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29 décembre 2007 6 29 /12 /décembre /2007 06:50
SITUATION:

    Les Cap' ont découvert et pleuré J car ils ne savent pas qu'elle n'est pas morte mais endormie par une préparation de FL. Ce qui devait tenir lieu de fête se change en son contraire selon la forte expression de Cap' (155).Tout le monde quitte la scène pour aller aux obsèques : restent provisoirement la N et plus longuement Pierre (que nous avons déjà vu dans la pièce et qui eut une réplique méchamment drôle envers elle 89) et les musiciens qui devaient contribuer à la fête du mariage.

   Cette scène est apparemment gratuite et on a parfois pensé qu'elle n'était pas de W, ce qui est mal connaître son art. Dans la tension dramatique, elle installe une pause (après une scène qui est elle-même tragique mais en même temps une comédie  jouée par FL), un retard classique dans la composition de la pièce (la N étant souvent à l'origine des retards). Mais elle permet à W d'élargir sa scène à toute la société qui devient théâtre (theatrum mundi). Elle pose ainsi la question des points de vue dans la tragédie.

        I-UNE PAUSE DE COMÉDIE:

            •a• une situation de comédie :un personnage veut duper un trio de musiciens. Il cherche tous les moyens pour ne pas les payer et arrive à ses fins. L'un des musiciens le traite d' "infâme crapule".


            •b• nous avons un petit festival de jeu sur les mots, de wit (DE POINTES comme dit le deuxième musicien=> notre traducteur : dégainez votre esprit (pointe de l'épée/pointe spirituelle)) auxquels Mercutio, avec plus de cinglant et de culture, nous a habitué.

-jeu sur les sobriquets :
                           Matthiew Minikin= Matthieu Crincrin (corde de viole en boyau de chat)

                       Hugh Rebec=Hughes Larchet (rebec: viole à 3 cordes)

                 Simon Soundpost=Simon Chanterelle (en fait soundpost est ce qu'on appelle si joliment l'âme d'un violon)

-jeu de mots :
                    -sur le mot anglais case bien rendu par état/étui : pitiful case/the case may be amended (étui qui a besoin d'être réparé)
                        -sur le combat avec arme et le combat "spirituel";
             -sur les notes de musique (croches, anicroches; transformation de notes en verbes : I'LL RE YOU; I'LL FA YOU; prendre notes);
                -pesante plaisanterie sur "silver sound" (son argentin) pour arriver à gold/or.

        •c• une inversion des rôles : le valet qui obéit généralement donne des ordres, menace, commande (un air, une chanson  peu adaptée à la situation) et il usurpe aussi la place du chanteur. Enfin le sens du deuil est chez les musiciens et non chez celui qui leur dit son mépris et qui appartient à la maison.

    => Cependant cette scène a plus de profondeur qu'il n'y paraît. Elle permet à W de nous montrer en passant

        -II-"LE MONDE COMME IL VA".


            •a• en fin d'acte,  W élargit le spectre social de sa pièce : nous avions en I,1 des serviteurs (Samson, Grégoire), nous aurons bientôt un pauvre apothicaire; chez les Cap nous avons vu la N d'origine plus que humble proche de la fille unique de la famille ; ici c'est la rencontre d'un valet (serving-creature (larbin dit l'un des musiciens) et de musiciens qui vont de "contrat" en "contrat"( anachronisme) et vivent comme ils peuvent.

               •b• en passant, sans insister W nous montre les rapports de pouvoir entre gens modestes : s'il y a mimétisme de clan entre Samson et Grégoire qui les pousse à la violence, il y a mimétisme dans le comportement d'un homme en bas de l'échelle sociale: il se croit autorisé à dire sa morgue avec la menace du gourdin et les mots pour éviter de payer. À tous les niveaux de la société on provoque, on insulte, on vole. Quelles que soient les circonstances. Le conflit est partout.W n'idéalise rien.

                •c• cette petite scène concerne aussi et avant tout des "artistes"[le concept serait à repenser dans son histoire: l'artiste
au sens "moderne", naît sans doute à Florence et à Rome, à la Renaissance].

        La pièce met en scène des comédiens qui se sont présentés comme tels dans le prologue.Elle nous a offert une scène en abyme avec la fausse mort et les lamentations des Cap' devant un metteur en scène nommé Laurent.  Elle suppose des musiciens au bal masqué et elle fait allusion à la sculpture pour les statues édifiées à la mémoire des amoureux "sacrifiés".

        W dans sa vie a connu bien des tracas, des dettes, des dépendances. À son époque comme à celle de Molière le camp des religieux déteste ces imitateurs jugés dangereux et la plupart des créateurs (avec quelques exceptions) qui séduisent, dupent, illusionnent (vieux procès platonicien repris par beaucoup de théoriciens religieux).

          Ce mépris pour les parasites, du moins pour ceux qui les considèrent ainsi est réfléchi dans cette fin d'acte. Eux-mêmes sont obligés de jouer les pique-assiette. Pendant que R voit la mort comme un ogre au ventre glouton, les "artistes" doivent manger (dinner est le dernier mot anglais de la scène et de l'acte) et grappiller les restes d'un repas de mort.

            Le créateur qui met en scène la scène du monde est le seul à même de restituer cruauté et beauté de ce monde.

cl : génie de W. Le centre et la périphérie ne sont pas éloignés : ils se ressemblent. Une petite scène intermède n'est pas insignifiante, elle n'est pas une pièce rapportée faite pour seulement détendre. Elle est un petit miroir qui réfléchit le monde. On peut pleurer, on peut souhaiter chanter gai un jour de deuil.Il faut vivre : la vie continue....



                   

    
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