / FIRE-EYED FURY. À l'acte V, sans aide, sans conseil, il demandera à l'apothicaire un poison

QUI EXPULSE AINSI SON SOUFFLE HORS DE SA POITRINE/EN UNE EXPLOSION AUSSI VIOLENTE QUE LA POUDRE /QUI CRACHE LE FEU DU VENTRE DU CANON MEURTRIER.




        • une mort capitale :

-par ce qu'elle interrompt : le meilleur ami de R meurt.


-par ce qu'elle ouvre : comme le dit  R après la mort de Merc : 103

        This day's black fate on more days doth depend
        This but begins the woe others must end.

        Le destin noir de ce jour pèsera sur les jours à venir/Ainsi commencent des malheurs que d'autres doivent finir.

       C'est  le premier mort qui en prépare bien d'autres, y compris une tentative de suicide et une fausse mort. Tout bascule à partir de cette disparition.


       • une mort qui garde une part mystérieuse:

-sa mort n'est pas prise au sérieux au départ par ses amis qui croient qu'il joue une fois de plus : il jouerait la comédie de la mort.


-étrange en ce que M apparaît comme on ne l'a jamais vu mais seulement deviné: il passe enfin de la parole à l'acte.

    -naturellement il va rester l'homme du verbe jusque dernier soupir (plaisanterie sur la taille de la blessure, jeu de mot sur grave (note) 102):

    -toutefois il éclaire restrospectivement ce qu'on ne faisait que supputer :
 
        -son verbe était souvent voire toujours agressif (rappel :contre la N)

              -il aimait jouter verbalement : on voit qu'il aime défier et se battre.
        -le portrait qu'il donne de Benv est en réalité un auto-portrait.98.Il est le querelleur qui cherche à se battre de toutes les manières.
               

        -à ce moment, en ce lundi de canicule, il se mêle d'un combat qui ne le concerne pas au départ : Tyb en a après R et ne veut  combattre que contre lui.

                -Merc cherche l'algarade, il veut le combat en harcelant Tyb (chasseur de rats, on va faire un tour?)


                -depuis sa tirade de l'acte II on comprend qu'il en veut à Tyb sans qu'on  connaisse expressément la cause exacte : il ne le voit que comme un combattant formé aux règles pédantes de l'épée. Motif apparemment futile. Il a déclaré qu'il ne supporte pas ce qui vient de l'étranger en matière de combat (le combat à l'italienne à Vérone ne devrait pas choquer...).


            * reste qu'au-delà, on a du mal à saisir les raisons profondes de Merc, le sens de  cette volonté de défier, de tuer Ty. Cette difficulté est une richesse de W: M est un homme du présent, on ne sait rien de son passé et le spectateur en est réduit aux conjectures.

                     Quelle est son intention en liquidant Ty?

         -régler un compte personnel, mais finalement lequel?

         -chercher la mort due au hasard, lui qui ne croit à rien?

        -il sait que Ty a écrit une lettre depuis l'acte II et qu'il est une menace pour R. Veut-il faire ce que R ne peut faire en raison de l'interdit du prince que lui ne respecte pas (sans oublier qu'il est le neveu du prince)? Veut-il liquider Tyb pour protéger R?.
           

=>deux traits se détachent :
           -Benv a une phrase majeure pour saisir partiellement le personnage:103/122=Which too untimely here did scorn the earth/Lui qui avant son heure a méprisé la terre.
            Bonne définition de l'option existentielle de Mercutio, du moins en apparence.

Mais


            - il reste une question: quel est le sens de ses derniers mots répétés sciemment?
        A plague o'both  your houses./La peste soit de vos deux maisons.
        Et ses derniers mots : Your houses. Une accusation. Le reproche ultime d'un mourant qui met en cause la guerre interfamiliale.Est-ce vraiment la cause? Soudain on devine quelque chose de presque "positif" au moment fatidique. Mer regretterait -il la cause de sa mort parce qu'il regrette soudain cette  vie contre laquelle le cynique aboyait? Le cynique n'était peut-être qu'un idéaliste déçu faisant payer cher à tous sa déception et sa douleur secrète.

    Cette scène retient aussi en ce qu'elle est 


    II-LE RETOUR DU NOM, facteur partiel  de la tragédie.

             • R sous le "balcon" désirait perdre son nom (à rappeler). Nouvellement marié en secret, allié donc de Tyb, il s'interdit de le combattre 100 et il ne mesure que tard le mortel de la blessure de Merc. Dans un élan sincère ([il croyait] bien faire), il cherche à séparer les deux combattants. Son ami le paie de sa vie.


           • devant le crime de Tyb (pas de doute, Tyb a saisi une occasion pour sortir une mauvaise botte 106), devant sa propre responsabilité 103, devant le retour hautain de Tyb, il réagit en homme calomnié : il pense à sa réputation (d'homme ou de Montaigu?) et se plaint de Ju et de son influence émolliente. Il rejette des pensées charitables (respective lenity) : il invoque La FUREUR À L'OEIL DE FEU (fire-eyed fury): dans le feu caniculaire, au moment où il a célébré son union avec le feu solaire de l'amour, c'est le feu de la vengeance qui l'emporte. Il pense qu'il peut mourir 104 et ne soucie nullement de son épouse.Il est aussi repris par l'amitié virile et ses conséquences : R & J, tragédie des contraires, y compris le féminin et le masculin.

           Un bref instant, il est, pour partie seulement (il veut aussi venger son ami), repris par l'engrenage clanique et va provoquer des réactions en chaîne. Au moment où tout se liait en secret, sur la place publique tout éclate. Il reste hébété. Il redevient lentement conscient : le sens de son geste doit lui apparaître. Il a couru dans "l'ornière familiale"(D Sibony).

           Là encore on apprécie la complexité presque inextricable des "causes" qui ont produit sa fureur. Rien de simple chez W.

          En tout cas nous sommes bien prévenus : les contraires s'échangent selon la forte formule de Cap et R a en lui une impatience qui peut provoquer des catastrophes et provoquera LA catastrophe.

    III-Cette SCÈNE MAJEURE MONTRE DÉJÀ QUEL EST LE TRAGIQUE shakespearien.


    • apparemment W reprend des éléments qui relèvent de la tragédie antique :

-formellement, un choeur mais pas tout au long  de la pièce et avec des fonctions restreintes, même si la scène finale de V, par la bouche du Prince, renvoie au c(h)oryphée grec.

-le tragédie shakespearienne garde en tout cas un élément essentiel du théâtre grec : l’ironie dite tragique. Il n’est qu’à songer aux phrases à double entente dans OEDIPE ROI que seul le public peut comprendre (ironie dramatique). C’est au moment où a eu lieu le mariage entre un Cap et une Mont, où les liens se nouent secrètement que tout éclate et sur un geste qui montre deux cas éloquents:

        1)Mercutio était un homme qui dépassait les clivages claniques et qui en meurt et provoque tout ce qui va réveiller la haine.
Si, par hypothèse, il voulait sauver son ami, il l'enferme de façon plus grave dans le conflit. À long terme, le geste de Merc poussera le couple à la mort.
           2) le geste bienveillant de R donne lieu à la mort de son ami.

 Double ironie tragique.


          • cette scène dégage déjà des éléments spécifiques du tragique shakespearien. Selon les codes du théâtre élisabéthain nous ne sommes pas surpris par le mélange des genres, ici celui de la comédie et de la tragédie qui ne sont pas seulement juxtaposés mais bien mêlés.

    Merc plaisante jusqu'au bout, jusqu'à ses derniers mots
(Your houses) qui dégagent peut être une nostalgie exprimant enfin la vérité de son être, sans masque. Le "comique" supposé se retourne en son contraire. Comme tout dans la pièce. Le rire grinçant de M était à prendre au sérieux. Le  sarcasme était un appel.
  

       [ Ligne de partage cette scène va couper la pièce en deux sur ce plan encore : il restera des éléments relevant parfois de la comédie (quiproquo entre N et J juste après mais personne ne rit, les mécontentements des musiciens en fin de IV), cependant  c’est le tragique qui va dominer dans une sorte de course accélérée à l’abîme.]


      • il reste à mesurer à partir de maintenant, à partir de cette scène et dans toute la pièce la question du destin tragique (qui fera l’objet d’une synthèse): pour le dire vite ici on a une impression ambivalente :

            -sur la mort  de Merc et ses conséquences : faut-il croire à un geste maladroit (hasard) de la part de R ou un geste déterminé par une force qui serait destin? On se dit qu'il ne tient à rien mais va avoir de telles conséquences qu'il entrait dans le plan d'une fatalité secrète. Mais alors il faut intégrer les raisons de Merc si difficiles à cerner.

        Il faudra réfléchir à toute la pièce pour mesurer cette ambivalence : en effet

        *tantôt on croit tenir une somme de gestes dus au hasard (R doit lire la lettre d’invitation au bal en I; plus loin le changement de date du mariage ou la peste), d'erreurs humaines (R fougeux, capable d’aveuglements passagers qui précipitent le pire: ce sera le cas à Mantoue (V,1)) qui mènent nos héros.

          *tantôt, en même temps, une telle scène nous  demande de repérer désormais le rôle des astres (star-crossed lovers), du destin qui conduit d’une main de fer les hasards apparents (de la Fortune ):dans cet épisode R se voit le jouet (le fool) de la fortune. Plus tard, il voudra défier les étoiles : en vain.

            Une telle scène pensée sur fond de pièce prise dans son ensemble engage  à une  définition d'un nouveau tragique. Fondé sur la dualité, la contradiction en toutes choses.


cl:une scène décisive qui engage la crise et mènera à plusieurs morts. Une scène emblématique de l'art et de l'esthétique de Will.
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1 décembre 2007 6 01 /12 /décembre /2007 10:42

            MONTREZ L’IMPORTANCE DE LA SCÈNE DU BAISER À LA FIN DE L’ACTE I.


Bien situer la scène : facile, à vous.



1)UNE SCÈNE QUI APPROFONDIT LA CONNAISSANCE DES DEUX HÉROS ÉPONYMES :


                    (a) R, celui qu’on croit connaître le mieux : le voilà transformé par le coup de foudre (cf le cours linéaire, début) et traître à Rosalyn ; en réalité il est enfin lui-même, il SE découvre, SE révèle à lui-même et s’il joue encore ce n’est pas l’amoureux livresque mélancolique chérissant sa douleur mais un homme parfaitement sensuel désireux de dire son amour à mots à peine couverts par le "manteau", le masque du discours religieux.

   L’homme de la nuit jusque-là parce que le jour interdisait de voir Rosalyn (on se rappelle que son père affirma qu’il s’enfermait le jour dans une nuit artificielle), devient l’homme d’une étoile dans la nuit qui brille comme le jour.

                    R qu'on croyait enfermé dans le pétrarquisme idéalisant l'objet aimé se montre soudain capable d'initiative. Il veut enfin combler une distance au lieu de la célébrer en vain.


                      (b) J, vue et entendue à peine (5 répliques) pendant tout l'acte I, se révèle plus nettement en  jouant elle aussi sa partition, en entrant dans le jeu (lexical, métaphorique) de R et en feignant de lui donner une leçon de religion. Nous la voyons apte à rivaliser (et mieux, à vaincre ?) avec R : son innocence mutine est mêlée d’une grâce apportée par la dimension de séduction fondée sur le jeu amoureux. Elle sait refuser pour augmenter le désir du pèlerin et l'amener à renchérir. Ses refus sont des appels.Voir le linéaire.



                        (c) mieux : nous entendons et voyons une immédiate complicité amoureuse qui semblent, un temps, isoler les amoureux. Le corps et les mots disent l’union déjà acquise tout en simulant le refus et le coup de force d’un baiser volé mais avec un consentement patent. Commentez la connivence de "YOU KISS BY THE BOOK "et non le reproche comme certains le croient. Les deux paroles se rencontrent dans le même vers.Séparation et union à la fois.

 

2) IMPORTANCE DANS L’ACTION de la pièce (qui va arriver au nœud) et dans les indices qu’elle comporte.

         (a) elle vient clore l’acte d’exposition qui avait commencé par une rixe (le matin) : nous sommes dans une scène de fête, de bal, de musique. L’impensable a lieu : chez les Cap, un Mont et une Cap ont un échange (certes "masqué") qui passe, sans le savoir au départ, au dessus des clans et de la haine.

  Si l’on oublie le titre de la tragédie et le prologue (I) on peut beaucoup espérer. Mais la crainte est bien là :

         -Merc a parlé peu avant de Mab, fabricante d’illusion.

         -R a exprimé une prémonition avant d’entrer chez les Cap. À vous.

         -Ty est parti, menaçant.

         -J a une phrase inquiétante avant même que ne lui soit révélé le nom de R :

                MY GRAVE IS LIKE TO BE MY WEDDING BED

(mon lit nuptial pourrait bien être mon linceul (VB)/Alors dans la tombe je serai défloré (FL))

                =>ce ne sera pas exactement le cas (il y aura nuit d’amour après le mariage) mais W va exploiter cette donnée à l’acte final.

         Après l’échange, les deux amants ont la révélation de l’identité de l’autre et si la pièce commençait par la haine, elle s’achève à la fois sur l’amour exprimé avec lyrisme et sur le rappel de la haine interfamiliale. Amour et haine : la contradiction n'est plus seulement dans les clans, elle traverse les êtres.

        b) isolés dans leur magnifique sonnet au cœur de la soirée et dans certaines mises en scène dans une danse, leur échange est interrompu par la nourrice : commençait alors un autre sonnet qui ne dépassera pas le premier quatrain : la mère de J veut lui parler. Le tiers (la loi familiale avant d’être sociale) s’installe déjà, très modestement encore, entre les deux amoureux. La pièce est lancée. Le nœud est préparé.

      La révélation des Noms à la fin de la scène (précisez) va installer les conditions  du drame [ cf linéaire

=>Roméo (aside) :

/ IS SHE A CAPULET ?

O DEAR ACCOUNT ! MY LIFE IS MY FOE’S DEBT

C’est une Capulet ! Oh ! terrible (coûteuse / chère) créance ! Ma vie devient la dette de mon ennemi(F.L.)/ Mon ennemi tient en ses mains mon existence / MA VIE EST AU POUVOIR DE MON ENNEMI.

Dans ce moment de brutale information, R reprend la notion d’argent évoquée par la nourrice mais pour une dette plus symboliquement plus menaçante.


        ••Côté J:
cf linéaire encore

 

JULIETTE (aside)  : un quatrain important

MY ONLY LOVE SPRUNG FROM MY ONLY HATE !

TOO EARLY SEEN UNKNOWN, AND KNOW TOO LATE !

PRODIGIOUS BIRTH OF LOVE IS TO ME

THAT I MUST LOVE A LOATHED ENEMY.

Quatrain qui dit la contradiction qu’incarne tout de suite sa passion soudaine pour R :

-un parallélisme (my only) et une antithèse (love/hate) :

- parallélisme (too), des antithèses (early / soon , unknown /know (avec polyptote)) ;

-monstrueuse lui paraît la naissance de cet amour parce qu’elle doit aimer le pire ennemi / qui la pousse à aimer la source de sa haine.]



                (c) on se demande aussi ce que signifie le jeu significatif  des deux amoureux avec la Loi, le discours codé (ici on fait servir la religion à tout à fait autre chose). Que veulent dire pour la suite ces détournements des mots, des codes ? En bref on s’interroge : quelle sera la Loi pour eux. Celle de la société, la leur ?Dire deux mots sur l'utilisation rapide du mariage par J en II (tester R et se garantir des parents). Le transgressif ne va pas effrayer les amants et surtout pas J.



        (3)IMPORTANCE ARTISTIQUE  & SYMBOLIQUE :



                   (a) une scène à la sublime délicatesse de composition et d'expression: comment dire le désir non loin des autres, de façon complice mais contenue : c’est le détour par la forme contraignante du sonnet lyrique  consacré
en principe à un "dialogue" religieux. Les corps se disent dans une avancée et un recul qui font que souvent on met en danse cette rencontre.Tout danse ici, la langue comme le reste.

         -une scène aussi  hautement "spirituelle" (faisant preuve d'esprit, de wit), toute en implicite, riche en humour (palm to palm; jeu sur la sainte vivante ou statufiée; jeu sur l'échange (j'efface mon péché par un baiser ; oui mais la sainte est alors souillée; alors je propose de reprendre sur moi baiser et péché ...), en parodie, en ironie à plusieurs degrés (you kiss by the book), d’arguments spécieux relançant à plaisir le dialogue. À vous. On a rarement péché et parlé de péché (sin) avec autant de plaisir...La répétition de lips n'y est pas pour rien.

 


                    (b) importance symbolique : un soudain écart a eu lieu au sein des répétitions qu’a présentées l’acte I


    • répétitions:

 - les rixes entre familles viennent de se répéter;
 - la nurse répéte les mêmes anecdotes  concernant J
 -nous sommes à la fête annuelle des Cap.
 - Cap évoque souvent sa lointaine  jeunesse et confond les époques.

Tout se répète mais soudain c'est

    • l'écart :

 -une première rencontre magique : le couple semble ailleurs, au milieu des autres;

 -une entente parfaite d'emblée: dire que le dernier vers du quatrain  venant juste après le sonnet shakespearien donne une part égale aux deux voix.

-des sentiments intenses mais contenus.

L'enjeu dramatique et tragique est fixé : allons-nous vers un écart sublime qui échappera à la répétition familiale, sociale ou sera-t-il broyé par elle? Comme on connaît la réponse, il nous reste à voir comment ce décalage si beau, si prometteur a pu être anéanti.

        En se rappelant que W a su installer la liberté du désir amoureux au sein d'une forme contraignante (sonnet): seul l'art peut-il réunir ces contraires?


 cl :
-finir sur les étapes de leurs rencontres : la deuxième sera sous le "balcon"; évoquez l'échelle de corde, la nuit dans la chambre (III) et enfin le tombeau.

-un chef-d’œuvre incontestable dans sa dense brièveté . Si W n'est pas le premier à inventer pareille scène et s'il n'a pas inspiré au sens strict (
ce qui sera le cas pour le "balcon") d'autres créations,  (cette rencontre dans une fête n'a rien à voir avec  la première rencontre au bal dans LA PRINCESSE DE CLÈVES, ni la sublime scène dans SYLVIE de Nerval (une trahison, un toucher sublime etc),  les univers sont a des années-lumière ), il a su mettre en mots (théâtre oblige) un échange qui souvent est  descriptif dans le roman et concerne surtout la révélation visuelle.

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1 décembre 2007 6 01 /12 /décembre /2007 04:27


-SITUATION DE LA SCÈNE : dans la nuit du dimanche au lundi : en fin d’acte 1 dans la scène de fête chez les C, il y a eu coup de foudre réciproque entre J et R.Tandis que ses amis le recherchent au sortir de cette fête et ironisent sur son amour qu’ils croient encore destiné à Rosalyn, R est revenu dans le verger et commence par surprendre J à sa fenêtre qui (se) parle à haute voix.




                    (1)UN MAGNIFIQUE DIALOGUE AMOUREUX : après le jeu subtil de la scène du baiser (I,5), les amoureux se parlent en connaissant leur nom : une belle scène d’ aveu (qui est devenue modèle pour réécritures).

                    •ason cadre spatio-temporel mérite attention. Surtout quand on a lu la deuxième phrase de l'acte II:

        COME BACK, DULL EARTH, AND FIND THY CENTER OUT.
        Retourne-toi, sombre glaise, et retrouve ton centre.

R se compare à la glaise ( il se sent boueux, bas car tourné vers le bas) et veut retrouver enfin le centre de son univers, J.

                    -le temps :

-en juillet, dans la fin de nuit du dimanche au lundi, dans le silence de l’après fête ;

-dans la nuit, après les flambeaux que R devait porter et après le "more light" du père Capulet ; une nuit qui va voir apparaître une étoile qui n’aura rien d’une lumière artificielle ;

-dans l'enchaînement des scènes, l'antithèse domine : au salace et provocateur de Mercutio (qui imagine l'Amour SOUS un néflier) succède le tempo de la passion.

-nuit placée dans le sillage de l’éclair (J l’évoque indirectement 69=lightning), du coup de foudre qui a eu lieu et dont on mesure de plus en plus l’effet.

                =>symboliquement,  nous assistons à  une certaine naissance dont R va parler (naissance à une autre religion au moins (autre baptème 66)) mais surtout naissance du jour qu’il voit imaginairement p64=46/47).



                    -le lieu : le haut / le bas s'opposent comme le proche et le distant. L'entre - deux retient l'attention.

*Pour R, en plein air, dans le verger (orchard) des C, évoqué par J elle-même v105 sq. Verger, espace entre nature, résidence et rue de la ville ; mais nature délimitée, enclose. Lieu de maîtrise d’une nature "civilisée" qui fait penser à la courtoisie (il y a un verger dans LE ROMAN DE LA ROSE) et aux jardins d’amour.

*Pour J, non un balcon (que nous devons à la tradition romantique) mais une fenêtre avec une balustrade sans doute (l’édition Arden parle de "window in the tiring-house façade").

            =>lieu qu'il faut méditer aussi :

-Un échange non prévu, non codé dans un espace calme, presque isolé mais risqué, un lieu appartenant à la famille "ennemie" pour R...

-un dialogue qui a lieu à distance et où la séparation spatiale est à la fois niée et mise en valeur.

-symboliquement : J est en hauteur, ce qui autorise R à la voir céleste mais on verra que cela a une signification autre aussi.

                    -le temps et lieu de la déclaration sont scéniquement et symboliquement très forts : l’"aveu" a lieu dans un endroit en principe inaccessible à un "étranger" à la famille et avant que l’autre ne soit présent concrètement dans la conscience de J. L'aveu est destiné à un absent. Puis les paroles se joignent peu à peu. R n’a pas pénétré dans le palais mais il reste chez les Cap, J n’y est plus complètement confinée comme au premier acte.ENTRE DEUX.


                    •bune scène dominée par le mouvement : un magnifique ballet malgré la séparation.

Certes la scène est fondée sur de belles déclarations, certes la rhétorique amoureuse est bien là mais ce qui retient c’est un mouvement au sein d’une subtile progression de la scène :

-deux monologues parallèles  aux enjeux très distincts : lui est en adoration ; elle lui parle comme s’il était présent ;

-ce monologue est rejoint par R ;

- un échange magnifique se déroule, peu à peu interrompu par la N et les va-et-vient de J (vraies et fausses sorties (bonne nuit 166 : il y a, sauf erreur, quatre moments où, sous la pression de la N ou non, elle souhaite bonne nuit ).

=>J joue admirablement de la distance, de sa présence et de son absence, elle se sert des autres (ici Nurse) pour augmenter le désir de R et faire durer ce moment. Merveilleux arrangement avec les paroles qui se rejoignent, s’interrompent, se retrouvent.

Il y a de l’allégresse surtout du côté de J qui joue avec l’obstacle, et se joue du mouvement de  sortie.


                    •cune scène d’amour qui promet l’union avec des éléments incroyablement mêlés et disparates : on ne peut qu’admirer l’art de W.

Nous avons un concert d’éléments composites dominés : l’amour semble rendre homogènes toutes les différences.

- une alternance de silence et d’éloquence ;

- de la rhétorique et du pragmatisme (par exemple : elle demande qu’il l’abandonne s’il n’est pas honnête ; en même temps elle le presse en lui disant “demain j’enverrai quelqu’un "; au milieu d’une métaphore filée reposant sur les oiseaux, elle demande l’heure du rdv.) ;

-une présence à distance, un jeu avec absence/présence

- un choc entre déclarations crues (Take all myself) et méditation cosmique (J stellaire etc)

-une réflexion "philosophique" sur le Nom doublée du plaisir d'énumérer les parties du corps de R

=> en ces quelques minutes convergent des temporalités, des discours en principe incompatibles. Insistez sur la sublime façon de faire se rejoindre R et j : Take all myself // I take thee at thy word..
            Prends-moi toute entière (désir absolu qui ne s’adresse qu’à un R supposé absent), dans le silence d’un monologue ; R dans le sillage de ces mots veut la prendre aux mots et commence alors l’échange.

        Au total une scène d'aveu où l'aveu est dit avant même qu'il ne soit voulu. Avant même qu'il ne s'adresse à l'autre.



                    2)UNE SCÈNE RÉVÉLATRICE : on cerne mieux chacun des amants, au-delà de leur désir d'union.

    (a)Roméo : toujours plutôt contemplatif malgré son changement radical :

• certes il donne des signes de changement : J est l’orient, elle est le soleil ( v46/47) levant que fuyait R ; certes il repousse vite la lune qui était sa compagne d’insomnie dans ses désespoirs nés de Rosalyn (il va très loin dans ce sens, même symbolique : il veut que le soleil tue la lune..(à retenir))

mais

-il reste sentencieux : 199/200 : il a l'amour des formules;

-il garde aussi un vocabulaire idéalisant (hormis la traversée pour cargaison/ butin : la métaphore du voyage hante le héros) mais peut-être plus sincère, moins fabriqué qu’avec Rosalyn

        *J est lumière et plus largement cosmos, reflet cosmique (un échange yeux / étoiles est évoqué) : lumière stellaire mais qui ferait honte aux étoiles, J solaire en pleine nuit 64 . Elle est un microcosme plus grand, plus beau que le macrocosme. Partie qui vaut mieux que le Tout...

        *J est divine de plusieurs façons avec une dimension hérétique comme on a compris depuis I,5 :

                    -ange (brigth angel) et archange, messagère éblouissante v71

                             -chère sainte( dear saint) (mais on sait depuis le baiser que la sainteté peut cacher aussi le désir)

                        -on l'a vu,J est aussi la possibilité  d’un autre commencement, d’un nouveau baptème. Un autre temps.


-notons toutefois que la sensualité n’est pas absente : pensons à son rêve d’être le gant entre la main et la joue...

        • n’oublions pas non plus que R  reste dessous la fenêtre : d’emblée il veut rejeter son nom, il accepte tous les calculs de JU, toutes ses conditions : il décide de l’horaire et court à la fin chez son confesseur Laurent.

[certains lecteurs veulent voir dans sa position une volonté de garder encore une distance avec J. ...]

        b) tout autre apparaît Juliette et dès l’amorce de leur monologue :
•J, bien entendu éperdument amoureuse (elle est soucieuse de lui, de sa sécurité, elle est attentive à l’autre : plus  loin elle dit qu’elle l’idolâtre) mais elle voit le conflit où justement R ne voit que sa beauté à elle (64/65). Amoureux, il ne voit que cet amour ; elle comprend les difficultés de cet amour.

        -les premiers mots de J sont éloquents : Ay me =hélas

• pourtant beaucoup moins contemplative que lui, elle est pragmatique, elle voit tout de suite la question du Nom. Elle ne se perd pas en fioritures : elle ordonne, décide, presse et propose sa solution : le mariage ou rien. Elle traite dans l’urgence. Elle refuse le serment avant le mariage 69. Précise et séductrice pendant que lui pense à un rêve.

• elle est incroyablement audacieuse :

-naturellement elle se croit seule au début mais le “take all myself” est étonnant de force, surtout après l’énumération des parties du corps de R qui ne relèvent pas de son NOM.

-elle joue à merveille de ses sorties et retours à la fenêtre le jeu avec entrée et sortie, proximité et éloignement, retards qui éternisent la scène..
            -cf le jeu sur le serment à dire, à ne pas dire, à répéter , sur l’oubli de ce qu’elle voulait dire.

-elle a conscience de son impudeur mais envoie les bonnes manières au diable v 132 ; elle se défend de frivolité et refuse tout artifice en amour. Habile rhétorique de la défense de l’authenticité, ce qui est aussi une rhétorique.

            Elle prétend le suivre comme son seigneur : ce qui ne manque pas d’ironie...

        c) Certaines affirmations sont des indices modestes mais troublants pour le spectateur.

*R est courageux, les conditions sont risquées, J ne cesse de le dire 67/ v105sq +v113

            -il a pourtant des énoncés qui intriguent :

  - le curieux besoin de jurer sur la lune qu'il rejetait avant et où affleurait un désir de mettre à mort le symbole de l'aimée précédente.120
      

 * J quant à elle présente  un  désir possessif qui peut aller jusqu'à la mort de l’oiseau (75) symbolisant R.

     -elle veut que R renonce à son nom et ne cesse de le répèter à plaisir.On peut plaider aussi pour le plaisir pris à la transgression.

      -elle se compare à ÉCHO : mythe tragique s'il en est.



    =>Fort de ces indices discrets le spectateur comprend qu’il affaire à


                3)UNE SCÈNE DÉCISIVE POUR L’INTRIGUE qui participe pour une bonne part au Nœud de la pièce et fait attendre la suite avec impatience et angoisse / crainte.

        a) toujours rappeler que nous sommes au théâtre comme l’a déclaré le prologue I et que le titre et ce prologue encore tout est dit d’avance : les star-crossed lovers sont morts depuis longtemps. La fin connue par avance domine tout ce que nous voyons. La mort rôde.

        b) une décision rapide en deux temps (on se marie ; quand ?) qui va encore en secret à l’encontre des haines interfamiliales : certes le jeu avec le 1/3 représenté par la nourrice est beau, bien mené, dominé par une Juliette belle comédienne  mais une telle facilité ne sera pas donnée avec les vrais représentants du clan, du Nom. L'héritage du Nom fera-t-il retour. Sera-ce un jeu d'enfant?

        c) cette scène de balcon aura de nombreux échos dans la suite de la tragédie et plus la pièce avancera plus on en verra encore la beauté, rétrospectivement :

-R aura l’intention de monter dans la chambre avec des cordes 89 II,3 ; J l’attend d’ailleurs dans un bel hymne à la nuit 108 mais elle ne sait pas que R a tué Tyb et que tout a basculé 108/9 et que l'empire du nom est immense ;

-ils se retrouveront dans la chambre de Ju à la fin de l’acte III : le couple a connu sa première et dernière nuit d’amour.Il sera à nouveau question d'oiseaux....


-Écho visuel surtout : le tombeau sera sur la scène dans 3 actes , gouffre ouvert aux pieds de la façade représentant la maison des Cap...Le trajet du balcon à la tombe sera sous nos yeux.





cl :scène  qui mérite sa popularité : scène d'amour et d'illusion qui rêve d’abolir les contraires. La poésie de W rend les contraires harmonieux.
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29 novembre 2007 4 29 /11 /novembre /2007 07:57
[Je cite plusieurs traductions dont j’ai déjà donné les abréviations]


SITUATION :

Fête Capulet. Les Mont sont masqués. Au moment où Cap dialogue avec son cousin sur une histoire de date (point intéressant : la mémoire devient floue mais on s’y accroche, du moins le père Cap), R demande soudain à un serviteur qui est la jeune fille qui, dansant, “enrichit la main de son cavalier”.

En un dizain, il énonce sa révélation devant celle qu’il ne connaît pas encore.

Voyons vite cette méditation pour lui-même. Qui va du regard sur la Beauté incarnée aux yeux de R qui n’a rien vu auparavant.

Juliette est une apparition avant tout lumineuse : elle apprend aux flambeaux à être plus brillants (notons l’humour de W : le père de J ne cesse de demander "more light" et plus tard "moins de chaleur" (de feu) ; par un effet "étonnant" d’intuition R la compare à un jewel qu’on prononce d’une façon assez proche de Juliet ; sa luminosité la fait donc comparer à un joyau (étoile indirectement) sur la joue de la nuit et pour accentuer la comparaison elle est une pierre brillante à l’oreille d’une Éthiopienne, autrement dit celle qui incarne alors la femme d’Afrique dans toute sa noire beauté.

Dans la lumière des torches, elle est lumière, brillance : elle éclaire la nuit, l’embellit et rehausse même la lumière artificielle. Elle a la blancheur d’une "snowy dove" (d’une colombe couleur de neige). Elle valorise les contraires tout en se détachant de toutes les femmes.

R reste encore un petit peu le R du premier acte : il l’élève au-dessus de tout, elle est céleste : “Beauty too rich for use, for earth too dear”(chiasme )/Beauté trop riche pour qu’on en jouisse, beauté trop chère (précieuse YB) pour la terre”. Le terrestre lui semble pour la jeune fille un monde indigne. Et sa propre main sera dite “rude hand”, rude, grossière.

Pourtant dans les faits le changement est radical :il ne se perd pas en un long monologue, il veut agir, il est soudain curieux de la voir après la danse et de toucher sa main. Le corps de l’autre (blancheur, éclat, main) est désiré plus sensuellement que celui de Rosalyn .

Le distique final est éloquent : le temps passé est oublié, l’amour pour Rosalyn aboli. Voilà ce qu’on appelle le change baroque (mais dès lors, R ne changera plus). Une seconde rejette tout un amour pour lequel on languissait quelques minutes auparavant encore. Pire : le mensonge éclate. Les yeux qui devaient brûler de façon torturante en cas de trahison sont convoqués pour l’excuser.On doit relire sa déclaration peu de temps auparavant (p 40 : les yeux hérétiques s’ils devaient trahir Rosalyn devaient être brûlés...)

Tybalt a reconnu la voix d’un Mont ; il veut agir violemment et une dispute a lieu avec son oncle, qui semble avoir de l’estime pour R...(ironie tragique à retenir). Chassé, il promet à l’intrus R de voir se changer la douceur en poison.

Après ce quatrain haineux lourd de menace dramatique, va surgir le merveilleux sonnet du pèlerin d’amour et de la "sainte".On a alors pendant un certain temps que les deux jeunes gens sont ailleurs , loin des autres qui pourtant s’amusent à côté d’eux.

••••••••••••

Voyons enfin cette scène dominée par un SONNET (89/102)et l’amorce d’un autre.Bal masqué : J n'en a pas. Mais symboliquement c'est le langage qui va permettre aux amoureux d'avancer masqués sous la religion et se démasquer pour eux seuls.

Il vient de toute évidence de lui serrer la main (ce que confirment les éditions avec didascalies).

Q1 Romeo (nom désignant le pèlerin, rappelons-le toujours)

        IF I PROFANE WITH MY UNWOORTHIEST HAND

        Si je dois profaner de mon indigne main (D)/ Si de ma main indigne je devais profaner (notre traducteur).

        THE HOLY SHRINE, THE GENTLER SIN IS THIS :

        Ce saint reliquaire/sainte châsse (VB), châsse bénie(YB), voici plus doux péché /ma douce pénitence (Y.B.) :

        MY LIPS, TWO BLUSHING PILGRIMS, READY STAND

        Mes lèvres adouciront, rougissants pèlerins,

        TO SMOOTH THAT ROUGH TOUCH WITH A TENDER KISS

        Ce rude attouchement par un tendre baiser.(D)

            R prend la parole pour, tout en se rabaissant (indigne main, rude attouchement), célébrer dans un vocabulaire religieux (profaner, reliquaire, péché, pèlerins) la beauté “sacrée” de la jeune fille. Métaphoriquement, il transforme cette scène en scène religieuse, celle d’un pèlerin ayant touché une relique sainte et voulant l’embrasser pour effacer la rudesse de son premier geste.

            En même temps une sensualité point : le péché est doux (gentle(r)), et il souhaite “a tender kiss”. Le corps est dominé certes mais main, toucher (touch) et surtout lips ne font pas douter de l’affleurement sensuel. Les pèlerins rougissants (two blushing pilgrims) ne sont pas vraiment pieux....

        Il s’agit pour lui de dire le désir sous le code religieux. Dire le désir avec un discours institutionnalisé.Détourné.

            Symboliquement, avec ce gentle(r) sin évoqué, R tente un rapprochement de son corps : il va vers J.ou du moins s’offre d’avancer vers elle. Le jeu rhétorique et spatial va être repris au bond par la très mature J.....

Q2 Juliette :

    GOOD PILGRIM, YOU DO WRONG YOUR HAND TOO MUCH

    Bon pèlerin, vous faites trop de tort à votre main(D),vous offensez là votre main (FL), vous être trop cruel pour votre main(YB).

    WHICH MANNERLY DEVOTION SHOWS IN THIS

    Qui ne fait que montrer dévote honnêteté,(D)/Qui fait hommage coutumier(VB)

    FOR SAINTS HAVE HANDS THAT PILGRIMS’ HANDS DO TOUCH

    Car les saints ont des mains que touchent les pèlerins

    AND PALM TO PALM IS HOLY PALMER’S KISS

    Et paume contre paume est leur pieux baiser.

            J dans un assaut de pointes spirituelles, raffine de façon spécieuse et reprend évidemment la métaphore du pèlerin et conserve le lexique religieux comme pour cantonner R dans ce seul domaine : il proposait “a tender kiss”, elle feint de trouver suffisant l’échange PALME (les pèlerins revenant du Saint-Sépulcre portaient une branche ou une feuille de palmier pour être ainsi reconnus dans leur quête religieuse) contre PAUME (de la main), paume de saintes, autrement dit de saintes  pouvant être aussi représentées  par une statue. Voilà le pieux, le dévot baiser (holy). Palme et paume, seulement.

    Subtilement, J semble refuser l’avance de R : c’est encore mieux encourager son désir...

Q3 : les voix vont se mêler...dans la métaphore filée reprise à PLAISIR.

Roméo :

        HAVE NOT SAINTS LIPS, AND HOLY PALMERS, TOO ?

        Saints et pèlerins n’ont-ils pas des lèvres aussi ?

            R cherche à reprendre l’avantage : il compare saints et pèlerins avec, à la rime, le mot qui les rapproche : too.

Juliette :

        AY, PILGRIM, LIPS THAT THEY MUST USE IN PRAYER.

        Oui, pèlerin, dont ils se servent pour prier.(D)/...des lèvres pour prier (notre traduction).

            J prise au jeu depuis le début répond immédiatement :oui pèlerin les lèvres ont une fonction avant tout religieuse aussi bien pour les saints qui prient dieux que pour les pèlerins qui prient devant l’image (statue) des saints.

            Nouveau refus feint. Fait pour exciter le pèlerin : l’engager à avancer par ce refus même.

Roméo :

        O THEN, DEAR SAINT, LET LIPS DO WANT HANDS DO
        THEY PRAY : GRANT THOU, LEST FAITH TURN TO DESPAIR.

        Chère sainte, lèvres et mains fassent ainsi (D) : Elles prient (exauce(-les)) pour que leur foi ne soit pas désespérée / ne devienne pas désespoir (Y B).

            R tient alors à revenir au vivant et délaisse la comparaison avec la statue : l’enjeu serait religieux. Si la sainte ( bien vivante) ne répond pas, le pèlerin y perdra la foi...Théologie étonnante...

DISTIQUE

Juliette :

        SAINTS DO NOT MOVE, THOUGH GRANT FOR PRAYERS’ SAKE.

        Les saint(e)s ne bougent pas (restent de pierre),( bien qu’) exauçant les prières.

            Parfaitement à l’aise, elle en reste à l'image de la statue . Comme telle, elle ne bougera pas. Ce qui peut être une invitation...

Roméo :

        THEN MOVE NOT WHILE MY PRAYER’S EFFECT I TAKE.

        Ne bouge pas, je prends l’objet de ma prière./Je recueille / je goûte/ le fruit de ma prière/

            Soit ! déclare R : ne bougez pas, demeurez statue : je vais embrasser la sainte et recueillir la récompense de ma prière....R a obtenu ce qu’il voulait. La sainte n’a pas bougé....

[(baiser) Didascalie prise où (quarto I) ? : He kisses her]

Fin du sonnet. Commencement d’un autre qui ne dépassera pas le premier quatrain : la société dont ils étaient isolés fait son retour.]

Romeo:

        THUS FROM MY LIPS, BY THINE MY SIN IS PURGED

        De mes lèvres, tes lèvres ont lavé le péché.

            Le code religieux sert encore à R à feindre de masquer et en réalité à déclarer son désir : le voilà, en tant que pèlerin, purifié. Il a embrassé une statue....

Juliette :

        THEN HAVE MY LIPS THE SIN THAT THEY HAVE TOOK.

        Alors mes lèvres ont le péché qu’elles vous ont pris.(D) / Le péché passe alors en celle qui vous l’ôte (VB)/notre traducteur : alors mes lèvres portent le péché qu’elles t’ont pris.

            Cessant d’être statue, J fait semblant de se plaindre : le baiser de R a fait passer en elle son péché ; la sainte est profanée, souillée...Un appel plus qu’implicite. R n’est pas sourd.

Roméo :

        SIN FROM MY LIPS ? O TRESPASS SWEETLY URGED !

    Un péché sur mes lèvres ? Faute doucement reprochée !(D)/Le péché de mes lèvres, quelle douce tentation !/

        Sommet de sensualité où les deux paroles se rencontrent dans le même vers=>

Romeo puis Juliette.

        GIVE ME MY SIN AGAIN.

        Rendez-moi mon péché.

        Quel oubli de ma part avance  R : je vous ai transmis mon impureté, rendez-la moi en me rendant votre baiser. Jeu où R a vite trouvé l’occasion pour embrasser J une deuxième fois .

[deuxième baiser : he kisses her]

Juliette :                                 YOU KISS BY TH’ BOOK.

Vous embrassez en érudit (D) /vous savez le rituel sans faute (VB)/ beaucoup plus lointain ( ?) : il y a de la religion dans vos baisers(YB).

……Interruption du deuxième sonnet qui s’esquissait :jusque-là dans le sonnet complet et dans celui-ci chaque voix alternait avec l’autre (Sonnet I : q1+ q2 puis vers contre vers (9/10) puis un distique pour R(11+12), un échange vers à vers à la chute (13/14). Ici pour la première fois, pour le second baiser obtenu plus rapidement la réplique a lieu au sein du même vers.

  “You kiss by th’ book” pose de grands problèmes de traduction : banalement by the book signifie comme il faut / selon les règles de l’art. J a donc la connaissance des règles de l’art du baiser ? Certains y voient une ironie (=de façon livresque ; elle le découragerait (non, évidemment)), d’autres une ironie au second degré et donc complice : vous embrassez comme il faut à une sainte bien vivante..Vous maniez les conceits à la perfection....Votre religion est "sacrément" amoureuse...

... rupture du sonnet et de la tranquillité de l’échange: on ne saurait oublier l'écho de ces deux baisers initiaux au moment de la mort des amants …………………………

Deux femmes en sont la cause : mère et nurse.

La nourrice :

        MADAM, YOUR MOTHER CRAVES A WORD WITH YOU

Madame, votre mère voudrait vous dire un mot.

[Juliet departs to her mother]

Roméo :

        WHAT IS HER MOTHER ? Qui est sa mère ?

La nourrice :

                                            MARRY, BACHELOR

        HER MOTHER IS THE LADY OF THE HOUSE,

        AND A GOOD LADY, AND A WISE AND VIRTUOUS.

        I NURSED HER DAUGHTER THAT YOU TALKED WITHAL.

        I TELL YOU, HE THAT CAN LAY HOLD OF HER

        SHALL HAVE THE CHINKS.

(chinks=plenty of money)

        Par Notre-dame, jeune homme,/ sa mère est la maîtresse de cette maison,/ C’est une dame digne, et sage et vertueuse./ J’ai nourri sa fille, à qui vous parliez./ Je vous le dis, celui qui mettra la main dessus /aura la tirelire (D)/LES ÉCUS(VB).

Roméo (aside) :

                                             / IS SHE A CAPULET ?

        O DEAR ACCOUNT ! MY LIFE IS MY FOE’S DEBT

C’est une Capulet ! Oh ! terrible (coûteuse / chère) créance ! Ma vie devient la dette de mon ennemi(F.L.)/ Mon ennemi tient en ses mains mon existence / MA VIE EST AU POUVOIR DE MON ENNEMI.

            Dans ce moment de brutale information, R reprend la notion d’argent évoquée par la nourrice mais pour une dette  symboliquement plus menaçante.Sa vie en effet, à cause de Tyb sera bien aux mains de son ennemi.

BENVOLIO:

           AWAY, BE GONE, THE SPORT IS AT THE BEST.

            Assez, va-t’en, la fête bat son plein (Laroque)

            Partons nous avons vu le plus beau de la fête (VB).

            Partons nous avons eu le meilleur(YB).

ROMÉO :

            AY, SO I FEAR, THE MORE IS MY UNREST

            Eh oui, je le crains, mon trouble est à son comble./(...) le surplus sera ma souffrance(YB)./(...) d’autant plus grande sera ma défaite(V.B)

[.......]

…………PLUS BAS , la révélation de Juliette qui sait habilement ne pas attirer l’attention de la nurse (sang-froid de J)

JULIETTE :
               GO ASK HIS NAME.

[the nurse goes : la nourrice s’éloigne]

                                            IF HE BE MARRIED

        Va demander son nom. S’il est marié / s’il n’est plus seul /

                MY GRAVE IS LIKE TO BE MY WEDDING BED.

                Mon lit nuptial pourrait être mon linceul.

                        Association immédiate entre mariage et mort. Avant même d’avoir la révélation du nom...À retenir pour le personnage et pour la composition de la pièce.

NURSE ( returning)  :

            HIS NAME IS ROMEO, AND A MONTAGUE,

            THE ONLY SON OF OUR GREAT ENEMY.

JULIETTE (aside)  : un quatrain important

            MY ONLY LOVE SPRUNG FROM MY ONLY HATE !

            TOO EARLY SEEN UNKNOWN, AND KNOW TOO LATE !

            PRODIGIOUS BIRTH OF LOVE IS TO ME

            THAT I MUST LOVE A LOATHED ENEMY.

            Quatrain qui dit la contradiction qu’incarne tout de suite sa passion soudaine pour R :

-un parallélisme (my only) et une antithèse (love/hate) :

- parallélisme (too), des antithèses (early / soon , unknown /know (avec polyptote)) ;

-monstrueuse ( porteuse d'une naissance bâtarde) lui paraît la naissance de cet amour parce qu’elle doit aimer le pire ennemi / qui la pousse à aimer la source de sa haine.

Points capitaux :

            -elle a aimé d’abord sans savoir qui était l’homme qui lui parlait ; la haine vient après : il lui faut aimer celui qu’elle doit, par famille interposée, haïr. Elle intègre immédiatement la part de haine qu'on lui a inculquée.

            -elle met l'accent sur ce qui va structurer la pièce, son temps, son tempo : trop tôt, trop tard.


cl : merveilleuse rencontre où les conceits fusent, où les amoureux se parlent avec aisance, isolés de tous avant d'être rattrapés par la société.La rencontre est brève à l'image de leur vie et de leur vie amoureuse. Moment de grâce, de jeu amoureux où le duo invente sa religion amoureuse....

Juliette, après ce quatrain, fait croire à la N qu’il s’agit d’une poésie dite par un de ses cavaliers. J prouvera que le mensonge ne lui est pas étranger (cf scène de IV).

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14 novembre 2007 3 14 /11 /novembre /2007 06:28

Prologue vu à part.

I,1• Étant entendu qu la division en acte et scènes n’existait pas à l’époque.

 

a)deux valets des Cap’ prouvent que la haine entre les familles est vivace et touche tout le monde jusqu’aux serviteurs. Ce que confirme la venue des laquais des Montaigus qui se battent avec eux, surtout quand les partisans des Cap’ voient venir comme renfort, le sauvage, le méprisant Tybalt qui n’aspire qu’au meurtre et ne parle que de haine. Côté Mont’, Benvolio le bien nommé a tenté de séparer les combattants mais Ty le provoque trop.

 

b) deux laquais puis deux autres laquais, des parents des deux familles, l’effet fait "boule de neige" : la violence au coeur de la ville irrite les citoyens /bourgeois de Vérone qui veulent la fin de ce conflit chronique : rien n’y fait encore et les pères et mères des familles rivales viennent à la rescousse, les femmes tentant de freiner leur maris passablement ridicules. Il faut l’intervention du Prince pour faire cesser cette rixe. Il incarne la loi et promet la sanction (mortelle) en cas de récidive.

 

c) dialogue entre parents Montaigu et Benvolio (le neveu) qui résume ce qu’on vient de voir : la mère constate que quelqu’un manque, Roméo qui semble absent, en dehors de tout. Nous allons avoir un premier regard extérieur, une première caractérisation : R est mélancolique, insomniaque, il n’aime que la nuit, fuit tout le monde. Le mystère tient à la cause de cette maladie dont on veut le guérir (v151) : Benv va tenter d’en savoir plus.

 

d) première apparition de R, le R d’avant Ju : il va mêler des phrases évoquant le temps, les heures et la tristesse (sadness) avec des observations contradictoires sur ce qui vient de se passer ( il demande ce qui a eu lieu mais le sait ; il demande à dîner à 9 heures du matin).

 

-le bon Benv va droit à l’essentiel de façon pragmatique :

 

* il veut connaître la cause de la tristesse. L’amour : une femme non encore nommée, indifférente à tout et qui veut rester chaste.

* Benv propose sa solution pour ne pas sombrer dans l’amour idéalisé et maladif : regarder ailleurs, d’autres belles. Impossible, c’est à chaque fois se souvenir de l’incomparable. Fin de la scène : l’élève R affirme que la leçon de sagesse de son “maître” Benv ne le servira en rien et jamais.


 I,2•

    3 moments: des Cap' à Roméo (Benv) par l’intermédiaire d’une lettre invitation  portée par un valet illétré.

        a) le long terme en principe et l’immédiat :

-Capulet qui paraît las de cette interminable querelle répond à une nouvelle requête de Pâris qui veut épouser Juliette. Pas question avant deux ans, J n’ayant que presque 14 ans. Voilà pour le long terme. [indice que nous comprendrons très bientôt : Cap’ père ne connaît pas vraiment la Juliet que nous allons  découvrir dans la scène suivante.]

-dans l’immédiat annonce de la fête du soir (dimanche), fête traditionnelle des Cap: Pâris est invité, il y aura beaucoup de beautés; Capulet conseille à Pâris (comme Ben à R) de les regarder et de les comparer à J.

        Cap ordonne à son valet (Pierre) d’inviter dans Vérone les personnes dont le nom figure sur une liste. Malheureusement, le serviteur ne sait pas lire (élément comique qui n’est pas seulement drôle dans la logique de la pièce : ce “hasard” aura un grand rôle dans le cours de la tragédie). Il va demander l’aide de Benv et R, représentants du “camp” adverse.

        b) R et Benv poursuivaient la conversation précédente de I1. Benv propose toujours (avec variations) sa cure d’amour : un autre amour, une autre flamme, une autre douleur peuvent remplacer ce qu’on croit éternel. Roméo répond avec une solution médicinale qui rabaisse le niveau des exemple de Benv (le plaintain soigne les os brisés, et il le propose pour les coeurs brisés (broken heart/broken shin ): ce dernier le traite de fou. Ce qu’admet Roméo qui se dit lié, enfermé (shut up in prison), privé de tout et torturé. En réalité R parle de cette façon pour suggérer à son ami qu’il ne peut être compris. En même temps il y a dans cet amour fou, de la pose, de l’emphase qui passe par de grands mots et des fantasmes de tortures. Nous prolongeons notre connaissance du  "premier" Romeo, qu'il faut comprendre pour en saisir la métamorphose en fin d'acte.

    Roméo aperçoit le serviteur analphabète et le salue (rupture intéressante :R passe de l’évocation la plus pénible à la formule de politesse destinée à un inconnu inférieur socialement). Pierre le serviteur demande à R s’il sait lire : sa réponse est un trait d’esprit (le fameux wit) (mine own fortune in my misery [ il y a ici un jeu de WS avec son personnage  qui prétend savoir lire dans son destin alors que c’est cette lettre qui écrit partiellement ce qui va se décider très vite] que le serviteur comprend vite et auquel il réplique spirituellement. R jouant encore avec les mots, P veut partir : R le retient.

    R lit l’invitation pompeusement rédigée : R comprend peu à peu qu’il s’agit d’une fête chez les Capulet.

    Notez que parmi les hôtes nous trouvons Tybalt mais surtout Mercutio qui est donc apparenté aux Cap’ et surtout Rosalyn, l’idéal de R.(sa Délia).

        c) Benv saisit l’occasion pour "soigner" R qui n’a qu’à aller à la fête annuelle et voir Rosalyn : la guérison de son ami est prévisible. Il pourra comparer: son swan (cygne) ne lui semblera plus qu’un crow(corbeau). Protestation de R : Roasalyn est parfaite, sans équivalent depuis la naissance du monde.

    Image essentielle : le pélerin  veut bien souffrir du feu agressant ses yeux s’il s’est trompé, si jamais il change de “maîtresse”. Il a donc une dévotion amoureuse pour Rosalyn et changer d’amour serait comme une hérésie qu’on devrait punir par le feu né des larmes (mutation des contraires).

        R ira au bal : pour confirmer la supériorité de Rosalyn.

    Au plan dramatique on n’a qu’une amorce discrète de l’éclat de la rencontre. On observe que tout "naît" d’une lettre d’invitation lue par R.

    Jusque là les femmes étaient absentes et évoquées : nous avons alors une scène où elles apparaissent de façon centrale. APPARITION DE J.

I,3• beaucoup plus tard en ce dimanche. Scène d’intérieur. Trois femmes : la mère, la nourrice, la fille. On se souviendra de cette scène en IV.5.

    On attend J qui vient enfin. Lady Cap’ veut parler mariage à sa fille. Son âge prochain l’y autorise.
    Âge qu’on va calculer facilement grâce à une longue tirade de la nourrice qui est une précieuse informatrice dans cet acte.
    Lady Cap’s, à l’inverse de son mari, presse J d’épouser R. Elle pense que d’autres jeunes filles ont été mariées plus jeunes, et qu’elle - même avait enfanté Ju avant 14 ans.
    Lady  C' et la Nourrice font l’éloge de J. qui ne dit mot.Lady C' fait aussi un portrait de Pâris fondé sur une longue métaphore filée: il est un beau livre d’amour auquel il ne manque qu'une couverture ..En outre, au plan économique, J. n'y perdra rien, au contraire.

    La nourrice pense tout de suite à cet intérêt mêlé à l'"amour" (sans oublier l'enfantement).


    J ne paraît pas enthousiaste, il s’en faut. Elle reprend habilement certains mots de sa mère. Elle n'encouragera pas le conte par des oeillades.Le fil de la flèche amoureuse (Cupidon) prépare le coup de foudre de la scène I,5.


    Scène interrompue par un serviteur : la fête a commencé. Scène qui s’achève sur une pression “amicale “ des deux femmes âgées. Silence de J.

       NB: Roméo tantôt solitaire, tantôt loquace, sentencieux ; J silencieuse, retenue, réservée. J qui, enfant, avait dit innocemment OUI à une plaisanterie graveleuse de la nourrice et de son compagnon et semble dire ici  non implictement.

  Changement de lieu et de camp : la rue avec  des M'.

I-4• Extérieur nuit. À la porte des C'. 8 ou 9 personnes. Scène de groupe. Les proches de R : pour la première fois Mercutio, le seul invité (parent du Prince).Mercutio, nom remontant à Mercure et au mercure: vif, vif-argent imprévisible et au  messager

    Des masques veulent s’inviter à la fête. Motif majeur de la pièce (Mercutio va y revenir très vite).Tradition sous les Tudor : on venait sans prévenir mais on était accueilli.
    R veut se contenter de porter la chandelle, autrement dit se tenir à l’écart pendant que les autres s’amuseront. Mélancolique, jouant aussi à être mélancolique, il se dit lourd, incapable de mouvement, de danse: on a un jeu de mots : eux les frivoles ont "nimbles soles" tandis que lui a “a soul of lead”. Au contraire Merc lui vante l’air, la légèreté et va l'accuser de se laisser tomber dans la fange de l'amour.

    On découvre en Mer un être apparemment bien vivant,très dynamique et actif, détestant perdre son temps, vif à la réplique (la joute verbale avec R semble une passion et un rite) et qui critique  avec plus d’autorité cynique que le trop doux Benv. Il donne une longue tirade sur la reine Mab l’incube, apportant à tous les vivants de grandes illusions et poussant au sordide.

      Nous étudierons cette tirade particulèrement importante.

    Retenons de Merc qu’il avance vite une réflexion sur le masque et de visage qui est en soi masque. Il semble être l'homme qui ne croit pas en la pureté, voit illusion partout et se plaît à rabaisser tout (au niveau sexuel) en prônant un hédonisme de façade peut-être.

  Après l’évocation de Mab, Roméo a une prémonition étrange : astre, course funeste, il voit sa mort (cf cours de Laroque sur le net) venir très vite ; il va quand même au bal.

I,5:scène qui clôt l’acte : scène où tout bascule dans un lieu où sont réunis les deux camps ennemis. Fin d’un certain Romeo, commencement de l’intrigue et préparation du noeud de la pièce

    Intérieur, salle de réception, préparatifs puis fête.

    a) comme à la scène I,1 tout commence avec des serviteurs qui sont pressés de préparer le repas. Jeux de mots avec des noms communs devenus propres.

    b) d’après une  didascalie venant du quarto I (?), pendant que les serviteurs s’affairent, tous les Caps arrivent par une porte et les masques par l’autre : rencontre des Cap et accueil. Bienvenue souhaitée par Cap qui dans un langage peu relevé souligne son âge et invite à la danse. Il donne des ordres pour faciliter la danse et s’entretient avec son cousin : ils évoquent le temps lointain où ils mettaient eux aussi des masques. Sur fond de querelle inepte, soudain R demande à savoir qui est la dame qu’il vient de voir au bras d’un cavalier. Il est le premier Mont masqué à parler...

    Coup de foudre. Un dizain exprime l’émotion de R. Un distique final dit l’oubli de tout ce qu’il a dit et fait à propos de Rosalyn :d’emblée la jeune lady paraît lumineuse, une étoile, un  joyau ,un bijou brillant à l’oreille d'une Éthiopienne. Feu, foudre. Femme qu’il voit déjà aussi interdite. R se sent d’avance grossier devant elle. Idolâtrie supérieure à la précédente. Vocabulaire pétrarquisant et religieux.Rosalyn est oubliée à jamais.
   
    Tybalt a reconnu la voix d’un Montaigu: il veut ferrailler tout de suite. Cap lui dit qu’il s’agit de Romeo. Cap lui demande de se calmer. R a bonne réputation et il n’est pas question de troubler la fête (indice tragique : un Cap reconnaît le mérite d’un ennemi, ce qui rendra d’autant plus dérisoire la suite).

     Querelle violente entre Tyb et Cap : en réalité, bataille pour le pouvoir: qui est le maître? Menace de Cap. qui réclame de la lumière (!!!) et veut faire taire Tyb. qui part furieux et sûr que sa patience augmentera sa rage. Indice évident pour la suite : on le reverra et sa haine pourra s’exprimer.

 
    C’est à ce moment que W place le grand duo (public), le premier entre R & J: sommet de l’acte, dans le sillage du coup de foudre de R (voir notre étude).

    Rupture dans le  lyrisme de la pièce : par la nourrice qui apprend à R que J est une Cap. Sa vie devient dette de son ennemi.

    La soirée s’achève : tout le monde sort.

    Nous avons la même révélation pour J: elle cherche à savoir qui est le jeune homme qu’elle a embrassé mais, habile, elle le demande après interrogé à propos de bien d’autres. Elle craint un homme marié. Pire. Un Mont. Elle a alors un quatrain fondamental  à savoir par cœur(?)

        My only love sprung from my only hate!   
        Too early seen unknown, and known too late!   
        Prodigious birth of love it is to me,   
        That I must love a loathed enemy.

    FIN DE L'ACTE I



           ACTE II : le NOEUD qui prépare la crise
   
DANS CERTAINES ÉDITIONS IL Y A SIX SCÈNES AU LIEU DE CINQ: on sépare alors la 1 en deux. Peu importe.


PROLOGUE (vu à part)

    Acte tout a fait dans le prolongement temporel et spatial du la fin du I. La fête s'est achevée.

    II-1/a Roméo se cache dans le verger des Cap’: sorti de chez C, il demande à revenir où est son amour et retourne donc sur ses pas. Son corps, sa glaise, son corps d’argile (dull earth), son microcosme ont trouvé leur axe. Il disparaît. Dans le jardin des ennemis, les C.

 De là, il peut entendre ses amis Mer et Benv qui parlent de lui et de son amour pour Rosalyn. Mer et Benv qui sont évidemment en retard sur la révélation: ils en restent à la passion pour Rosalyn.

 
    Mercutio, toujours
persifleur, joue (il y a du jeu chez Mer mais un jeu presque tragique) un simulacre d’invocation pour faire apparaître R : il se présente un peu plus encore comme  cynique, railleur (il parle du corps de Rosalyn, ce que R ne voit, ne voyait évidemment pas exactement en ces termes!), salace en multipliant les jeux de mots à dimension sexuelle.

    II-1/b: antithèse absolue : le balcon. ÉTUDE À PART ÉVIDEMMENT.

-scène qui au plan de l’intrigue accélère nettement l’action : il s’agit de décider au plus vite du mariage.

    II-2: scène au  lever du jour: donc le lundi matin.

    Espace religieux avec un personnage inconnu jusqu'alors.

  

   Frère Laurent dans sa cellule méditant sur la Terre, la nature, les plantes pouvant être, comme tout être, unique dans l’univers  vénéneux et curatif. Il voit la dualité des êtres en tout et affirme que tout ce qui se détourne de son but sombre dans le mal.Mais en même temps il croit évidemment au rachat. Il élargit son propos à l’homme en qui se battent la RÉVOLTE ET LE GRÂCE.

     Entre Roméo.

Laurent se demande s’il a vraiment dormi : il est inquiet. R parle de douceur mais pas à cause de Rosalyn.
En réalité il veut être marié dès aujourd’hui.

IMPORTANCE  décisive DANS L’INTRIGUE.

Laurent s'étonne du soudain changement de son visiteur. R se défend. Le frère accepte de l’aider pour abolir la haine entre les familles.





    II-3: longue scène apparemment comique : en plusieurs étapes mais deux grandes parties (A/railleries, passe d’armes, moquerie contre la nourrice ; B/ dialogue seul à seul pour fixer un rdv)


    Benv et Mercutio déjà vus en II-1 cherchent R  ; eux en restent à R amoureux de Rosalyn ; R arrive et c'est une nouvelle passe d'armes rhétoriques et égrillardes entre Mer et lui; Mercutio maltraite la nurse et tous laissent R avec elle et son serviteur :

   * en terme d’intrigue :

-1) importance de la lettre de Tybalt (L'ÉCRIT, les lettres jouent un grand rôle dans la dramaturgie). Ses amis se demandent s’il est HOMME  à se battre contre TY.79.

-2) les choses s’accélèrent après les plaisanteries multiples très profondes malgré leur semblant. La N apprend les horaires de R pour le mariage (88) et elle apprend aussi qu'il faut préparer une échelle de corde.
Une ultime méditation sur le prénom Roméo.

   II-4:
la scène comique du délai.
    Midi.
    J attend avec impatience le retour de la N: quelle est la réponse de R? J médite sur l'opposition jeune et vieux.

  la N enfin revenue fait tout pour retarder l’annonce du rdv pour agacer, jouer avec J (elle
se plaint de mille maux).

    J apprend enfin qu'elle doit aller chez le frère pour le mariage secret et que la N préparera une échelle de corde pour la nuit.

  II-5 :

    -scène qui clôt l'acte : R accepterait même la mort après l'instant qui va venir.FL prêche la sagesse. J médite l'accroissement de son amour

    -le noeud du mariage va être scellé hors-scène: le mariage comme solution, alors qu’ils sont dans la transgression des ordres sociaux.


  FIN DE L'ACTE II, acte du nœud tragique .

Précisons : le noeud est ce qui va mettre en place les éléments de la crise qui appartient au III.

Nous passons de la fin de nuit (du dimanche au lundi ) à l'aube avec FL puis vers 9 heures du matin pour la scène avec Mercutio et la nourrice pour passer vers midi avec Juliette qui voit enfin revenir  son envoyée pour appredre que le maraiage aura lieu l'après-midi.

Pour l'espace il y a aussi des éléments nouveaux :
                                 -R a prolongé sa visite chez les Cap, non sans prendre de risque.
                               -un espace nouveau apparaît: la cellule de FL où se rejoignent un Mont et une Cap en fin d'acte (j sortant de chez elle pour la première fois de la pièce). Lieu consacré à la religion où il est beaucoup question de nature. Et de nature de l'homme.Un lieu où s'unissent Cap et Mont....


                          -une rue voit une scène de provocations de Mercutio et d'"ambassade de la nourrice.
                              .

En terme d'action quelques éléments se préparent en secret:les fils vont se nouer.Intrication lente

                   -
dans l'intrigue "politique", de façon souterraine, à peine sensible progresse la provocation de Tyb: il a écrit (nouvelle lettre) et il va falloir répondre à ce défi 79;Mer ironise beaucoup sur ce sujet.


                -l'intrigue amoureuse (forcément inséparable de l'intrigue interclanique) avance à grands pas : le "balcon" débouche sur une décision voulue par Ju: il faut se marier au plus vite et en effet ils seront mari et femme dans l'après-midi de ce même jour. Frère Laurent semble devoir jouer un grand rôle : de conseiller mais aussi dans l'action proprement dite.

                            -faisant lien encore très peu apparent la question de Paris :

Le paradoxe est le suivant : le mariage va accorder deux êtres de famille ennemies : i
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